Résultats du bac 2015 au Lycée Georges Brassens à Paris. AFP PHOTO / MARTIN BUREAU | MARTIN BUREAU / AFP

Dossier spécial classement des lycées 2017. Aurélie Collas, journaliste chargée des questions d’éducation au Monde et Emmanuel Davidenkoff, rédacteur en chef du Monde Campus, ont répondu, mercredi 22 mars, aux questions des internautes sur les palmarès des lycées et sur les indicateurs qui ledur servent de base, publiés par l’Education nationale.

Audrey : Pourquoi chaque journal publie des classements, avec des résultats différents ?

Emmanuel Davidenkoff : Le ministère diffuse une batterie d’indicateurs sur chaque lycée. Les médias peuvent ensuite décider d’attribuer plus ou moins d’importance à certains critères. Pour notre part, nous avons donc retenu quatre critères et leur avons affecté un poids égal : le taux de réussite au bac, le taux d’accès de la première au bac (favorable aux lycées qui évitent d’exclure leurs « mauvais » élèves), ainsi que les valeurs ajoutées attachées à ces deux taux.

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Bruno : Ma fille devrait rentrer en seconde Abibac au lycée Flaubert de Rouen l’an prochain. Pouvez-vous avoir l’obligeance de me dire ce que vous pensez de cette filière et de ce lycée ?

Emmanuel Davidenkoff : Félicitations à votre fille : Abibac est une filière exigeante, comme vous le savez déjà. Sur Gustave Flaubert, vous trouverez toutes les données en suivant ce lien.

Pierrrre : Quel est le lycée public le plus sélectif et réputé de France ? Louis le Grand ? Henri IV ?

Aurélie Collas : On recense vingt-sept lycées publics ayant obtenu 100 % de réussite au bac l’an dernier. Et le ministère fait état de 10 % de lycées sélectifs (publics et privés), qui ont d’excellents résultats mais en sélectionnant les élèves à l’entrée en seconde ou en cours de route.

Vous pouvez également lire cet article publié aujourd’hui sur les prestigieux lycées publics qui n’ont pas besoin des classements pour être très prisés des familles.

Thierry : Pour calculer la plus-value d’un lycée il me semblerait plus pertinent de comparer les résultats avec la cohorte de seconde. L’écrémage se fait surtout à la fin de seconde. Pourquoi votre choix porte sur la cohorte en première ?

Emmanuel Davidenkoff : Cette question a été longuement discutée : les deux indicateurs ont leurs défauts. En ne retenant que le taux d’accès 2de-bac, on pénalise des lycées qui offrent une faible possibilité de choix, alors qu’ils ne déméritent pas. Exemple : un élève choisit d’aller en L après la seconde mais il n’y a pas de 1ere L dans son lycée. Cela lui sera compté en valeur ajoutée « négative » alors qu’il n’a pas démérité. D’après nos informations, ce cas est plus fréquent que celui des lycées qui « écrèment » fortement en fin de seconde. D’où notre choix.

Jean : Pourquoi ne pas publier aussi un classement des lycées d’excellence, comme l’a fait L’Etudiant il y a quelques années, pour connaître les lycées les plus réputés de France, qui offrent les meilleures poursuites d’études, les meilleurs résultats au bac, indépendamment d’autres facteurs ?

Emmanuel Davidenkoff : Trois raisons expliquent notre choix.

1- Les critères que Le Monde a choisi de mettre en avant cette année distinguent les lycées qui répondent aux deux ambitions affichées par l’école républicaine : assurer la réussite et compenser les inégalités de naissance. Nous avons estimé qu’il ne nous appartenait pas de trancher entre ces deux objectifs, aussi légitimes l’un que l’autre.

2- Quand bien même nous souhaiterions le faire, les données actuellement disponibles sur les mentions au bac ne nous semblent pas assez robustes.

3- Sur les poursuites d’études : l’information n’existe pas. Mais vous avez raison : avoir accès à cette information serait très précieux pour les usagers.

Hazgaro : Sur quels critères se base ce classement ? Public/privé ? Car ce n’est pas un secret que les lycées privés sélectionnent, et que parmi les lycées publics certains sont « moins bien situés » que d’autres (banlieue/16e arrondissement).

Aurélie Collas : Le « tableau d’honneur » que nous publions se base sur quatre critères : le taux de réussite au bac, la valeur ajoutée par le lycée sur ce taux de réussite (c’est un indicateur qui montre si le lycée fait mieux ou moins bien que les établissements accueillant des élèves de même profil : niveau scolaire, âge, origine sociale), le taux d’accès de la 1ere au bac (% d’élèves de première qui obtiennent le bac dans le même lycée) et la valeur ajoutée de ce taux d’accès, qui montre dans quelle mesure le lycée est désireux et capable d’accompagner ses élèves jusqu’à la réussite à l’examen. C’est donc cet indicateur qui permet de voir si un lycée garde ses élèves ou les exclut en cours de route. Les lycées publics et privés sous contrat sont pris en compte dans notre tableau d’honneur, qui se refuse à attribuer un rang.

