« Au 1er août 2016 le taux de densité carcérale globale s’élevait à 118 % et celui observé dans les maisons d’arrêt (courtes peines et détenus en attente de jugement) à 141 % », déplore Adeline Hazan. | © Christian Hartmann / Reuters / REUTERS

A quelques semaines de la présidentielle, Adeline Hazan, Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté (CGLPL), rend public son rapport d’activité 2016.

Elle rappelle le contexte :

« Nous nous inquiétions de ce que l’année 2015, marquée par des évènements terribles, posait à nouveau la question de l’équilibre entre les droits fondamentaux et la sécurité. C’est peu dire que nos inquiétudes étaient fondées : au cours de l’année 2016, le CGLPL n’a pu que constater un recul de ces droits, à la fois dans les dispositifs législatifs votés dans l’urgence, et lors des 146 visites d’établissements effectuées au cours de l’année.  »

Elle met en garde contre un « recul important des droits fondamentaux » dans le contexte des attentats djihadistes en France, une « escalade » répressive aux répercussions dramatiques en milieu carcéral.

Des lois restrictives en réaction aux attentats

« 2016 a donc été l’année où, dans le contexte tragique d’attaques terroristes sans précédent sur le territoire français, l’évolution de la législation a fonctionné comme une réplique : en réaction à des coups de plus en plus rudes, des lois de plus en plus restrictives des droits fondamentaux ont été votées », relève-t-elle en préambule à son rapport annuel.

Cette « logique dangereuse » a accompagné le vote de la loi pénale de juin 2016 qui restreint encore un peu plus les droits des personnes détenues, constate l’ancienne élue socialiste, citant la retenue de quatre heures, sans avocat, d’une personne « dès lors qu’il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement peut être lié à des activités à caractère terroriste » : un « critère bien flou, et donc dangereux, dans un Etat qui se veut un Etat de droit ».

La Contrôleuse met en garde contre un « principe de précaution appliqué à la justice », par exemple pour légitimer l’enfermement de personnes fichées S (« sûreté de l’Etat »), comme l’ont proposé certains élus à droite.

« Rien ne nous aura été épargné tout au long de cette année 2016 où nombre de digues ont sauté, alors que la fiche S est une simple fiche d’attention à l’usage interne de services de police dont le contenu n’a pas toujours ou pas encore été vérifié et n’a, en tous cas, jamais été validé, ni par une procédure contradictoire, ni par un jugement », tranche-t-elle.

Elle décrit une société apeurée, tentée « d’enfermer le plus longtemps possible tous les individus considérés comme “déviants”», le délinquant, le “fou”, en occultant le fait qu’il sortira un jour ».

L’alternative à l’emprisonnement

Dans ce climat, le législateur et les juges sont réticents à favoriser les solutions alternatives à la détention. Résultat : « Au 1er août 2016 le taux de densité carcérale globale s’élevait à 118 % et celui observé dans les maisons d’arrêt (courtes peines et détenus en attente de jugement) à 141 % ». Concrètement, « sur 68 819 personnes détenues, seules 26 829 bénéficiaient d’une cellule individuelle », pourtant une obligation légale.

Le garde des sceaux, Jean-Jacques Urvoas, qui a « parfaitement analysé » le problème de la surpopulation carcérale, a « paradoxalement » affecté « la quasi-intégralité des efforts budgétaires » à la construction de nouvelles places au détriment de solutions alternatives à l’incarcération, déplore-t-elle. « Les droits à la santé, au travail, au maintien des liens familiaux, à l’expression collective ne sont pas respectés, alors qu’ils constituent le fondement même d’un projet de réinsertion ».

Adeline Hazan rappelle que « la prison doit être le dernier recours ». Elle insiste sur la nécessité de rechercher des « formes adaptées d’hébergement » pour les courtes peines et pour les malades et d’« instaurer une politique plus dynamique d’aménagement de peines », comme arme contre la récidive.