NINI LA CAILLE

Depuis le 20 janvier et jusqu’à lundi 20 mars, les élèves de terminale doivent saisir leurs vœux d’orientation sur la plate-forme Admission post-bac (APB 2017), passage désormais quasi obligé pour s’inscrire dans l’enseignement supérieur. Mais, derrière les quelques clics qui leur ouvriront – ou pas – les portes du cursus choisi, leur choix aura été travaillé par des années de représentations et de stéréotypes, indémêlable stratification d’arguments de raison et d’émotions, d’ethos familial, social, géographique… Même les frontières symboliques les plus apparentes ne suffisent pas toujours à expliquer pourquoi un jeune – et sa famille, et ses enseignants – préférera des études techniques courtes à une classe préparatoire aux grandes écoles, une filière universitaire quasi gratuite à une école de commerce privée à 8 000 euros l’an, quand bien même ces diverses offres, si l’on en croit les brochures officielles comme le sens commun, semblent irréalistes.

Ce sont ces frontières que nous avons exploré dans un supplément sur l’orientation du Monde, dont les principaux articles figurent ici en lien. Il montre que la présence, près de chez soi, d’une bretelle d’autoroute suffit parfois à déterminer les choix aussi sûrement que l’obtention d’une mention au bac. Qu’emprunter l’ascenseur scolaire et social ne va pas de soi, comme l’avait magistralement montré Didier Eribon dans son Retour à Reims (Fayard, 2009), sans doute un des meilleurs livres de la décennie sur l’orientation, les plafonds de verre et les « transfuges de classe ». Que quarante kilomètres de quatre-voies rapidement avalés dans une région scolairement réputée, la Bretagne, peuvent être équivalents à des années-lumière en termes de représentation de l’avenir. Que les leviers qui permettent à des jeunes de s’imaginer un futur qui contredit l’assignation que leur promet la sociologie ont peu à voir avec le niveau scolaire et tout à voir avec des attitudes que l’école serait bien inspirée de placer au cœur de sa mission – travailler la confiance en soi, le savoir-être et pas seulement les savoirs et les savoir-faire. Que bien des enseignants sont pleinement conscients des stéréotypes qu’ils colportent et imposent bien malgré eux « pour le bien des élèves », faute d’une formation au conseil en orientation digne de ce nom, et qu’ils en souffrent.

La bonne nouvelle est que les mutations que traverse aujourd’hui le monde du travail rebattent les cartes. Le paysage de l’enseignement supérieur, pour l’essentiel, en a pris acte. Confrontée à la concurrence avec des algorithmes toujours plus puissants, prêts à remplir tout ou partie des tâches aujourd’hui dévolues à des diplômés de niveau master, la pédagogie exclusivement fondée sur la mémorisation et la répétition fait une place croissante à la créativité, à l’empathie, au travail collectif, à l’ouverture internationale, et ouvre un espace inédit aux rêves et aux talents qui sortent des cases traditionnelles de l’« excellence scolaire ».

Encore faut-il qu’ils aient l’envie et l’idée d’investir ces territoires nouveaux. Elles ne s’épanouissent pas par miracle et comportent un préalable : sortir de l’approche mécaniste et « adéquationniste » de l’orientation, qui prétend poser une rationalité scolaire des choix quand ils sont le fruit de constructions mentales complexes et parfois contradictoires. Un travail qui procède de la psychologie, voire de la psychanalyse, collective, et qui engage non seulement les professionnels de l’éducation mais l’ensemble du corps social.

APB 2017 : « Le Monde » Campus vous aide à vous orienter

Donner à comprendre l’enseignement supérieur et le monde de demain afin d’aider lycéens et étudiants à faire les bons choix d’orientation aujourd’hui, telle est l’ambition du Monde Campus, notamment à travers ses rubriques APB, Etudes supérieures et O21, et son événement O21/s’orienter au 21e siècle, qui a été organisé cette année à Lille, à Cenon (près de Bordeaux), à Villeurbanne et à Paris.

Voici quelques articles particulièrement utiles à l’heure de formuler ses vœux d’études supérieures sur APB (la date limite étant lundi 20 mars, à 18 heures, mais avec des délais supplémentaires pour envoyer les dossiers de candidature et classer ses vœux).