La course de drones, nouveau « show » à l’américaine
La course de drones, nouveau « show » à l’américaine
Par Morgane Tual (envoyée spéciale à Austin, Texas (Etats-Unis)
Du bidouillage dans les champs à la grosse production, cette compétition a beaucoup évolué en deux ans. Rencontre avec le fondateur de la Drone Racing League, Nicholas Horbaczewski.
La lumière joue un rôle important dans la mise en scène des courses de drones. | David T Kindler / Drone Racing League
Il y a deux ans, les courses de drones ressemblaient à ça : plusieurs machines plus ou moins performantes s’affrontant dans un champ peu équipé, pour une course auquel le public ne comprenait pas grand-chose. Aujourd’hui, elles sont devenues de véritables « shows » à l’américaine, organisés dans des stades et retransmises à la télévision avec des images dignes de Star Wars.
DRL | Level 3: Project Manhattan Teaser | Drone Racing League
Durée : 01:15
Que s’est-il passé entre-temps ? Au festival South by Southwest d’Austin (Texas), organisé du vendredi 10 au mardi 14 mars et consacré aux nouvelles technologies, l’un des acteurs majeurs de cette évolution est venu expliquer comment il avait transformé la course de drones. Nicholas Horbaczewski a fondé, en 2015, la Drone Racing League (DRL), une structure américaine qui organise des courses spectaculaires, et qui a réussi à obtenir les premiers contrats de retransmission télévisée pour ce sport.
Tout a commencé, là aussi, dans un champ, près de New York. « Un ami m’y a emmené voir une course de drones, raconte ce trentenaire au Monde. Mais c’était mal organisé, les drones tombaient, ils étaient mal conçus, le tout était très immature. Et, en même temps, il y avait des moments incroyables dans la course, très excitants. J’ai voulu rendre tout cela plus professionnel : ça avait le potentiel d’un vrai sport. »
Des courses d’une minute
Mais les obstacles à surmonter sont légion pour transformer les courses de drones en une expérience aussi spectaculaire que la formule 1, à laquelle Nicholas Horbaczewski aime les comparer. Organiser une telle course requiert un arsenal de techniques et de compétences pointues. Les événements de la DRL opposent six dronistes, qui doivent effectuer, sur une durée d’une minute, un parcours précis. Le tout en FPV, « first person view », ce qui signifie que les pilotes, équipés de lunettes spéciales, voient ce que filme le drone, comme s’ils le pilotaient de l’intérieur.
Tout cela nécessite des drones de qualité, un terrain de course adapté au spectacle, mais aussi le matériel nécessaire pour filmer ces petits objets qui déboulent à toute vitesse dans des bâtiments parfois complexes. « On a analysé toutes les raisons qui en faisaient un événement amateur pour le transformer en quelque chose de professionnel. »
Nicholas Horbaczewski a fondé la Drone Racing League en 2015. | Drone Racing League
En ce qui concerne le matériel, la Drone Racing League a fait le choix de créer ses propres engins. « C’est comme pour la Formule 1, on crée des machines pour les pros », explique l’Américain. Son entreprise a aussi créé un système radio pour faire le lien entre le pilote et sa machine : dans les premières courses de drones, les pilotes subissaient des interférences et des coupures de signal. « Nous avons besoin que les pilotes puissent contrôler leurs drones dans de grands espaces, des stades, derrière des structures d’acier, dans ses sous-sols… », explique Nicholas Horbaczewski. Les pilotes de la DRL utilisent donc tous la même technologie, « pour que ce soit le meilleur pilote qui l’emporte, et non pas le meilleur drone ».