Pascal : Comment lire ce classement, et que peut-on faire si on découvre que son enfant est dans un lycée mal classé ?

Emmanuel Davidenkoff : La première chose à faire est de comprendre pourquoi ce lycée est « mal classé » - dans certains cas, cela ne signifie pas que votre enfant n’y réussira pas. N’oubliez pas non plus que 1 000 lycées obtiennent au moins 95 % de réussite au bac (donc si votre lycée est 1000e, ce n’est pas dramatique). Raison pour laquelle nous avons choisi de ne pas établir de palmarès au sens propre, en indiquant les rangs des lycées : les écarts sont parfois si faibles que cela n’a pas grand sens. Pour le reste, il vous appartient de décider d’essayer de changer votre enfant d’établissement.

Emmanuel : Le taux de réussite au bac est de moins en moins pertinent pour juger de la qualité d’un lycée, tant il se resserre et tend vers les 100 % pour les meilleurs et donc peu discriminant. Pourquoi ne pas introduire le % de mentions B/TB par exemple, qui lui est beaucoup plus dispersé ?

Aurélie Collas : Le taux de mentions ne fait pas partie des « indicateurs de résultats » que fait paraître chaque année le ministère de l’éducation nationale.
st2s : Pourquoi toutes les filières des lycées n’apparaissent pas ? Dans mon lycée nous faisons st2s mais votre tableau ne l’indique pas.

Emmanuel Davidenkoff : Afin de tenter de comparer des situations comparables, nous avons retenu des lycées dont au moins 100 élèves avaient réussi le bac, et qui proposent au moins deux séries de bacs généraux dont S. Vous trouverez évidemment dans notre base de données toutes les informations relatives aux lycées qui ne proposent que des filières technologiques (ou professionnelles d’ailleurs).

Grrrrrrr Les classements des lycées n’intéressent que les familles (et les journalistes) qui ont des enfants à Paris, où il y a vraiment un choix possible entre différents établissements. Quand le comprendrez-vous ? C’est par des événements comme celui-ci que votre journal se coupe petit à petit d’une bonne partie des Français !!!!

Aurélie Collas : Je pense que beaucoup de familles les consultent à titre informatif (en témoigne le grand nombre de lecteurs sur notre site ce matin), mais vous avez raison, dans la mesure où les lycées sont sectorisés (dans le public), la marge de choix reste limitée et les dérogations sont délivrées au compte-gouttes.

Il n’en reste pas moins que ces classements donnent des informations intéressantes sur chaque lycée, même s’ils sont ambigus, car ils alimentent la croyance que tous les lycées ne se valent pas et qu’on peut choisir le sien.

Karenine : Pourquoi certains établissements « expérimentaux » aux pédagogies vantées par les pédagogistes et Mme La Ministre de L’EN n’apparaissent-ils pas dans votre classement alors que leurs résultats très faibles sont connus (par exemple Le CLE à Hérouville : valeur ajoutée selon L’Etudiant : -22 points !) ? Cherche-t-on à cacher le désastre de ces établissements et l’échec des pédagogies dont ils font la promotion ?

Emmanuel Davidenkoff : Le Clé est un collège essentiellement, qui en outre présente très peu d’élèves au bac. Raison pour laquelle il n’apparaît pas (nous n’avons retenu que les lycées dont 100 élèves au moins avaient obtenu le bac). En outre, nous n’avons retenu dans notre « tableau d’honneur » que les 200 lycées qui obtenaient les meilleurs résultats aussi bien en termes de réussite au bac qu’en termes de valeur ajoutée (100 LEGT et 100 LP).

Karenine : Vous écrivez n’importe quoi et vous vous discréditez : Le CLE est un Collège Lycée expérimental, et il y a bien des classes de terminales (L, ES, S) : écrire cela en dit long sur la manière dont vous vous renseignez.

Emmanuel Davidenkoff : Si vous vous reportez à notre réponse, vous constaterez que nous l’avons précisé. Mais cela ne change rien : le Clé a présenté 59 élèves au bac, or nous ne retenons dans notre « tableau d’honneur » que les lycées dont 100 élèves au moins ont réussi le bac.


Dominique : Pourquoi les palmarès des lycées français ne prennent pas en compte les lycées français de l’étranger ?

