Notre réponse aux tourbillons du monde, c’est le journalisme, rien que le journalisme, mais tout le journalisme. Une pratique professionnelle dont il nous faut sans cesse adapter les forces aux sujets qui racontent les basculements de la planète. Notre rédaction, qui n’a cessé d’être renforcée ces dernières années, nous donne les ressources pour couvrir un spectre très large de sujets. Mais il existe des domaines sur lesquels nous sommes plus attendus, pour lesquels notre travail d’enquête est plus important encore.

Après le Brexit, après l’élection de Donald Trump, la situation politique rend possible la victoire de Marine Le Pen à la présidentielle. Elle rend aussi possible l’élimination du PS ou de LR, voire des deux, dès le premier tour du scrutin, ce qui constituerait un choc inédit dans l’histoire électorale récente. Nous devons nous donner les moyens d’amplifier notre couverture en anticipant une série de chocs politiques et sociétaux : la présidentielle d’abord, évidemment ; les législatives ensuite, les plus indécises depuis longtemps ; la mise en place d’équipes gouvernementales probablement renouvelées en profondeur, enfin.

Quels que soient les scénarios, tout indique que nous allons vivre, d’ici à juin, un renouvellement considérable des élites politiques et une recomposition inédite de la vie démocratique. Cela nous conduit à affecter davantage de journalistes vers ce secteur, incluant notamment l’investigation, qui doit être, plus que jamais, une priorité. Les derniers mois ont confirmé la place centrale qu’occupe Le Monde dans le paysage médiatique français et international. Sur le terrorisme, sur les conflits d’intérêts, sur l’évasion fiscale, sur la corruption dans le sport, sur les affaires politico-financières… nous avons été à l’origine d’un grand nombre de révélations. Nous allons prolonger cet élan.

Nous ferons de même sur l’Europe, dès le 7 mai, si l’élection française devait accentuer les crises déjà ouvertes, sans relâcher pour autant notre attention sur les multiples séismes qui ébranlent l’ordre mondial : le recul des démocraties en Occident ; la montée des régimes autoritaires qui tentent, par des moyens qui englobent désormais la révolution numérique, de déstabiliser leurs rivaux ; les conséquences géopolitiques de l’essor du terrorisme ; celles du Brexit, qui va se mettre en place ; et le séisme qu’a représenté, dans de nombreux domaines, l’élection de Donald Trump.

Face au chaos du monde, les débats sont également des rendez-vous essentiels pour nos lecteurs. La double page quotidienne dans le journal, ainsi que le supplément « Idées », rencontrent un écho très favorable. Le contenu de ce supplément va également évoluer pour intégrer des tribunes et des textes venus de toute l’Europe afin d’élargir notre regard.

Une enquête sports hebdomadaire

S’adapter aux grands mouvements de l’actualité et aux évolutions des usages de nos lecteurs impose de faire des choix et de modifier nos priorités. Pour franchir une nouvelle étape dans la transformation numérique du service Sports, nous avons décidé d’interrompre la semaine prochaine la parution du supplément hebdomadaire dans nos éditions du vendredi daté samedi. Cet arrêt ne signifie pas pour autant que le sport disparaît du quotidien. Il est remplacé par la publication, le vendredi, d’une double page d’enquête, qui était un des éléments centraux du supplément.

L’arrêt du supplément « Sports »permet d’amplifier le basculement de la rubrique vers le numérique.

Nous continuons bien sûr à enquêter et à révéler les scandales et dysfonctionnements qui affectent le sport de haut niveau, nombre de ses institutions et certains de ses champions. C’est, depuis des années, l’un des points forts de notre couverture : il sera désormais pris en charge directement par l’équipe des investigateurs, renforcée. Lors des grands événements sportifs à venir, nous pourrons publier des suppléments ou dispositifs exceptionnels. L’arrêt de ce supplément permet d’amplifier le basculement de la rubrique Sports vers le numérique, qui s’est imposé comme une réussite. Nous avons demandé à l’équipe des Sports de construire un projet rédactionnel misant encore davantage sur les formats qui nous distinguent.

Une deuxième version du Décodex

Sur le numérique, nous avons lancé, avec les Décodeurs, une première expérience pour défendre une information de qualité face aux rumeurs et aux manipulations qui prolifèrent. Le Décodex permet aux lecteurs d’identifier les sites faussaires, qui imitent tous les codes du journalisme tout en fabriquant, diffusant, relayant sciemment des informations trompeuses voire totalement fausses. Il connaît un grand succès avec plusieurs milliers de connexions quotidiennes, près de 40 000 utilisateurs actifs, des extensions pour navigateurs Chrome et Firefox, plusieurs médias étrangers intéressés pour le reprendre et l’adapter. Le programme pédagogique qui l’accompagne a lui aussi reçu un excellent accueil de la part des enseignants et des parents.

Toutefois, nous avons aussi entendu les remarques et les critiques autour de cette première version, qui était loin d’être parfaite. Des erreurs ont été commises dans l’analyse de certains sites. Surtout, le code couleur que nous avons adopté a pu laisser comprendre que nous avions l’intention de labelliser toutes les sources d’information existantes. Avec cet outil, l’intention du Monde n’est évidemment pas de s’improviser agence de notation des sites de toute provenance.

C’est pourquoi une deuxième version du Décodex sera mise en ligne la semaine prochaine, avec un code couleur se concentrant sur les sites diffusant régulièrement de fausses informations ainsi que sur ceux pour lesquels il nous semble important d’avertir le lecteur sur un point en particulier. Cette nouvelle version comportera également une nouvelle fonctionnalité de l’extension, qui informera les lecteurs quand ils lisent un article diffusant une fausse information que nous avons repérée et traitée.

Ce travail, colossal, a été commencé par l’équipe des Décodeurs mais sera également réalisé en collaboration avec d’autres médias dans le cadre du réseau international de fact-checking CrossCheck. Cette deuxième version du Décodex sera probablement elle aussi imparfaite. L’outil peut, et devra, être encore amélioré grâce à toutes les remarques et critiques constructives. Il en va de notre mission de défense des faits dans le nouveau paysage bouillonnant de l’information.