« Si un maillon de la chaîne lâche, tout est raté »
Mais une fois pilotes et engins en place, encore faut-il que le public réussisse à suivre le spectacle. Pas évident avec ces petites machines qui foncent à toute allure et qui se ressemblent :
« Lors de nos premiers essais, les gens nous disaient qu’ils ne comprenaient pas qui était en train de gagner, de perdre… Or quand on veut mettre en scène un bon sport, il faut comprendre tout de suite ce qu’il se passe. »
Il a donc fallu ruser : équiper les drones de LED de différentes couleurs afin de mieux les distinguer, baliser chaque côté du circuit avec une couleur à part pour comprendre dans quel sens se déroule l’action, et créer des « portes » en guise de points de repères, dans lesquelles doivent s’engouffrer les drones. Avant chaque course, une animation est diffusée pour présenter le terrain, afin que les spectateurs puissent se l’approprier.
DRL | Level 2: L.A.pocalypse Teaser | Drone Racing League
Durée : 01:12
Restait ensuite à filmer le tout. « Cela a été très difficile, tellement c’est rapide. Il a fallu trouver des spécialistes, capables de suivre les drones, et trouver les bonnes caméras, avec l’optique adaptée. » Sur place, les spectateurs peuvent suivre la course de leurs propres yeux, sur les écrans qui retransmettent les images des caméras, ou encore avec des lunettes, qui leur permettent de se mettre dans la peau du pilote de leur choix.
Le résultat est là : « Il faut gérer la technologie, le spectacle et la retransmission, et tout cela doit fonctionner en même temps. Avoir des drones parfaits ne sert à rien si les caméras ne marchent pas. Si un maillon de la chaîne lâche, tout est raté. »
Un contrat à un million de dollars
La première course de la Drone Racing League a été organisée en janvier 2016, suivie par quatre autres la même année. Six sont prévues en 2017, dont une à Munich et une à Londres. Pour 2018, Nicholas Horbaczewski aimerait venir en France, pays d’origine, souligne-t-il, de la première vidéo virale de courses de drones.
FPV Racing - Crash Session!!!
Durée : 04:22
Mais surtout, la DRL a décroché des contrats avec des chaînes de télé, comme le bouquet européen Sky TV du groupe Murdoch, qui a acheté les droits de retransmission en septembre 2016 pour un montant d’un million de dollars. Aujourd’hui, 25 personnes travaillent pour la Drone Racing League, soutenue par d’imposants sponsors comme l’assureur Allianz ou encore les bières Bud Light. La DRL revendique 33 millions de téléspectateurs l’an dernier et ne compte pas en rester là : diffusées – en différé – dans une quarantaine de pays en 2016, ses courses devraient être vues dans près de 75 états cette année.
Les 16 pilotes de la ligue viennent de huit pays différents. Agés de 18 à 55 ans, sélectionnés par la DRL, ils comptent dans leurs rangs un ancien ingénieur de Google et un col blanc de Wall Street. Certains, souligne Nicholas Horbaczewski, ont un passé dans les sports de courses, quand d’autres viennent du jeu vidéo. Le gagnant de la saison 2016 a empoché pas moins de 100 000 dollars. Cette année-là, ils étaient une trentaine à s’affronter au sein de la ligue, mais « c’était trop dur à suivre », a finalement tranché l’organisateur.
Ainsi vont les balbutiements des courses de drones : il faut tester sans cesse afin de façonner ce tout nouveau sport. Au point d’en faire une doctrine permanente. « Nous évoluons constamment, les règles changent, précise Nicholas Horbaczewski. On pourrait imaginer des nouveautés, comme équiper les drones d’armes. On veut que ça continue toujours ainsi : que chaque course soit différente de la précédente. »
Qu’est-ce que South by Southwest ?
South by Southwest, surnommé « SXSW », est l’un des plus importants festivals au monde consacré aux nouvelles technologies – mais aussi à la musique et au cinéma. Il se déroule à Austin, au Texas, du vendredi 10 au mardi 14 mars. Plus de 33 000 personnes sont attendues pour assister aux centaines de conférences qui y sont données. Après Barack Obama ou encore Mark Zuckerberg, le festival doit accueillir cette année des personnalités telles que l’astronaute Buzz Aldrin, le « futuriste » de Google Ray Kurzweil ou encore l’équipe de la série Game of Thrones. Pixels suit le festival au quotidien dans une rubrique dédiée, mais aussi sur Twitter et Instagram.