Au beau milieu d’une campagne présidentielle particulièrement sombre, marquée par les affaires et la montée des populismes, le constat a de quoi surprendre. Et pourtant. La croissance économique française « résiste à l’épreuve des incertitudes politiques », a souligné l’Insee, jeudi 16 mars, à l’occasion de la présentation de ses prévisions pour le premier semestre 2017.

« De nombreuses questions se posent sur les politiques à venir aux Etats-Unis et à l’approche d’élections cruciales en Europe, [mais] le climat conjoncturel reste favorable », a résumé Vladimir Passeron, chef du département de la conjoncture à l’Insee. De quoi rehausser les prévisions des statisticiens, qui attendent une augmentation du produit intérieur brut (PIB) de 0,3 % au premier trimestre 2017 et de 0,5 % (autant qu’en Allemagne et en zone euro) au deuxième trimestre, contre 0,3 % et 0,4 % attendu auparavant.

Conséquence : à mi-année, l’acquis de croissance (autrement dit ce que serait le rythme de hausse de l’économie si le PIB calait complètement en seconde partie d’année) s’élèvera à + 1,1 %. Soit un peu plus qu’il y a un an (+ 1 %), et autant que la croissance française enregistrée sur la totalité de l’année 2016.

La Banque de France table sur une hausse de 1,3 % du PIB

« Ces prévisions démontrent que la reprise observée depuis 2015 en France est solide et elles confirment (…) l’hypothèse du gouvernement d’une croissance de 1,5 % en 2017. Au total, la France de 2017 est dans une bien meilleure posture que celle de 2012 », s’est félicité Michel Sapin, le ministre de l’économie. Sans être aussi optimiste, la Banque de France a indiqué, le 9 mars, tabler sur une hausse de 1,3 % du PIB cette année.

Si la machine tricolore reprend du poil de la bête, c’est d’abord en raison de la bonne santé de l’économie mondiale. « Un vent d’optimisme souffle sur les pays émergents et contribue à un net regain du commerce mondial », a précisé M. Passeron, qui évoque aussi la « bouffée d’optimisme post-électorale des ménages et des entreprises américains ». A l’échelle de l’Hexagone, il conviendrait plutôt de parler de brise – le déficit commercial a battu un triste record mensuel à 7,9 milliards d’euros en janvier.

Mais la tendance est là. Le commerce extérieur, qui avait amputé la croissance de 0,8 point en 2016, ne pèsera quasiment plus cette année (– 0,2 point), à la faveur d’un triple retournement : celui de la production céréalière, qui avait traversé une annus horribilis en raison de mauvaises conditions météo, celui des exportations d’électricité, qui ont pâti de l’arrêt de centrales en fin d’année, et celui du tourisme, qui devrait connaître un « timide » rebond, estime l’Insee.

Le logement et la consommation

Autre point positif, les dépenses des ménages en logement. Elles étaient enfin reparties à la hausse en 2016 après huit années de crise, et devraient poursuivre leur progression à un rythme solide cette année (+ 0,9 % puis + 1 % sur les deux premiers trimestres 2017).

En revanche, la consommation des ménages progressera moins vite que l’an dernier. En cause, le regain d’inflation lié à la remontée des prix du pétrole, qui devrait limiter le pouvoir d’achat. « On pourrait avoir une déception au premier trimestre », estime Axelle Lacan, économiste chez Coe-Rexecode, un institut proche du patronat. La consommation restera néanmoins le principal moteur de la croissance tricolore, selon l’Insee.

En effet, aussi étonnant que cela puisse paraître, « la confiance des ménages dans la situation économique n’est pas entamée. Ils se disent prêts à renouveler des achats importants », souligne M. Passeron. L’Insee a d’ailleurs étudié la confiance des ménages à la veille des élections nationales (présidentielle et législatives) depuis 1988. L’institut observe une « bulle d’optimisme » à l’approche des scrutins, les Français étant « temporairement plus confiants sur les perspectives économiques du pays ». « Mais cela n’a aucun caractère prédictif », s’est empressé de relativiser M. Passeron, à la lumière de l’ambiance morose de 2017…

Des perspectives de production au plus haut depuis 2008

Du côté des entreprises, l’investissement, qui vient de connaître une année record (+ 4 %) devrait rester soutenu, en raison de taux d’intérêts encore bas, de marges au plus haut depuis la crise (31,9 % attendus à mi-année), mais aussi du prolongement du dispositif fiscal de suramortissement jusqu’au 15 avril – ce qui laisse toutefois augurer un contrecoup négatif par la suite, suggère l’Insee.

Enfin, les perspectives de demande semblent bien orientées : le climat des affaires dans l’industrie a atteint en février un pic depuis mi-2011. Les perspectives de production y sont au plus haut depuis 2008. Et ce, même si l’activité industrielle et les exportations ont « peiné en tout début d’année », précise l’Insee, en raison de fermetures de raffineries pour maintenance et d’un calendrier de livraisons aéronautiques plus erratique. Mais cela ne devrait être que temporaire, estime l’Institut.

Cette relative résistance de la croissance française devrait permettre à la lente décrue du chômage hexagonal de se poursuivre : après 9,7 % à fin 2016, le taux de chômage en métropole devrait s’établir à 9,5 % mi-2017. Après une année 2016 record en matière de créations d’emploi (+ 187 200 dans le secteur marchand, un niveau inédit depuis 2007), le rythme de hausse devrait ralentir quelque peu (40 000 créations par trimestre), en raison notamment d’effets moindres du CICE et de la prime à l’embauche, et du ralentissement de la croissance de l’intérim, qui a représenté plus d’un tiers des nouvelles embauches en 2016.