Nettoyer pour oublier. Tel semble être l’objectif de la vaste opération de décontamination lancée après la catastrophe nucléaire de Fukushima de mars 2011. Le projet a mobilisé et mobilise toujours des milliers de travailleurs pour des travaux simples mais fastidieux, à savoir retirer cinq centimètres de terre, élaguer les arbres et laver au nettoyeur haute pression plus de 600 000 maisons et bâtiments, ainsi que 120 000 hectares de terres agricoles.

Ci-dessous : brosse d’un balai retrouvé à Tomioka (préfecture de Fukushima), en 2016. Le taux de radiation s’élève à 500 coups par minute. Les zones les plus claires sont les plus radioactives.

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Définies par le gouvernement selon le cheminement des rejets radioactifs soumis aux caprices des vents et des précipitations, les zones traitées vont du département de Chiba au sud à celui de Miyagi au nord. Celui de Fukushima est le plus concerné. Au total, 2 400 km² de territoire ont été ou sont encore traités.

Ci-dessous : branches de cyprès recueillies à Namie (préfecture de Fukushima), en 2016. Les taux de radiations émis par l’isotope Césium 137 varient entre 2 843 Bq/kg et 15 517 Bq/kg. Les zones les plus claires sont les plus radioactives.

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L’objectif est de ramener les taux d’exposition à 1 millisievert par an dans les zones d’habitation et de culture et de permettre ainsi le retour des 80 000 personnes contraintes ou ayant choisi de quitter les zones d’ordre ou de conseil d’évacuation.

Botte recueillie à Namie (préfecture de Fukushima), en 2013. Le taux de radiation s’élève à 255 coups par minute. Les zones les plus claires sont les plus radioactives. | Masamichi Kagaya

Pour autant, l’efficacité de l’opération, qui pourrait générer 22 millions de tonnes de déchets, reste discutée. Les intempéries déplacent les substances radioactives accumulées dans les montagnes et les forêts. Il faut parfois recommencer les travaux. Et les zones qui ne sont ni résidentielles ni agricoles restent contaminées, ce qui a eu une influence sur les traditions locales. « On ne va plus ramasser des herbes dans la forêt au printemps, regrette Kenji Kusano, du Centre des technologies agricoles de Fukushima. Je vais dans le département voisin de Yamagata pour cela. » Les champignons, le gibier et les poissons de rivière restent contaminés.

Plume recueillie à Namie (préfecture de Fukushima), en 2012. Le taux de radiation s’élève à 70 coups par minute par endroits. Les zones les plus claires sont les plus radioactives. | Masamichi Kagaya

Se pose également la question du devenir des produits de cette décontamination. Placés dans des sacs spéciaux par les travailleurs, ils font ensuite l’objet d’une mesure des radiations puis sont rassemblés dans des centres de stockage.

D’après la loi, ils devront ensuite être transférés dans deux immenses centres à Futaba et Okuma, les deux municipalités sur lesquelles se trouve la centrale endommagée et qui restent totalement évacuées. Mais ce projet prend du temps, notamment, explique le gouverneur de Fukushima Masao Uchibori, car « nous n’avons pas encore convaincu tous les propriétaires de céder leurs terrains ». Seuls 26,8 % d’entre eux avaient donné leur accord en janvier. Tout juste 134 000 tonnes avaient été transférées.

Puis, toujours selon la loi, après trente ans, l’ensemble des produits de la décontamination devront être déplacés sur un site définitif hors du département de Fukushima. « Pour l’instant, rien n’est fixé », admet le ministre de la reconstruction Masahiro Imamura.

Ci-dessous : gant recueilli à Iitate (préfecture de Fukushima), en 2012. Le taux de radiation s’élève à 1 500 coups par minute. Les zones les plus claires sont les plus radioactives.

Masamichi Kagaya, photographe japonais, rend visible la radioactivité

Masamichi Kagaya est un photographe japonais. Depuis 2011, il arpente les communes d’Itate et de Namie, (situées dans un rayon de moins de 40 kilomètres de la centrale) contaminées par les rejets de la centrale de Fukushima-Daichii. Lors de la catastrophe, survenue le 11 mars 2011, cette zone a été totalement évacuée par les autorités.

De chacun de ses voyages, Masamichi Kagaya a collecté des échantillons contaminés par les rejets de la centrale : faune, flore et objets divers de la vie quotidienne. Son projet vise à rendre visible « l’invisible » de la catastrophe : les radiations sur l’environnement et les personnes.

Avec le biologiste Satoshi Mori, de l’université de Tokyo, connu pour ses travaux sur la contamination des végétaux, il a développé un procédé appelé « autoradiographie ». Cette technique produit des images sur un support photographique à partir d’un objet émettant des radiations, avec un résultat en noir et blanc aux contours fantomatiques.

Une exposition du travail de Masamichi Kagaya sera présentée dans le cadre de FORMAT, (Festival International de Photographie à Derby, au Royaume-Uni) du 24 mars au 23 avril.