Mark Rutte, du Parti populaire libéral et démocrate (VVD) et premier ministre des Pays-Bas depuis le 14 octobre 2010 face à Jesse Klaver (à droite) du parti écologiste GroenLinks (gauche verte), le 14 mars. | ROBIN VAN LONKHUIJSEN / AFP

Le parti écologiste GroenLinks (gauche verte) est l’un des grands gagnants des élections législatives aux Pays-Bas. En remportant quatorze sièges, alors qu’elle n’en avait que quatre, la formation de Jesse Klaver s’est imposée, mercredi 15 mars, comme le leader de fait de la gauche néerlandaise et pourrait peser sur les négociations à venir pour former un gouvernement.

En Autriche, c’est aussi un écologiste, Alexander Van der Bellen, qui l’a emporté lors de la présidentielle du 4 décembre 2016. L’ancien chef des Verts a battu son adversaire d’extrême droite, Norbert Hofer (Parti de la liberté d’Autriche, FPÖ).

Comment les partis écologistes ont-ils réussi à s’imposer dans ces deux pays européens où pesait la menace de l’extrême droite ? Pour Lucile Schmid, présidente de la Fondation pour l’écologie politique et co-présidente de la Green European Foundation, leur réussite tient notamment au charisme de leur leader.

Comment expliquez-vous le succès des écologistes néerlandais ?

D’abord par le charisme de leur leader, Jesse Klaver. Les Verts, qui ont souvent une difficulté avec le leadership, ont su trouver une personnalité qui reflète un projet collectif. Avec son père marocain et sa mère d’origine indonésienne, Jesse Klaver incarne la société ouverte et le multiculturalisme néerlandais.

La deuxième raison est le système institutionnel. Il y a manifestement eu un système de vases communicants avec le Parti du travail, le parti social-démocrate. Cela est dû au système proportionnel qui accroît l’effet d’un transfert de voix.

Les Verts néerlandais ont aussi su articuler les questions économiques et sociales et le changement climatique, un sujet auquel les Pays-Bas, par leur géographie et leur histoire, sont particulièrement sensibles. La plate-forme des Verts assume la fermeture des centrales au charbon et la taxation des pollueurs, tout en préconisant des hausses de salaires considérables. C’est ce qu’on appelle le « green new deal », un programme clairement à gauche.

Enfin, le GroenLinks a aussi insisté sur le thème d’une société de confiance, préconisant une réduction des contraintes administratives. C’était de l’anti-Wilders. Le leader d’extrême droite misait sur la peur et se montrait peu en public. Au contraire, Jesse Klaver s’est beaucoup montré et a fait preuve d’optimisme, n’hésitant pas à proclamer son admiration pour le président américain Barack Obama ou le premier ministre canadien Justin Trudeau, ce qui n’est pas banal pour un écologiste.

Peut-on voir des similitudes avec la victoire d’un candidat écologiste, Alexander van der Bellen, à la présidence de la République en Autriche ?

En Autriche aussi, la campagne devait être menée contre l’extrême droite et Alexander van der Bellen a gagné en assumant clairement la question du leadership. Mais les deux hommes ne sont pas de la même génération, et le pouvoir du septuagénaire autrichien est surtout symbolique, alors que le jeune Klaver, qui a 30 ans, menait campagne pour jouer un rôle politique effectif majeur.

Néanmoins, dans les deux cas, les Verts ont su porter et incarner un projet qui s’opposait à celui de l’extrême droite en disant aux électeurs qu’ils pouvaient regarder l’avenir avec confiance.

Pourquoi dans deux pays, l’Allemagne et surtout la France, la situation des Verts est-elle moins favorable ?

En Allemagne, il y a quand même un Vert, Winfried Kretschmann, qui dirige le Bade-Wurtemberg et jouit d’un vrai respect et d’une réelle popularité dans tout le pays. Mais les Verts doivent faire face à l’arrivée de Martin Schulz à la tête des sociaux-démocrates, qui parvient à incarner un renouvellement de la vie politique.

En France, la situation est paradoxale. Les questions écologiques sont abordées de façon assez inédite par Benoît Hamon (Parti socialiste) et Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise), mais Yannick Jadot [le candidat élu lors de la primaire écologiste] ne se présente pas à la présidentielle. Il est clair que les écologistes français ont un problème avec le leadership.

De plus, les Verts n’ont pas su représenter l’opposition à l’extrême droite, ce qui est sans doute dû au système institutionnel et à l’élection au scrutin majoritaire à deux tours. Les alliances passées avec le Parti socialiste semblent davantage liées à la répartition des places au Parlement qu’à un accord sur un programme, ce qui ne permet pas aux écologistes d’incarner le renouvellement des pratiques politiques.

Il faut que les Verts français assument à l’avenir soit de ne pas présenter de candidat à la présidentielle, en remettant en cause le système présidentiel, ou alors qu’ils travaillent sur la question de leur dirigeant.