« Est-ce que tu crois en Allah, Dieu ou Yahvé ? » : en Corse, une enquête destinée aux élèves crée la polémique
« Est-ce que tu crois en Allah, Dieu ou Yahvé ? » : en Corse, une enquête destinée aux élèves crée la polémique
Le questionnaire, élaboré dans le cadre d’une étude sur la diversité commandée par l’Assemblée de Corse, a été interdit de diffusion par le recteur de l’académie.
« Est-ce que tu crois en Allah, Dieu, Yahvé ? », « Est-ce que ton père croit en Allah, Dieu, Yahvé ? », « Est-ce que ta mère croit en Allah, Dieu, Yahvé ? ». Ces questions, celles d’un formulaire devant être distribué aux élèves du primaire et du secondaire en Corse, ont créé la polémique sur l’île. Le questionnaire a été élaboré dans le cadre d’une étude sur la diversité commandée par l’Assemblée de Corse, dirigée par les nationalistes.
Ce formulaire d’enquête destiné aux enfants à partir de 8 ans a été « élaboré par les enseignants-chercheurs » de l’université de Corse à la demande du président de l’Assemblée de Corse. Dans le document, mis en ligne dimanche 19 mars par Corse-Matin, on trouve de nombreuses questions sur les langues parlées par les élèves mais aussi dans les familles, sur les voyages à l’étranger ou sur la religion et sa pratique. D’autres questions portent sur les pratiques alimentaires et culturelles lors du Vendredi saint, du ramadan, ou du shabbat, sur la consommation de viande, sur le port de signes religieux distinctifs, sur le sentiment d’appartenance à la Corse, à la France ou le sentiment de sécurité et l’intégration.
Dans un communiqué, le président indépendantiste de l’Assemblée de Corse, Jean-Guy Talamoni, a regretté que ce « projet de questionnaire », adressé aux chefs d’établissement, qui « avaient tout loisir de contester la forme ou le fond des questions posées afin de parvenir à un questionnaire définitif » ait été rendu publique à ce stade, dénonçant une « intention polémique ».
La diffusion du questionnaire interdite
Face à la polémique, le recteur de l’académie de Corse, Philippe Lacombe, a annoncé avoir prononcé « en l’état », vendredi, « la non-diffusion de ce questionnaire dans le système éducatif corse ». Il a mis en avant la loi informatique et libertés de 1978, « qui interdit de collecter ou de traiter des données à caractère personnel qui font apparaître, directement ou indirectement, les origines raciales ou ethniques, les opinions politiques, philosophiques ou religieuses », pour justifier cette non-diffusion, d’autant plus concernant des mineurs. Ce sont « des thématiques extrêmement sensibles », a-t-il rappelé, expliquant qu’aucun élément ne plaidait « pour la diffusion du questionnaire, encore moins en année électorale ».
François Tatti, le président (divers gauche) de l’agglomération de Bastia et conseiller territorial, « profondément heurté par la démarche et par le contenu » du questionnaire a demandé son interdiction à la ministre de l’éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem.
Volonté de « procéder à un état des lieux »
Evoquant « les tensions croissantes existant au sein de notre société, et spécialement dans le domaine éducatif », Jean-Guy Talamoni a pour sa part justifié dimanche soir dans un communiqué le fait de « procéder à un état des lieux ». « Il nous a semblé nécessaire de tenter de traiter le problème, plutôt que de le nier et de pratiquer la “politique de l’autruche” », écrit-il. « Ce type d’enquête a déjà été réalisé dans l’Hexagone. La démarche qui a d’ailleurs servi de base aux chercheurs de l’université est l’enquête de l’Insee et de l’INED intitulée “Trajectoires et origines” (2008-2009). Malheureusement la Corse n’avait pas été incluse dans cette enquête, d’où le déficit actuel de données », argue M. Talamoni.
Le président de l’Assemblée de Corse affirme également avoir eu la « validation expresse et écrite » du rectorat pour mener ce travail et ajoute que les questionnaires sont « anonymes et conformes aux prescriptions de la CNIL ». « J’espère que le dialogue (…) entre l’université et le rectorat permettra de trouver un terrain d’entente, car le traitement de cette délicate question implique nécessairement qu’un état des lieux soit réalisé, sur des bases scientifiques d’une parfaite rigueur », conclut-il.