Kim Kardashian West, en mai 2016. | MIKE SEGAR / REUTERS

New York, 2 février, 9 h 55. Kim Kardashian a pénétré quelques instants plus tôt dans les bureaux du procureur fédéral. Accompagnée de ses deux avocats parisiens, dont le pénaliste réputé Jean Veil, la vedette américaine fait face à Armelle Briand, la juge d’instruction française chargée de l’enquête sur l’agression et le vol dont elle a été victime à Paris dans la nuit du 2 au 3 octobre 2016. Près de 9 millions de dollars de bijoux lui ont été dérobés. Débute alors une audition qui va durer toute la journée et dont Le Monde a pu prendre connaissance.

Kim Kardashian n’a pas souhaité revenir à Paris. « Je sens que ce n’est pas un endroit pour moi, je parle de Paris. Ce n’est pas un endroit pour moi sur le plan émotionnel », justifie-t-elle en préambule. Elle est bien évidemment au courant des interpellations qui ont eu lieu dans la capitale le 9 janvier. « Je me suis sentie soulagée et très fière du système judiciaire français, dit-elle. Ça ne m’a pas donné pour autant un sentiment de sécurité dans le monde et cette expérience m’a ouvert les yeux sur le fait que le monde n’était plus un endroit sûr. »

« Ils étaient au courant de mes déplacements »

Après avoir donné le détail des personnes qui l’accompagnaient lors de son séjour parisien, la vedette de la télé-réalité se souvient avoir eu un pressentiment avant de quitter Los Angeles où elle réside, pour se rendre à la Fashion Week. « Cela faisait quinze jours déjà que nous avions peur d’être victimes d’un attentat terroriste en sortant du pays, et pas seulement en allant à Paris. Quand Kourtney [sa sœur] a eu un problème de passeport, je me suis dit que quelque chose de mauvais allait arriver. J’ai eu ce pressentiment. Je tenais à vous le dire parce que c’était un sentiment tellement profond : tous les soirs, à Paris, je faisais une prière en remerciant que rien ne nous soit arrivé. » Affirme-t-elle ça parce qu’elle est aujourd’hui convaincue, comme elle le dit, que c’était un « coup monté » à partir d’un « renseignement [qui] venait de l’intérieur » ?

Devant la juge, Kim Kardashian souligne que ses soupçons portent sur Michaël et son frère Gary Madar appartenant à l’équipe de chauffeurs qui s’occupait d’elle et de son mari, le rappeur Kanye West, quand ils venaient à Paris. Et cela depuis au moins quatre ans. « Quelques semaines avant notre arrivée, ils ont envoyé un texto à mon assistante Stephanie S. pour proposer un service de transport gratuit, ce qu’ils n’avaient jamais fait auparavant. (…) J’ai trouvé ça bizarre. »

Gary Madar a été mis en examen le 12 janvier pour complicité de vol avec arme en bande organisée, complicité d’enlèvement et séquestration et association de malfaiteurs. Mais contrairement aux neuf autres personnes mises en cause dans ce dossier, il a été remis en liberté sous contrôle judiciaire et reste présumé innocent, comme l’ensemble des mis en examen. Contacté, son avocat, Me Arthur Vercken n’a pas donné suite. « Ils étaient au courant de mes déplacements, indique-t-elle pourtant. Nous avions confiance en eux. »

« J’ai compris que quelque chose n’allait pas »

Traumatisée par son agression, Kim Kardashian en a gardé un souvenir très précis qu’elle livre ensuite en détail au magistrat français.

