La taïga du Grand nord se retrouve moins souvent sur le devant de la scène environnementale que l’Amazonie, pourtant elle est encore plus mise à mal par les activités humaines que le poumon vert d’Amérique du sud. Dans son cas à elle, les incendies et l’exploitation du bois à grande échelle jusque dans les réserves protégées constituent les principaux dangers.

En cette journée internationale des forêts, Greenpeace alerte sur la situation de ces quelque seize millions de kilomètres carrés qui représentent environ un tiers de l’ensemble des surfaces forestières autour du globe.

Remarquables pour leur capacité à stocker des grandes quantités de carbone et leur résistance au changement climatique supérieure aux autres types de milieux forestiers, les paysages du Grand Nord subissent actuellement des coupes claires sans souci de gestion durable ou bien sont fragmentés sans ménagement, tandis que des populations autochtones sont ignorées, déplore l’ONG.

Elans, martres, caribous et ours bruns

Cet environnement qui abrite encore près de la moitié des forêts primaires du monde non perturbées par les humaines, voit ces trésors régresser. Elans, martres, caribous, ours bruns, lynx : l’habitat de ces mammifères et plus largement la richesse de la biodiversité se réduit tout autour de la région Arctique.

Selon les données rapportées par Greenpeace, la taïga a perdu en moyenne 2,5 millions d’hectares de superficies de paysages forestiers intacts non fragmentés (IFL) par an en moyenne entre 2000 et 2013, dont 1,4 million d’hectares rien qu’en Russie. Alors que ce pays abrite 60 % des forêts boréales du monde, il est le plus touché par ce phénomène de déforestation : il a perdu 7,2 % de ses IFL durant cette période de treize ans, devant le Canada (964 000 ha, soit 4,5 % en moins) et l’Alaska (191 000 ha, 5,9 %).

Le rapport de Greenpeace consacre tout un chapitre aux conifères du district d’Arkhangelsk, au nord-ouest de la Russie. Il pointe en particulier la situation de la réserve forestière de Dvinsky, où vivent encore des rennes sauvages. « Au début des années 2000, il y avait un consensus pour en faire un vaste territoire à préserver, y compris de la part des exploitants présents dans cette région, témoigne Clément Sénéchal, chargé de campagne à Greenpeace. Mais il y a eu des blocages, un changement de propriétaire… depuis 2013, le dossier n’avance plus. »

Scieries et usines de pâte à papier

Les étendues de conifères de Dvinsky, très convoités, ont rétréci de 300 000 ha depuis 2000 et de nouveaux projets de scieries et d’usines de pâte à papier voient le jour dans la région d’Arkhangelsk. Finalement 489 000 ha de cette forêt intacte pourraient être protégés, soit à peine 60 % de ce qu’espérait l’ONG. C’est pourquoi elle a décidé de mettre une certaine pression sur les industriels concernés, fournisseurs comme clients.

Elle livre dans son rapport des noms d’exploitants forestiers et de négociants. Elle recense surtout certains de leurs clients influents : ces sociétés qui commercialisent en Europe de l’ouest du bois pour la construction de bâtiments, de terrasses, de panneaux vendus dans des chaînes de magasins de bricolage (françaises notamment), pour la fabrication de saunas, la production de papier destinée à l’édition, d’emballage…

Greenpeace leur demande de « se séparer de leurs fournisseurs impliqués dans la destruction de forêts boréales du Grand Nord » ou bien d’insister auprès d’eux afin qu’ils cessent leurs coupes claires, « respectent les droits des peuples autochtones et publient les cartes de leurs activités d’exploitation forestière ».