« Les investisseurs doivent gérer les risques liés au calendrier électoral »
« Les investisseurs doivent gérer les risques liés au calendrier électoral »
Par Didier Saint-Georges est membre du comité d’Investissement chez Carmignac
Comment un investisseur peut-il gérer les risques politiques ? Les réponses de Didier Saint-Georges, membre du comité d’Investissement chez Carmignac.
Tribune. Les investisseurs sont obsédés par une seule question depuis quelques semaines : les élections françaises risquent-elles de bouleverser les marchés ? Après s’être trompés sur les votes britanniques et américains en s’appuyant sur les sondages, on peut comprendre qu’ils se méfient. En conséquence, les investisseurs anglo-saxons ont déserté les marchés actions européens, et tout particulièrement le marché français.
Il reste bien quelques analystes européens pour estimer qu’« un cygne noir est improbable en Europe cette année », mais rien n’y fait. En réalité, investisseurs pessimistes comme optimistes se méprennent tous deux sur la façon d’aborder les risques binaires.
Affirmer qu’un « cygne noir » est improbable n’aide en rien, car c’est une tautologie. Un cygne noir est toujours improbable, c’est même ce qui le définit. Mais comme ses conséquences peuvent être disproportionnées, leur faible probabilité ne permet nullement de se réconforter.
Alors que dire aux investisseurs que le risque politique tétanise ? D’abord qu’être trop prudent constitue un risque. Tout vendre parce qu’un risque important se profile peut vous sauver parfois, mais vous pénalisera souvent. Il faut donc en règle générale rechercher non pas le « risque zéro », dont le coût d’opportunité est trop élevé, mais plutôt la robustesse d’un portefeuille.
Autrement dit, il faut accepter de souffrir un peu de volatilité si les choses tournent mal, afin de pouvoir en retour profiter au moins en partie d’un rebond si le pire est évité. Or si mesurer la probabilité d’un événement extrême est illusoire, mesurer la robustesse d’un portefeuille ne l’est pas. Il est parfaitement possible, et même très recommandé, de régulièrement soumettre son portefeuille à des « stress tests », qui observeront comment sa valeur réagirait à des scénarios défavorables.
Les effets d’une diversification entre classes d’actifs, monnaies, régions seront ainsi mesurés et permettront des ajustements autant que de besoin. Mieux encore : la soumission de stress tests de plus en plus défavorables permettra de mesurer si le portefeuille, après avoir subi les premiers pourcentages de baisse, parvient à ne pas être entraîné plus loin dans sa chute grâce à des positions jouant ensuite le rôle d’amortisseurs (devises refuges, options de ventes, actifs décorrélés, etc.).
Cycle favorable
La deuxième chose à rappeler est qu’en effet, il existe un scénario plausible qui justifie de demeurer investis sur les marchés actions européens. Le cycle économique global est favorable et, alors qu’il est déjà bien avancé aux Etats-Unis, il commence seulement depuis quelques mois à profiter à l’Europe.
Les trois principaux pays de la zone euro, l’Allemagne, la France, l’Italie, ont une carte à jouer majeure s’ils savent la saisir. Le premier en relançant l’investissement et la consommation pour entraîner ses partenaires européens dans sa direction, la France et l’Italie en se réformant. Quiconque sera élu en France au mois de mai aura la chance de prendre les commandes de l’avion avec un vent économique porteur. Ne négligeons pas la possibilité qu’il sache en profiter intelligemment.
Pour un investisseur, un risque politique ne se prend ni ne se fuit, il doit se gérer. Il constitue un bon exemple de cas où la gestion des risques ne consiste certainement pas à formuler des prédictions, mais plutôt à se mettre en situation de robustesse dans tous les scénarios.
Cette robustesse ne vise pas à refuser toute volatilité, mais au contraire à l’accepter en la maîtrisant, afin de conserver l’essentiel du potentiel de ses convictions de long terme.