A Damas, sur les lieux de l’attentat, le 11 mars. | LOUAI BESHARA / AFP

Deux semaines après avoir mené une spectaculaire attaque contre des casernes des services de sécurité syriens à Homs, dans le centre du pays, le mouvement djihadiste Tahrir Al-Cham, émanation d’Al-Qaida, a perpétré un nouvel attentat dévastateur, samedi 11 mars, en plein cœur de Damas.

L’explosion de deux bombes, à l’entrée d’un cimetière, en lisière de la vieille ville, a fait 74 morts, en majorité des pèlerins chiites irakiens, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH). Cette ONG basée à Londres affirme que 20 combattants pro-régime, 11 femmes et 8 enfants figurent aussi parmi les victimes. L’agence de presse officielle syrienne, SANA, donne un bilan moins élevé, de 40 morts et 120 blessés.

La première des deux déflagrations, causées, selon Tahrir Al-Cham, par des kamikazes, s’est produite à un arrêt de bus, près du cimetière de Bab Al-Saghir, où les pèlerins s’apprêtaient à organiser une prière. La seconde est intervenue quelques minutes plus tard, alors que les secouristes affluaient sur les lieux du carnage.

Les fidèles irakiens venaient de visiter la mosquée de Sayyida Zeinab, haut lieu de spiritualité chiite, dans le sud de Damas. Ce sanctuaire a été visé à de nombreuses reprises depuis le début de la guerre civile syrienne, notamment par l’organisation Etat islamique (EI), qui a perpétré dans ses environs, en janvier et juin 2016, deux attaques, qui ont respectivement fait 70 et 20 morts.

Recul de l’EI

Dans son communiqué de revendication, Tahrir Al-Cham, une alliance de groupes armés, dominée par Fatah Al-Cham, la nouvelle appellation du Front Al-Nosra, la branche syrienne d’Al-Qaida, a affirmé avoir visé les « milices iraniennes » soutenant le « régime tyrannique » de Bachar Al-Assad. Ces dernières années, les troupes gouvernementales syriennes ont reçu le renfort de milliers de combattants chiites étrangers, notamment libanais et irakiens, souvent financés par Téhéran.

Ce double attentat survient au moment où l’EI recule, sous les coups de boutoir des Kurdes, des rebelles et de l’armée syrienne, engagés dans une course à la reconquête de Rakka, la « capitale » des partisans du « califat », dans le nord de la Syrie. En parvenant une deuxième fois en deux semaines à percer les défenses du régime syrien, alors que son rival djihadiste est sur la défensive, Tahrir Al-Cham marque des points importants. Il peaufine sa stratégie visant à se présenter comme la seule force efficace face au camp pro-Assad et comme le défenseur numéro un des sunnites, la communauté majoritaire en Syrie, opposée en grande partie au pouvoir.

Violations répétées de la trêve

Ces dernières semaines, autour de son fief d’Idlib, dans le nord-ouest de la Syrie, Tahrir Al-Cham a attaqué plusieurs groupes armés plus modérés, au motif que leur participation aux négociations d’Astana, fin janvier au Kazakhstan, constitue une trahison. Ces discussions intersyriennes, organisées sous l’égide la Russie, visent à consolider le très volatil cessez-le-feu proclamé fin décembre 2016.

L’armée syrienne et son allié russe continuent à mener des raids aériens, faisant de nombreuses victimes civiles, notamment dans la banlieue orientale de Damas et le quartier Al-Waer de Homs, deux zones aux mains de la rébellion. Arguant de ces violations répétées de la trêve, plusieurs brigades rebelles ont annoncé samedi 11 mars qu’elles boycotteront la troisième session des négociations d’Astana, censées se tenir mardi et mercredi.

Dans une lettre en date du 10 mars, veille du double attentat de Damas, le département d’Etat américain affirmait que tous les membres de Tahrir Al-Cham – et non pas seulement Fatah Al-Cham – sont considérés comme des représentants d’Al-Qaida, ce qui les désigne comme des organisations terroristes. Dans le même document, Washington présentait Ahrar Al-Cham, une puissante coalition rebelle salafiste, qui a combattu aux côtés de Fatah Al-Cham avant de s’en éloigner, comme un « défenseur de la révolution ».