Aurélie Collas : Parce que les lycées français de l’étranger ne relèvent pas du ministère de l’éducation nationale, mais de l’AEFE, sous la tutelle du ministère des affaires étrangères.

Lycée18 Mon lycée Edmond Rostand à Paris a un taux de réussite au bac de 80 % et une valeur ajoutée de 80. De même, il a un taux d’accès de la seconde au bac de 81 % et une valeur ajoutée de 81. Pourriez-vous m’expliquer la valeur ajoutée ?

Emmanuel Davidenkoff : Vous obtenez la valeur ajoutée en soustrayant le taux de réussite attendu au taux de réussite constaté.

Les effectifs d’Edmond Rostand à Paris, si nous parlons bien du même, sont trop faibles pour que le ministère diffuse des taux attendus, donc vous ne pouvez pas calculer la valeur ajoutée.

LAL : Dans mon établissement, il existait il y a quelques années encore une Seconde tremplin Il s’agissait d’une passerelle entre la 3e et la 2de. Le but était de proposer un doublement de la 3e et un enseignement qui reprenait les bases du collège et initiait au programme du lycée. À la suite de quoi, soit l’élève fait une 2de générale, soit il se réorientait. Toute une classe faisait donc le plus souvent le lycée en 4 ans, la Seconde tremplin n’était pas une Seconde générale. Or dans les classements, personne n’en tenait compte. Le lycée était mal classé, alors qu’aujourd’hui, cette classe étant supprimée, la valeur ajoutée de l’établissement est de +5, avec 100 % de réussite au bac.

Emmanuel Davidenkoff : La situation antérieure ne condamnait pas forcément le lycée à être mal classé. Lorsque cette classe Tremplin existait, il devait être bien classé à condition de ne retenir comme critère que les taux d’accès de la 1ere au bac et le taux de réussite au bac. Pour évaluer en finesse les performances d’un établissement, il faut vraiment prendre en compte l’ensemble des données communiquées par l’Éducation nationale.

Philou : La « valeur ajoutée » ou comment assimiler l’élève à un produit ! Ce critère ne vaut pas tripette : il reste beaucoup plus difficile de faire réussir des élèves de CSP favorisées que les autres. Les Lycées ayant un fort taux de CSP favorisées ont donc une valeur ajoutée positive et comme ils sont plus demandés, la sélection des meilleurs dossiers est possible. La valeur ajoutée sur laquelle est basée ce classement est complètement bidon ! Elle ne fait que stigmatiser les équipes pédagogiques confrontées aux difficultés les plus fortes.

Emmanuel Davidenkoff : Les statistiques ne confirment pas votre analyse. Les lycées qui accueillent beaucoup de CSP favorisés ont de très faibles valeurs ajoutées (par exemple, le lycée Louis le Grand, à Paris, n’a qu’une valeur ajoutée de +1).

Les lycées à forte valeur ajoutée sont, au contraire, ceux qui accueillent des élèves d’origine sociale modeste et/ou de moindre niveau scolaire. ce qui permet justement de souligner la qualité du travail accompli par les équipes éducatives. Nous publierons d’ailleurs en début d’après-midi un reportage sur le lycée Auguste Blanqui (Saint-Ouen). Taux de réussite attendu : 74 %. taux constaté : 84 %. donc valeur ajoutée de 10.

Philou : La valeur ajoutée est fortement impactée par les effectifs au sein de chaque CSP. Comment en tenez-vous compte dans votre classement ?

Emmanuel Davidenkoff : Pour calculer les taux de réussite attendus (dont on déduit ensuite la valeur ajoutée), l’Éducation nationale prend en considération à la fois des données sociologiques et le niveau scolaire des élèves (les deux étant souvent redondants, comme la sociologie le montre depuis Bourdieu).


Tanguydelap : Est-ce que les classes prépas (CPGE) se réfèrent à ce classement pour établir une hiérarchie de niveau des différents lycées dans leur recrutement ?

Aurélie Collas : Ce que l’on perçoit en tout cas, c’est que les filières sélectives de l’enseignement supérieur prennent en compte le lycée d’origine pour recruter leurs étudiants. Elles pondèrent les notes obtenues en fonction des lycées. Cette pratique se faisait sans doute il y a quelques années, aujourd’hui c’est ouvertement reconnu par certaines.

Mam : En mettant souvent en avant les lycées qui font réussir mieux que prévu les élèves défavorisés (valeur ajoutée, etc.), l’Éducation nationale et les journaux ne risquent-ils pas de diriger les familles vers des lycées pas supers supers en fait pour la réussite de leur enfant ?

