Jean-Jacques de Peretti, le 13 septembre 2011 à Paris. | PIERRE VERDY / AFP

Ancien ministre de l’Outre-mer, Jean-Jacques de Peretti, 70 ans, a décidé de franchir le Rubicon. Chiraquien, proche d’Alain Juppé, le maire de Sarlat (Dordogne), figure du parti Les Républicains dans le Sud-Ouest, a parrainé Emmanuel Macron dont il fera la campagne. Il soutient les idées de l’ancien ministre de l’économie et regrette la radicalisation de François Fillon. Un signe fort alors que de nombreux juppéistes se sentent mal à l’aise dans la campagne de l’ancien premier ministre.

Pourquoi avez-vous parrainé M. Macron ?

Jean-Jacques de Peretti : Historiquement, j’ai eu Jacques Chaban-Delmas comme référence. Aujourd’hui, mon modèle politique, c’est Alain Juppé mais comme il l’a dit lors de sa conférence de presse : pour lui, c’est trop tard. Chaban portait l’espoir d’une « nouvelle société ». Macron a repris ce flambeau. D’abord, il incarne le rassemblement autour de l’idée européenne essentielle face au repli identitaire et nationaliste. Ensuite, les Français souhaitent que l’on puise faire travailler ensemble ce qu’il y a de mieux à droite et à gauche, au-delà du sectarisme des vieux partis. Enfin, il est le meilleur barrage contre l’extrême droite dont une majorité de Français ne veut pas. Sa réussite pourrait bousculer le paysage politique pour longtemps.

Le fait que M. Macron soit haut dans les sondages a dû vous aider à prendre votre décision…

Non pas du tout. Ma démarche est une adhésion à son projet. Ce n’est pas un choix par défaut ou par dépit. Ça a été un long cheminement mais M. Macron est simplement le candidat le plus proche de mes idées. Il y a une compatibilité entre son projet et le programme qu’Alain Juppé a défendu pendant la primaire de la droite. Sur l’éducation, c’est quasiment la même chose. Sur l’économie, il y a la même philosophie avec une politique de l’offre privilégiée. Sur le régalien, il va dans le bon sens même s’il doit encore être plus ferme. Beaucoup d’experts de Juppé travaillent d’ailleurs déjà avec Macron.

Comme d’autres à droite, n’avez-vous pas déploré ses propos sur l’inexistence d’une culture française ou la colonisation vue par lui comme un « crime contre l’humanité » ?

Il a précisé sa déclaration en parlant des cultures françaises. Sur la colonisation, je n’aurais pas dit cela mais ça ne remet pas en cause un mouvement.

Avez-vous prévenu Alain Juppé ?

Oui. Il l’avait senti venir et il m’a dit : « Tu es libre de faire ce que tu veux. » Tous ceux qui ont soutenu le projet de M. Juppé peuvent reprendre leur liberté. Nous ne pouvons pas rester enfermés dans un parti politique qui n’est plus toute la droite et tout le centre comme l’était l’UMP à sa création en 2002. La radicalisation de la base dont a parlé Alain Juppé s’est accélérée depuis 2012 avec l’influence grandissante de Patrick Buisson. La campagne de Fillon a encore accentué ce phénomène. Au lieu d’ouvrir son projet aux idées de la droite modérée, il l’a durci. Par exemple avec la majorité pénale à 16 ans qui ne résoudra rien et le maintien de la suppression de 500 000 postes dans la fonction publique qu’il ne pourra pas appliquer. Autour de Fillon, il n’y a plus que les sarkozystes. Les juppéistes mènent campagne pour les législatives.

Que pensez-vous de la tonalité de la campagne de M. Fillon ?

Imagine-t-on le général de Gaulle remettre en cause la magistrature ? Pour nous, les élus de terrain, comment faire respecter la République quand un candidat s’en prend de cette façon à la justice ? Avec les affaires, François Fillon ne peut plus parler du fond des choses. Et la droite n’est pas du tout apaisée car elle a un candidat qui n’est plus le même que celui pour lequel elle a voté à la primaire. Il a été élu de façon incontestable grâce notamment la rigueur et à l’honnêteté qu’il incarnait. Les électeurs de droite n’ont plus en face d’eux le même homme.