Comme en 2012, Jean-Luc Mélenchon organise une marche pour la VIRépublique à Paris. La journaliste au Monde Raphaëlle Besse Desmoulières a répondu à vos questions sur ce défilé qui aura lieu samedi 18 mars à Paris, entre les places de la Bastille et de la République.

Hugo : Pourquoi Mélenchon choisit-il de faire son discours place de la République et non pas place de la Bastille comme en 2012 ? Clin d’œil à Nuit debout ?

Raphaëlle Besse Desmoulières : Jean-Luc Mélenchon a donné rendez-vous à ses partisans place de la Bastille pour une marche qui les conduira place de la République. En 2012, le défilé était parti de Nation pour arriver à Bastille. Le thème est toujours celui de la VIe République.

Comme l’a expliqué son directeur de campagne, Manuel Bompard, le candidat de La France insoumise veut « reprendre le fil » là où il l’a laissé il y a cinq ans. Il s’agit de ne pas donner l’impression de refaire la même chose tout en s’inscrivant dans la continuité. Et pour qui réclame une VIe République, la place qui porte ce nom peut sembler appropriée d’autant qu’effectivement, elle a accueilli Nuit debout. Mais elle est aussi symbolique à gauche : elle est le point de départ ou d’arrivée de nombreuses manifestations syndicales.

Tibo : Jean-Luc Mélenchon avait invité Hamon à venir marcher avec lui samedi. Le candidat socialiste a-t-il répondu à l’invitation ?

Il semble assez peu probable que Benoît Hamon s’invite parmi les partisans de Jean-Luc Mélenchon. Ce dernier a aussi prévu un événement important de sa campagne dimanche : il tient un grand meeting à Bercy où son entourage « espère faire mieux » que 10 000 personnes. La bataille des chiffres sera cependant inévitable entre les deux candidats de gauche.

Alban : Savez-vous combien de personnes doit-on s’attendre à trouver lors de cette marche ? Des personnalités ont-elles annoncé leur présence ?

Il est difficile de savoir combien de personnes seront présentes samedi. Ce qui est certain, c’est que La France insoumise – le mouvement de M. Mélenchon – et le PCF ont chacun mobilisé leurs partisans. L’équipe de M. Mélenchon a fait savoir que 200 cars avaient été affrétés en région parisienne et en province. Les communistes ont aussi prévu des départs en car, d’autant que la gare de Lyon est exceptionnellement fermée ce week-end.

En 2012, le Front de gauche avait revendiqué 120 000 personnes à Bastille. Même si la place était pleine, ce chiffre pourrait avoir été légèrement surestimé à l’époque si l’on en croit les calculs de Manuel Bompard, le directeur de campagne de M. Mélenchon. Si ce dernier a préféré ne pas donner le nombre de personnes attendues samedi, il a expliqué que la place de la République était plus grande que celle de la Bastille et renvoyé sur un site, Mapchecking.com, selon lequel République peut contenir 110 000 personnes en comptant quatre personnes au mètre carré (ce qui est déjà très serré).

Pierre Laurent, secrétaire national du PCF, a annoncé sa présence, même s’il ne prendra pas la parole à la tribune. D’autres personnalités communistes devraient être présentes comme la députée de Seine-Saint-Denis Marie-George Buffet. Les dirigeants des partis qui soutiennent la candidature de M. Mélenchon, comme Danielle Simonnet et Eric Coquerel (PG) ou Clémentine Autain (Ensemble !) devraient également être là.

Billou : Que cherche à montrer Mélenchon avec cette marche ?

Cette marche, qui a été annoncée très tôt dans la campagne, est très importante pour M. Mélenchon. « On espère en faire le plus grand rassemblement de la campagne », expliquait Manuel Bompard, son directeur de campagne. En 2012, le défilé de Nation à Bastille avait marqué un tournant dans la campagne de celui qui était alors le candidat du Front de gauche. La place de la Bastille était bondée, ce qui avait permis à M. Mélenchon d’en faire une véritable démonstration de force face à François Hollande.

Le député européen espère rééditer l’exploit, d’autant que ces dernières semaines, sa campagne a été percutée de plein fouet par l’arrivée de Benoît Hamon dans le jeu présidentiel et par l’affaire Fillon qui a saturé l’espace médiatique. Peu audible et à la peine dans les sondages (il est donné en cinquième position, autour de 12 % des intentions de vote au premier tour), il s’agit donc pour lui de montrer qu’il ne faut pas l’enterrer trop vite et qu’à cinq semaines du premier tour, il faut compter avec lui.

Luc35 : Quelle est la relation actuelle de Mélenchon avec le PCF ?

Les relations entre Mélenchon et le PCF sont exécrables, notamment à cause des législatives. Signe des tensions, Pierre Laurent, le numéro un communiste, sera présent à la marche mais ne prendra pas la parole à la tribune. Pour rappel, les communistes ont choisi à une très courte majorité en novembre 2016 de soutenir la candidature de M. Mélenchon. Mais depuis ils font une campagne « autonome » avec leur propre programme et mots d’ordre.