Alors que ses amis étaient partis en boîte, Kim Kardashian raconte avoir entendu des gens monter l’escalier qui mène à sa chambre. « Ils faisaient vraiment du bruit avec leurs pieds. (…) Je croyais que ma sœur et Stephanie rentraient ivres et faisaient du vacarme. J’ai dit “hello”. Je pensais que c’était elles mais comme personne n’a répondu, j’ai compris que quelque chose n’allait pas ». (…). C’est alors qu’elle voit deux hommes en tenue de police entrer avec le concierge.  « Ils étaient agressifs (…). Je croyais qu’il s’agissait de terroristes venus pour m’enlever.«  Dans la panique elle tente de se saisir de son téléphone, en vain.  »Je me souviens que j’avais un sentiment indescriptible, comme le cœur qui sort de la poitrine. Je comprenais que j’allais mourir. » Très vite, les deux hommes disent « ring, ring ». Ils font référence à la bague estimée à 4 millions de dollars avec laquelle Kim Kardashian a posé sur plusieurs photos qu’elle a elle-même postée sur les réseaux sociaux.

« Quand le grand a pris la bague, il l’a mise dans la lumière de la fenêtre pour vérifier que c’était bien la bague. Il a dit quelque chose en français que je n’ai pas compris mais on voyait qu’il était content ». Elle pense à fuir mais balaie finalement l’idée de peur qu’ils lui tirent dessus. L’un des deux hommes dit  « money, money, money ». L’autre sans doute agacée par les cris de leur victime sort du ruban adhésif et des « serre-flex » en plastique pour lui lier les poignets.

« Je me suis tournée vers le concierge pour lui demander si nous allions mourir et leur dire de ne pas nous tuer (…). Le concierge m’a dit “shut up”, il m’a dit de me taire, qu’il ne savait pas ce qui allait nous arriver, qu’il avait aussi des enfants, qu’il fallait que je me taise ». L’un des deux agresseurs lui met du ruban sur la bouche et lui attache les poignets. « J’étais certaine qu’il allait me violer », confie-t-elle. Elle précisera plus tard lors de l’audition qu’elle n’a pas été agressée sexuellement.

« Il a ensuite vu mon sac à bijoux. (…) Il était tellement excité lorsqu’il a vu mes bijoux. (...) Il y avait tellement de choses, c’était un grand coffret, il y avait vingt articles, tout ce que je possédais, trois montres. (…)  Le butin récupéré, l’un des deux hommes la porte jusque dans la salle de bains. Ils prennent ensuite la fuite par la porte principale.

En bas, les deux hommes retrouvent trois complices et quittent les lieux à pied et à vélos. Alertée, la police arrive à l’hôtel de la rue Tronchet (8e arrondissement) qui s’était fait une spécialité d’accueillir les stars en toute discrétion. « J’avais très peur (...) car ils avaient la même tenue que les autres, et je me demandais qui étaient les vrais agents », explique-t-elle.

Son garde du corps a été remercié

Son récit corrobore les éléments réunis par les policiers de la brigade de répression du banditisme (BRB). Sur les dix personnes mises en examen, trois ont reconnu les faits dont Aomar Ait Khedache, considéré comme l’un des organisateurs du braquage par les enquêteurs. Il a toutefois assuré qu’aucune arme n’avait été exhibée, allant même jusqu’à dire que « ce n’était pas un truc violent ».

Lors de son audition, Kim Kardashian a assuré que beaucoup de choses ont changé pour elle depuis son agression. « Je pense que ma perception des bijoux a changé, je n’y tiens plus comme avant. Je n’ai plus les mêmes sentiments. En fait, je trouve que c’est devenu un fardeau de posséder des bijoux aussi chers. (…) Aucun objet n’a de valeur sentimentale qui peut être comparée au fait de rentrer chez soi et de retrouver ses enfants, sa vie de famille. » Une allusion aux nombreuses photos qu’elle avait l’habitude de poster sur les réseaux sociaux où il était facile de voir qu’elle portait des bijoux de grande valeur.

Lors de son audition, M. Ait Khedache avait lui même souligné que toutes les informations se trouvaient sur Internet. Autre changement, son garde du corps – qui n’a pourtant pas été mis en cause – a été remercié. « J’ai senti que les gens pourraient croire que je suis une cible facile s’il était encore auprès de moi », justifie-t-elle.

Contacté par Le Monde, son avocat, Me Jean Veil, n’a pas donné suite.

La traduction en anglais de cet article est à lire ici : Kim Kardashian : « I thought they were terrorists who had come to kidnap me”.