A Paris, la culture comme arme de combat contre le racisme
A Paris, la culture comme arme de combat contre le racisme
Par Alexis Perché
Le Palais de la Porte Dorée accueille jusqu’au 26 mars la première édition du Grand Festival.
« Cette belle insouciance de l’enfance, moi elle me ramène à ma province. A Rouen, jolie petite ville de France, ou quand le nègre passe, y’a des dents qui grincent », entonne Casey d’une voix dure. La jeune rappeuse rouennaise, dont une partie de la famille est martiniquaise, est la seule femme présente sur la scène du Palais de la Porte dorée, aux côtés de Lac Tyer, Jazzy Bazz, S.Pri Noir ou encore Espiiem. Elle participe, ce mardi 21 mars, au lancement, au rythme du hip-hop, de la première édition du Grand Festival contre le racisme et l’antisémitisme qui s’y tient jusqu’au 26 mars dans le cadre de la semaine d’éducation et d’actions organisée par le ministère de l’Education nationale.
« On avait envie de culture street art. Dans le rap, de nombreux artistes s’engagent sur des valeurs fortes. Ils ont un discours, des valeurs qui sont les nôtres. Ils ont choisi de faire un spectacle unique pour nous », insiste Hélène Orain, directrice générale du Palais de la Porte Dorée, siège du Musée national de l’histoire de l’immigration, et organisatrice du festival.
La soirée, animée par le rappeur Dandyguel, démarre sur un ton festif malgré la gravité de la cause défendue. « Est-ce que vous êtes-là? », demande le chanteur à la foule. Des cris lui répondent, des mains se lèvent, le sol du hall Marie Curie tremble sous le poids des quelque 600 personnes qui sautent en rythme au pied de la scène. Il y a des adolescents, des trentenaires, des personnes âgées, des enfants, de toutes origines et classes sociales. « C’est l’idée de ce festival : rassembler le plus grand nombre de personnes différentes pour faire évoluer les regards et essayer de changer le monde », dit l’organisatrice.
Dandyguel présente la soirée de lancement du Grand Festival contre le racisme et l’antisémitisme. | ALEXIS PERCHÉ
« Tous humains »
Les artistes se succèdent, chacun avec son style, sa voix. Mais le message est le même : la tolérance. Ils interprètent leurs morceaux en acoustique, accompagnés par le groupe de rock The Hop, dans un concert unique. Le chanteur S.Pri Noir a lui même fait l’expérience de la discrimination, du racisme, de la haine. Dans ses textes, il raconte son histoire. Celle d’un « jeune issu des quartiers qui avance dans la vie au jour le jour », dans laquelle ses fans peuvent se retrouver. « Le racisme est encore un problème actuel. Quand j’ai une copine blanche, ses parents ne voient pas d’un très bon œil qu’elle traîne avec moi parce que je suis noir. On est tous humains, on est censé être dans le pays des droits de l’Homme mais j’ai l’impression que c’est du bluff », dénonce l’artiste.
La programmation se veut pluridisciplinaire : danse (Thierry Thieû Niang), théâtre, débats, cinéma (notamment le film documentaire Swagger, d’Olivier Babinet et La Permanence, d’Alice Diop) , expositions (« Attention, travail d’Arabe! »), stand up (l’équipe du Jamel Comedy Club), littérature... « Notre musée n’est pas un lieu poussiéreux. Nous sommes d’abord un lieu de vie, présent dans les débats du monde », indique Hélène Orain. Les activités en journée sont gratuites et les spectales en soirée ne dépassent pas 18 euros, « pour toucher le plus de monde possible. »
S.Pri Noir sur la scène du hall Marie Curie pour le Grand Festival. | ALEXIS PERCHÉ
Rédaction d’un journal pour lutter contre les stéréotypes, composition d’une fresque en 3D, ateliers d’écriture, fabrication d’images contre les préjugés... le but de ce festival est aussi de « faire participer le public ». « La culture est un très puissant fédérateur. elle peut permettre d’aborder des sujets délicats. »
Dans ce lieu chargé de témoignages de la colonisation, un tel festival représente un pied de nez à l’Histoire souligne Marion, 29 ans, professeur d’histoire-géographie dans un collège parisien : « C’est très symbolique dans ce Palais de parler de diversité, de ce que cela signifie, de l’image que cela peut avoir en France. »
Programme complet sur le site du Grand Festival de la Porte Dorée.