Quelles recettes pour « muscler » le football français ?
Quelles recettes pour « muscler » le football français ?
Par Catherine Pacary
La mission d’information mise en place par le Sénat a remis, jeudi, son rapport, axé sur 17 propositions, pour un football professionnel mieux organisé et plus attractif.
L’OL est le seul club français de Ligue 1 a être propriétaire de son stade, à Décines, où il recevait Toulouse, le 12 mars. | ROMAIN LAFABREGUE / AFP
La crise de 2015 entre la Fédération française de football (FFF) et la Ligue de football professionnel (LFP) aura au moins eu le mérite de révéler le malaise institutionnel du ballon rond français. Et d’inciter le Sénat à mettre en place une mission d’information sur sa gouvernance, sous la présidence de Dominique Bailly (PS). Après un an de travail, celle-ci a présenté, jeudi 16 mars, son rapport d’information et formule dix-sept propositions pour « muscler le jeu » du football professionnel – en référence à l’expression chère à Aimé Jacquet. Derrière les termes techniques, plusieurs axes prioritaires émergent.
- « Plus » ou « moins » d’Etat ?
Premièrement, la demande de « plus d’Etat ». Dès la première proposition, le texte réclame un ministère des sports « de plein exercice » capable de faire contrepoids aux deux ligues influentes, et souligne la baisse des subventions d’Etat à la FFF, passées de 3,8 millions d’euros en 2000 à 1 million en 2015 – « un seuil acceptable » pour l’avenir. Lorsque le sujet du Stade de France est abordé, en revanche, c’est « moins d’Etat » qui est demandé. La mission propose de profiter de l’arrivée à échéance de la concession, en 2025, pour ouvrir le capital du Stade aux FFR, FFF, LFP et LRP, au côté d’un opérateur, « en lieu et place de l’Etat ». Le président de la Fédération de rugby, Bernard Laporte, a d’ailleurs proposé, le 31 janvier, d’entrer au capital du consortium soit à 50 % avec la FFR soit autour de 30 % aux côtés d’un opérateur.
Le texte insiste également sur le rôle des collectivités territoriales, en particulier dans les infrastructures. Sur les vingt stades utilisés par les clubs de Ligue 1, dix-neuf appartiennent à des collectivités – seul l’OL est propriétaire de son nouveau stade de Décines. Ce qui constitue un lourd handicap pour le football français.
- La rivalité FFF-LFP
Deuxième thème essentiel, la fin de la rivalité entre la FFF et la LFP, née de la réforme des instances de 2011. Réalisée dans la foulée de la débâcle française lors du Mondial de 2010, celle-ci donne plus de pouvoirs à la FFF au détriment de la LFP. Alors que la FFF représente les intérêts des gros clubs, la LFP, plus proche des petits clubs et des amateurs, se sent flouée de certains droits – surtout financiers. L’actuelle convention sur la répartition des compétences entre les deux instances doit être améliorée, au risque de voir ressurgir un grave conflit. D’où la proposition, entre autres, de définir le « bloc de compétences » de la Ligue et de modifier les modes de scrutin. Ainsi, le nombre de mandats successifs des deux présidents serait limité à trois.
- La manne des droits audiovisuels
Comment faire pour que la manne des droits audiovisuels, qui ont explosé en dix ans, profite à tous, clubs, athlètes, instances ? Il faut commencer par en faire profiter la formation, répondent les auteurs. Chaque club de L1 et de L2 serait obligé d’acquérir un club de formation. Sur ce sujet, le retard français est patent : les montants des droits annuels (en euros) étaient de 468 millions en France en 2014-2015 ; de 1,6 milliard en Allemagne et en Espagne (2016-2017) ; de 1 milliard en Italie (Série A en 2014-2015) ; et de 2,3 milliards au Royaume-Uni. Pour une répartition entre la L1 et la L2 de : 84,5/15,5 en France ; 80/20 en Allemagne ; 90/10 en Espagne ; et 95/5 en Italie.
Auditionné, Noël Le Graët propose de créer une fédération des supporteurs de l’équipe de France de football. | LIONEL BONAVENTURE / AFP
Bien vendre une image implique qu’elle soit belle. Et l’image du football français dépend aussi de celle renvoyée par les tribunes. Le texte insiste donc sur le contrôle des débordements des ultras. Cela posé, les auteurs comprennent que l’Association nationale des supporteurs (ANS) veuille jouer un rôle sur ce qui les touche. Le président de la FFF, Noël Le Graët, propose une fédération des supporteurs de l’équipe de France et suggère aux clubs de leur ouvrir leur capital.
- Modifier la loi Evin
La mission d’information souhaite instaurer un « plafonnement de la masse salariale, un “salary cap” », en L2, pour sécuriser le financement des clubs et, surtout, préserver la deuxième division des excès financiers de la L1, dont le budget est passé, en dix ans, de 850 millions à 1,5 milliard d’euros. Plus osé, pour améliorer les recettes des clubs, le rapport souhaite modifier la loi Evin afin d’autoriser la vente d’alcool dans les stades et la publicité pour certaines boissons alcoolisées. Gain évalué : 30 à 50 millions d’euros. Sur le terrain, un quota de « joueurs formés localement » serait instauré, dans les deux ligues – voire les trois ligues, si la nationale évolue en ce sens.