La question des législatives est au cœur des débats. Pour le PCF, c’est un enjeu crucial, sûrement plus important que celui de la présidentielle. L’élection de députés permet non seulement d’être présent à l’Assemblée nationale et de disposer ainsi d’une tribune médiatique mais cela ouvre surtout droit à un financement public. En ne présentant pas de candidat à la présidentielle, les communistes espéraient sans doute que les discussions seraient plus aisées pour les législatives avec M. Mélenchon. Mais ils se sont heurtés à la détermination de La France insoumise de présenter des candidats dans les 577 circonscriptions, y compris celles où le PCF a des députés sortants.

Le parti de Pierre Laurent refuse aussi de signer la charte de La France insoumise qui comprend notamment le rattachement à une association de financement unique et de se soumettre à une discipline de vote. Les discussions sont pour le moment bloquées et on pourrait donc avoir une concurrence fratricide entre des candidats de La France insoumise et des candidats de l’ex-Front de gauche, où tout le monde serait perdant.

ET : Avec les événements de jeudi 16 mars (enveloppe piégée reçue au FMI, fusillade dans un lycée à Grasse) le rassemblement ne risque-t-il pas d’être annulé ?

Pour l’heure, le rassemblement n’a pas été annulé mais il était déjà prévu qu’il se déroule sous haute surveillance. Pour rappel, l’état d’urgence est toujours en vigueur en France et des mesures particulières doivent être prises. L’équipe du candidat a ainsi indiqué que 300 bénévoles formés assureraient le service d’ordre et qu’ils seraient épaulés par un service de sécurité privé comme l’exige la préfecture. Ce qui fait grimper la facture. Cet événement a été chiffré entre 200 000 et 300 000 euros par l’équipe de campagne de Mélenchon.

Nico : Pourquoi Mélenchon veut-il interdire les drapeaux lors de cette marche ?

M. Mélenchon n’a pas souhaité interdire les drapeaux lors de cette marche. Il a en revanche demandé aux formations politiques qui le soutiennent (PG, PCF, Ensemble !, NGS…) et aux militants qui souhaitent défiler avec leurs drapeaux de le faire en queue de cortège.

L’ex-socialiste a en effet fait le choix d’une candidature « hors partis » afin de tenter d’élargir son assise politique en s’adressant aux abstentionnistes et aux dégoûtés de la politique. Mais je vois mal comment la consigne sera totalement respectée, d’autant qu’elle a pu effectivement froisser des militants qui pourraient en profiter pour faire un pied de nez à leur candidat.

Multatuli : Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste cette nouvelle République ?

La VIe République occupe une place centrale dans le projet de M. Mélenchon. C’est même le premier chapitre de L’Avenir en commun. « La nouvelle Constitution dont la France a besoin doit être radicalement nouvelle, est-il écrit dans son programme. C’est le peuple lui-même qui doit s’emparer de la question et s’impliquer tout au long d’un processus constituant. »

Le candidat veut donc convoquer une assemblée constituante chargée d’écrire une nouvelle Constitution qui sera soumise à référendum. Parmi les mesures proposées par M. Mélenchon dans ce chapitre institutionnel, on trouve notamment le droit de révoquer un élu en cours de mandat, le non-cumul des mandats, y compris dans le temps, l’élection des députés à la proportionnelle, le droit de vote à 16 ans, le vote obligatoire avec la reconnaissance du vote blanc ou encore le droit de vote aux élections locales pour les résidents étrangers.

Aloys L. : Où en est l’idée d’une alliance entre Hamon et Mélenchon ?

L’idée d’une alliance entre les deux candidats a été abandonnée fin février. Aucun ne voulant endosser le rôle de celui qui divise, ils ont multiplié les allers-retours, ce qui leur a au final fait du tort. Finalement, ils ont acté leurs différends lors d’un dîner en tête-à-tête. Peu d’éléments ont filtré sur ce rendez-vous. M. Mélenchon avait notamment mis en avant la question de l’Europe pour expliquer l’impossibilité d’une candidature commune. Sans compter qu’aucun des deux ne souhaitait se retirer au profit de l’autre.

Kevin : On parle beaucoup du financement du parti de Macron. Qu’en est-il du mouvement de Mélenchon. Qui sont les donateurs ?

Selon son équipe, deux millions d’euros ont été récoltés par le biais de sa plate-forme Web, www.jlm2017.fr, où il était possible de donner de petites sommes. On ne sait pas qui sont les donateurs même si on peut supposer qu’il s’agit d’anonymes. Maintenant que M. Mélenchon a obtenu ses 500 parrainages et que les sondages le donnent au-dessus de 5 % des intentions de vote, il va pouvoir aussi débloquer un prêt bancaire. Ses proches avaient évoqué la somme de 8 millions d’euros.