Emmanuel Davidenkoff : Rappelons que l’Éducation nationale ne diffuse pas de classement. Et il appartient à chacun, en regardant les données lycée par lycée, d’arbitrer (quand il a le choix) entre « excellence » et « valeur ajoutée ». Pour notre part, nous avons choisi d’équilibrer les deux : 50 % de la note finale concerne les taux de réussite constatés, 50 % la valeur ajoutée.

Genghis : Est-ce que Le Monde ne pourrait pas faire des articles de fond sur la reproduction sociale plutôt que de faire la course aux clics en publiant de tels classements ? Au moins mettre un minimum en perspective ceux-ci ? La reproduction ne se joue pas dans les collèges ni les lycées, elle se joue au sein des « bonnes » familles, qui ensuite se retrouvent dans certains lycées considérés comme « d’élite », mais mettre ses enfants dans ce genre d’établissements s’ils ne font pas partie de ces milieux auparavant, en plus d’être difficile administrativement, ne garantit en rien un quelconque succès scolaire de ces derniers. Peut-être Le Monde pourrait-il faire un vrai travail d’investigation, en allant chercher les figures intellectuelles, politiques ou industrielles, les plus citées de notre pays, et essayer de voir de quels établissements ils sortent, pour voir en quoi leur établissement d’origine a une quelconque influence sur leur trajectoire sociale postérieure ? (sans compter les effets des capitaux sociaux de chacune des familles considérées…). Sans compter que sur le fond publier ce genre de classement renforce cette vision inique d’un savoir purement instrumental…

Emmanuel Davidenkoff : Nous vous engageons à nous lire avec peut-être plus de régularité :-) Les sujets sur ces questions sont nombreux et récurrents. Nous leur avons même consacré un supplément spécial de 16 pages en janvier (Orientation, la carte et le territoire). Parmi les nombreux articles publiés, cet entretien avec le sociologue Fabien Truong.

chabou : Pourquoi les lycées de l’enseignement agricole n’apparaissent pas dans votre classement ?

Emmanuel Davidenkoff : Il s’agit des indicateurs du ministère de l’Éducation nationale. L’enseignement agricole relève du ministère de l’Agriculture.

Alain : Pourquoi en Bretagne les lycées privés confessionnels sont-ils systématiquement classés devant les lycées publics alors qu’il est de notoriété qu’ils sélectionnent leurs élèves à l’entrée et en excluent avant le bac (et ces derniers arrivent dans le public) ?

Emmanuel Davidenkoff : Votre remarque est juste pour ce qui concerne la sélection à l’entrée : les données diffusées par l’Éducation nationale permettent de déduire le caractère sélectif d’un établissement entre la 2de et le bac, mais pas d’identifier ceux qui sélectionnent à l’entrée en seconde. En revanche, ils permettent d’identifier ceux qui excluent des élèves en cours de scolarité.

Elsa74 : Pourquoi les lycées privés réussissent souvent mieux que les publics ?

Aurélie Collas : Bonjour, contrairement aux lycées publics, les lycées privés ont le choix du recrutement de leurs élèves. Ils peuvent donc sélectionner sur la base des résultats au collège, alors que les lycées publics accueillent tous les élèves de leur secteur. Par ailleurs, certains lycées privés excluent en cours de route les élèves qui ne sont pas au niveau, pour s’assurer d’avoir 100 % de réussite au bac. Vous pouvez lire, sur ce sujet, cet article de l’an dernier.

Ferry : J’ai un peu de réticence à croire à la pertinence de vos indicateurs, en particulier pour le privé. Un exemple : le meilleur Lycée du Gers (privé), a la fâcheuse habitude de faire passer en candidat libre les élèves les plus faibles. Facile, dans ces conditions d’afficher un bon taux de réussite.

Aurélie Collas : En effet, sélection et exclusion en cours de route ou juste avant le bac peuvent permettre d’atteindre, pour un lycée privé, 100 % de réussite. Pour savoir si le lycée accompagne ou pas ses élèves jusqu’à l’obtention du bac, il faut regarder non le taux de réussite mais le taux d’accès de la 1er au bac. Ce taux est pris en compte dans notre classement, et pèse autant que le taux de réussite au bac.

michmuch : En allant sur votre site et en cliquant sur classement national 2017, les lycées n’apparaissent pas avec un tri par critère de classement, mais au hasard. Est ce possible de voir le classement par tri de la note que vous attribuez ?

Emmanuel Davidenkoff : Les écarts entre les lycées que nous avons classés sont infinitésimaux. Raison pour laquelle il nous a semblé non significatif de les « classer » : le 100e a 99 % de réussite au bac. Donc la différence avec le 1er est minime. En outre, pour mémoire : 1 000 lycées obtiennent entre 95 % et 100 % de réussite au bac. Nous avons retenu 100 LEGT.