Des collégiens membres d’un atelier de théâtre, après avoir répété une pièce sur le drame de Fukushima, le 22 février à Hirono. | KAZUHIRO NOGI / AFP

« Tu viens de Fukushima et tu vas bientôt mourir d’une leucémie. » Ces propos, rapportés le 12 janvier par une mère de famille témoignant dans le cadre d’un procès contre la compagnie d’électricité de Tokyo (Tepco), ont été adressés à son fils scolarisé dans une école primaire de la capitale japonaise. « Ça arrivera peut-être au collège », aurait même, d’après la mère, renchéri un professeur. Molesté à plusieurs reprises, l’enfant aurait par ailleurs subi un racket de ses camarades. Et sa mère de déplorer ce véritable harcèlement « simplement parce qu’il est un évacué ».

Outre le choc dû à l’abandon forcé de leur maison après la catastrophe nucléaire de Fukushima de mars 2011, nombre de familles s’efforçant de refaire leur vie ailleurs signalent des actes similaires. Les médias ont rapporté fin 2016 le cas d’un collégien de 13 ans, scolarisé à Yokohama, au sud de la capitale, traité de « germe » par ses camarades de classe qui l’ont racketté et lui ont soutiré 1,5 million de yens (12 200 euros). A Niigata (Nord), un écolier du primaire a subi les mêmes insultes, de la part de ses camarades et de son professeur principal. Ce dernier a nié, mais confronté aux témoignages de plusieurs élèves, il a admis les faits et s’est excusé.

Pour les quelque 80 000 évacués de Fukushima, le problème ne se limite pas aux vexations subies par les enfants ni aux craintes d’avoir été exposés aux radiations. Les personnes déplacées redoutent aussi de ne trouver personne avec qui se marier et avoir des enfants, un sentiment rappelant ce qu’ont subi les survivants des bombardements atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki.

« Grande tristesse »

Mais c’est surtout la question des dédommagements qui suscite des frictions, car elle alimente les envies. « Pourquoi travaillez-vous, alors que vous recevez de l’argent ? », a-t-on lancé à une femme de 35 ans, qui raconte : « J’ai ressenti une grande tristesse, me demandant si je n’avais pas le droit de travailler. » « J’évite de parler de ma situation, ajoute une autre femme interrogée. J’ai peur que la question des dédommagements soit évoquée et que mes enfants subissent un harcèlement. » D’après un sondage réalisé en janvier et février par le quotidien Asahi et Akira Imai, spécialiste des politiques locales à l’université de Fukushima, plus de 60 % des personnes évacuées disent avoir subi ce type de vexations.

Dans le département même de Fukushima, les tensions sont monnaie courante. « Nous avons eu du mal avec des voisins », raconte Yoshiyuki Shigehara, un agriculteur d’Iitate, l’un des villages évacués après la catastrophe, ayant recréé son exploitation près de la ville de Fukushima. Le fait qu’il ait « touché des dédommagements de Tepco » suscite des jalousies. « Ce problème n’est pas rare », admet Makoto Sugioka, directeur des affaires agricoles de la municipalité d’Iitate.