En Tunisie, les victimes du régime de Bourguiba témoignent à la télévision
En Tunisie, les victimes du régime de Bourguiba témoignent à la télévision
Le Monde.fr avec AFP
Ces auditions sont organisées par l’Instance vérité et dignité dans le cadre du processus de « justice transitionnelle » lancé après la Révolution du jasmin.
A Tunis, le 20 mars. | FETHI BELAID / AFP
De nouveaux témoignages de victimes de violations des droits de l’Homme ont été rendus public, dans la soirée du vendredi 24 mars, en Tunisie. Ces auditions sont organisées par l’Instance vérité et dignité (IVD). Les récits, retransmis en direct à la télévision, ont concerné la période de l’indépendance du pays, en 1956, après 75 ans de protectorat français.
L’IVD s’est notamment penchée sur le sort de certains partisans du nationaliste arabe radical Salah Ben Youssef, adversaire principal du premier président, Habib Bourguiba. Les deux hommes étaient partisans du Néo-Destour, le parti nationaliste créé en 1934. Mais, M. Ben Youssef en avait été exclu en 1955, avant d’être condamné à mort et à l’exil. En 1961, il avait mystérieusement été assassiné en Allemagne.
« Malgré nos sacrifices, nous avons été traités de traîtres et non pas comme des combattants. Nous avons trop subi et nous avons été privés de nos droits », a déploré Omar Essid, un ancien combattant de 84 ans. « Je veux vivre respecté et non pas humilié et considéré comme un traître. »
Lazhar Chraïti, autre résistant à la colonisation française, accusé d’avoir participé à une tentative de coup d’Etat contre M. Bourguiba, avait été exécuté en 1963 et inhumé dans un endroit inconnu. Dans un enregistrement vidéo diffusé lors de ces auditions, sa veuve a raconté avoir été torturée pour avoir refusé de dévoiler la cachette de son mari, qui n’avait jamais été reconnu comme combattant. « Je veux récupérer sa dépouille et l’enterrer dans sa ville natale », a-t-elle expliqué.
« Justice transitionnelle »
Ces témoignages s’inscrivent dans un travail de mémoire rendu possible par la révolution de 2011 contre le régime de Zine El-Abidine Ben Ali, et la rupture avec le système autocratique instauré par le père de l’indépendance, Habib Bourguiba.
Les premières auditions avaient eu lieu les 17 et 18 novembre, donnant corps au processus de « justice transitionnelle » lancé fin 2013 avec la création de l’IVD. Cette dernière est chargée, en cinq ans maximum, de faire la lumière sur les multiples violations des droits de l’Homme des dernières décennies. Créée durant la transition démocratique, cette instance autonome doit aussi réhabiliter les victimes et leur octroyer réparation.
La période sur laquelle elle enquête s’étend de juillet 1955 à fin 2013. Les crimes dont l’IVD peut être saisie vont de l’homicide volontaire à la torture, en passant par le viol, les exécutions extrajudiciaires, la privation de moyens de subsistance et la violation de la liberté d’expression.