Les deux administrateurs du site Zone Téléchargement ont été remis en liberté
Les deux administrateurs du site Zone Téléchargement ont été remis en liberté
Par Philippe Gagnebet (Toulouse, correspondance)
Les deux hommes, âgés de 24 ans, reconnaissent leur implication dans la gestion du site, mais les circuits financiers restent opaques.
Zone Téléchargement a été fermé le 28 novembre 2016. | Capture d'écran
Mis en examen pour « contrefaçon », « travail dissimulé » et « blanchiment », le tout sous le qualificatif de « bande organisée », Thibault F. et Wilfrid D., tous deux âgés de 24 ans et originaires de Toulouse, ont été remis en liberté vendredi 10 mars, après plus de trois mois de détention provisoire pour leur rôle dans la gestion du site Zone Téléchargement.
Fermé le 28 novembre 2016 par la gendarmerie, ce site Internet très populaire permettait de télécharger directement films, séries et autres contenus protégés par le droit d’auteur. Après une enquête menée par le centre de lutte contre les criminalités numériques (C3N) de la gendarmerie nationale et la section de recherches de Toulouse, le site « s’est révélé très lucratif pour les instigateurs, par la rétribution des régies publicitaires », soulignait la gendarmerie début décembre 2016. Après des perquisitions menées en France, en Allemagne, en Islande, en Andorre et à Chypre, 450 000 euros avaient été saisis sur des comptes des bancaires.
Selon le secrétaire général de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem), qui avait porté plainte dès 2014, rapidement rejointe par l’Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle (ALPA), Zone Téléchargement générait 1,5 million d’euros de chiffre d’affaires par an. Les deux associations professionnelles évaluaient les préjudices aux ayants droit à plus de 75 millions d’euros. Une somme jugée « totalement absurde et disproportionnée » selon l’avocat toulousain des deux jeunes gens, Simon Cohen.
Après avoir obtenu la mise en liberté « après trois mois inacceptables de détention » de ses clients, Me Cohen les considère comme « des petits génies, aux airs d’adolescents, qui ont commis la seule faute d’avoir inventé un raccourcisseur de liens de téléchargement [DL-protect, qui servait d’outil d’anonymisation sur le site] ». L’avocat précise également que Wilfrid D. et Thibault F. avaient régularisé une première fois en 2014 leur situation avec l’appui d’un expert-comptable, et qu’ils se seraient acquittés la même année de plus de 300 000 euros d’impôts, par l’intermédiaire d’une société de fait.
Poursuite des investigations
Déjà repérés et suivis par les services fiscaux et la gendarmerie, les deux jeunes s’étaient alors installés en Andorre, d’où ils faisaient travailler des prestataires, notamment en Tunisie. L’instruction qui se poursuit devra donc démontrer s’il y a eu volonté « d’opacification du système », ce qui leur a valu cette longue détention provisoire, la justice craignant qu’ils s’expatrient ou disparaissent dans la nature.
Une volonté totalement rejetée par Simon Cohen qui stigmatise « une décision de justice qui veut faire un exemple » alors que ses clients ne se sont « attaqués ni aux hommes ni aux institutions ». Si le parquet ne fait pas appel de la remise en liberté, et après une première confrontation le 28 février, Wilfrid D. et Thibault F. vont donc rester sous contrôle judiciaire.
Car, dans l’affaire Zone Téléchargement, c’est bien tout le système mis en place qui devra être décortiqué. Le site ne stockait en effet aucun fichier, mais répertoriait des liens vers d’autres plates-formes. Toute l’astuce des administrateurs reposait sur le principe de fournir des liens URL pour accéder aux banques de stockage permettant de télécharger de manière frauduleuse.
Reste à déterminer les circuits financiers, et en premier lieu l’origine des fenêtres publicitaires, souvent pornographiques, et leur caractère illégal. Lors de la confrontation du 28 février, Thibault F. et Wilfrid D. ont reconnu et assumé un rôle administratif, pour le premier, et technique, pour le second, reconnaissant également que les bénéfices étaient partagés. La suite de l’instruction tentera d’évaluer une peine et des amendes pour les créateurs d’un site qui voyait défiler plus de 3,5 millions de visiteurs chaque mois.