A La Réunion, Emmanuel Macron reconnaît que « rien n’est fait »
A La Réunion, Emmanuel Macron reconnaît que « rien n’est fait »
Par Cédric Pietralunga (envoyé spécial à La Réunion)
En déplacement sur l’île, le candidat d’En marche ! à l’élection présidentielle se trouve à un moment charnière de sa campagne. Est-il capable de maintenir sa dynamique jusqu’au scrutin ?
Le candidat du mouvement En Marche! à la présidentielle s’est rendu au marché des forains de Saint-Leu à la Réunion, samedi 25 mars. | Jean-Claude Coutausse/French-politics pour Le Monde
« Fais bisou Macron ! Fais bisou Macron ! » A peine descendu de son avion et malgré 11 heures de vol, Emmanuel Macron enchaîne les selfies et les embrassades sous le soleil qui inonde le marché de Saint-Leu, une ville située sur la côte ouest de l’île de La Réunion. Pas question de perdre de temps. Arrivé en début de matinée samedi 25 mars, l’ancien ministre doit repartir dès le lendemain, après un arrêt de quelques heures à Mayotte prévu dimanche en fin d’après-midi. Chaque minute peut faire gagner une voix. Toutes doivent être utiles.
A vingt neuf jours du premier tour de l’élection présidentielle, prévu le 27 avril, Emmanuel Macron se trouve à un moment charnière de sa campagne. Désormais en tête des études d’opinion, où il est régulièrement placé devant Marine Le Pen, le candidat d’En Marche! doit réussir à maintenir sa dynamique s’il veut espérer accéder au second tour et a fortiori remporter le scrutin. En est-il capable ? A-t-il les ressorts pour tenir ce rythme encore un mois ? N’est-il pas trop haut trop tôt ?
« La dynamique est bonne [et] surtout continue. Mais, pour moi, rien n’est fait, reconnaît M. Macron, qui a également visité une exploitation agricole lors de sa première journée sur l’ancienne île Bourbon. Je considère qu’il y a un énorme travail de conviction à faire, il y a beaucoup de gens encore qui n’ont pas regardé les programmes, qui n’ont pas fixé leur idée dans cette campagne. » Comprendre : il ne faut pas relâcher l’effort si l’on veut éviter les désillusions.
Pas venu venu « pour faire des promesses »
« Ce n’est pas une joie naïve qui aujourd’hui inonde la France, estime l’ancien haut fonctionnaire. C’est beaucoup d’impatience, beaucoup d’exigence, c’est une volonté de voir faire les choses, tout ça cela oblige. (...) Mon objectif, c’est d’avoir plus de 50 % des voix partout sur le territoire français. Après, les voix n’appartiennent à personne. »
« Rien n’est gagné, le match se terminera le 7 mai », a abondé Gilbert Annette, le maire (PS) de Saint-Denis de La Réunion, qui a accueilli M. Macron lors d’un meeting samedi après-midi, au côté de Thierry Robert, député MoDem de La Réunion et soutien actif du candidat sur l’île. Désireux de se faire comprendre de tous, l’édile a rappelé que le PSG a été récemment éliminé de la Ligue des champions par le Barça malgré une victoire 4 à 0 au match aller. « C’est dans le rassemblement que nous pourrons trouver la force de surmonter les difficultés », a prophétisé le maire de Saint-Denis.
Le candidat du mouvement En Marche! à la présidentielle s’est rendu au marché des forains de Saint-Leu à la Réunion, samedi 25 mars. | Jean-Claude Coutausse/French-politics pour Le Monde
Pour autant, pas question de faire des promesses intenables. M. Macron pense avoir l’image d’un candidat du parler vrai et il tient à la conserver. « Je ne suis pas venu pour faire des promesses mais pour des engagements réciproques », a-t-il répété à plusieurs reprises lors des premières heures de sa visite. S’il prévoit un milliard d’euros sur le quinquennat pour le financement d’investissements collectifs dans les territoires d’outre-mer, ou de porter à 200 000 le nombre de billets d’avion délivrés chaque année aux ultramarins, il a refusé de dire qu’il allait éradiquer le chômage à La Réunion, où 42 % de la population vit sous le seuil de pauvreté.
Improvisation en meeting pas totalement maîtrisée
Même s’il est novice en politique, Emmanuel Macron sait qu’il doit une partie de son succès aux déboires de ses adversaires. François Fillon est encalminé dans les affaires. Benoît Hamon n’arrive pas à rassembler sa famille. Seule Marine Le Pen est au niveau où elle était attendue. Mais pas question de se réjouir de l’avoir dépassée dans les intentions de vote. « C’est bien de croiser les courbes le dernier mois, c’est mieux que de les croiser les jours d’après, a seulement reconnu l’ancien ministre de l’économie. L’objectif dans les 30 jours qui viennent, c’est de conforter cette dynamique. »
Conscient qu’il doit se renouveler s’il veut conserver la même dynamique, Emmanuel Macron s’est d’ailleurs lancé dans un étonnant stand-up lors de son meeting au stade de l’Est de Saint-Denis de La Réunion, invitant quelques-unes des 2 000 personnes réunies à monter sur scène pour lui poser des questions, alors que ce n’était pas prévu. « Du typique macronien », réagissait à chaud l’entourage.
L’exercice de style n’a d’ailleurs pas été totalement maîtrisé. « Y a un petit côté Jacques Martin », a reconnu lui-même le candidat lorsqu’un enfant de six ans est venu lui demander « comment on devient président ? ». Sans doute déçues des trop longues questions, de nombreuses personnes ont quitté le meeting avant la fin, laissant la salle à moitié vide et sans ambiance, une première pour Emmanuel Macron. Plus que vingt neuf jours à tenir.