Nathalie Arthaud, à Saint-Denis, le 26 mars 2017. | GABRIEL BOUYS / AFP

Aux beaux jours, à côté des studios de l’émission « Taratata », les Docks de Saint-Denis accueillent parfois les concours de Normale sup’. Nathalie Arthaud vient de passer ici même son propre oral, dimanche 26 mars, à quatre semaines du premier tour. Malgré son très faible score d’il y a cinq ans (0,56 % des voix), la candidate de Lutte ouvrière (LO) à la présidentielle se dit toujours aussi déterminée à « faire entendre le camp des travailleurs », comme on peut le lire sur les affiches à l’entrée.

Pour ce faire, il y a d’abord « La jeune garde », entonnée au début de ce meeting national. Puis « L’Internationale », drapeaux et poings levés, pour conclure l’après-midi devant des sympathisants déjà acquis à sa cause. Entre ces deux fondamentaux, l’actualité politique du moment a également permis à la dirigeante d’extrême gauche de donner de l’écho à ses idées. La « candidate communiste » - telle que la présentent les badges de campagne - a évoqué la mise en examen de François Fillon (Les Républicains) et celle, possible, de Marine Le Pen (Front national).

« Cela donne un peu plus de piquant que d’habitude », a-t-elle déclaré, suscitant les rires d’une salle comble, près de 3 500 places selon LO.

Là, on les voit, tels que nature, avec leur arrogance propre aux privilégiés. On les voit pris au piège de leur propre démagogie sur la justice, la tolérance zéro et ils sont pris en flagrant délit de mensonge.

  « Révélatrice du monde bourgeois » 

En conférence de presse, devant les quelques médias qui avaient consenti le déplacement, la représentante de LO a décrit l’affaire Fillon comme « révélatrice du monde bourgeois dans lequel on vit. En haut, ceux qui dominent, ceux qui dirigent s’enrichissent sur l’argent public, mais aussi sur le travail de centaines de milliers de salariés. » Selon elle, les emplois présumés fictifs de l’épouse de François Fillon et deux de leurs enfants apportent une preuve supplémentaire de « l’existence de deux mondes » distincts :

Quand on est ouvrier, si son gosse veut faire un stage ou un boulot d’été, ce n’est pas à l’Assemblée nationale qu’il se retrouve. Si déjà il a de la chance, c’est sur les chaînes de montage de Peugeot.

Aux cris de « 1 800 euros, le minimum », les militants de Lutte ouvrière ont rappelé l’une des principales revendications de leur candidate, qui se défend toufefois d’énumérer des propositions « électoralistes. Dans ce département de Seine-Saint-Denis où elle enseigne l’économie aux lycéens, Nathalie Arthaud a également réaffirmé sa volonté de mieux « partager le travail » et d’« interdire les licenciements », à plus forte raison pour les entreprises qui enregistrent des bénéfices.

Faire passer des messages, faire appel à un « un vote de conscience », stimuler « la lutte de classe » : à 47 ans, la candidate de LO revendique ces objectifs davantage qu’un score précis à atteindre dans cette présidentielle. Il faut dire que sa précédente expérience, moins d’1 % en 2012, reste pour son parti la plus douloureuse en termes de résultats.

Standing-ovation pour « Arlette »

Dimanche après-midi, Arlette Laguiller a tenté de dédramatiser la situation. « Arlette », 77 ans, a pris un peu plus tôt la parole sous les hourras. Assise à côté de Nathalie Arthaud, l’ancienne porte-parole de la formation trotskiste a eu droit à une « standing ovation ». Avec six participations entre 1974 et 2007, l’ex-employée de banque et première femme candidate à l’Elysée détient le record de campagnes présidentielles, tous partis confondus :

Les coteries politiques de droite et de gauche qui se relayaient au pouvoir et les médias qui véhiculaient le conformisme de ces gens se gaussaient souvent, déjà à l’époque, de nos résultats ! […] Nathalie Arthaud a droit bien souvent à des réflexions ou à des questions qui me rappellent de vieux souvenirs.

Dans les années 1970, « un certain général Bigeard proposa de me marier avec un parachutiste pour me calmer ». Quatre décennies plus tard, Arlette Laguiller reste indignée. Et s’adresse maintenant en termes positifs, chose impensable auparavant, aux militants du Parti communiste (PCF). Changement de pensée ou tactique électoraliste ? « S’ils veulent voter selon leurs idéaux, veut-elle croire, il faut qu’ils votent pour la seule candidate qui lève bien haut le drapeau du communisme, Nathalie Arthaud. » Arlette Laguiller condamne la direction nationale du PCF pour son soutien à Jean-Luc Mélenchon, « un Mitterrand au petit pied », selon elle.

Nathalie Arthaud, pour sa part, a concentré ses offensives sur les cinq candidats favoris des sondages. Contre Marine Le Pen (FN), seule autre femme parmi les onze prétendants au scrutin de 2017. Mais aussi, outre la dirigeante d’extrême droite, contre François Fillon (LR), Emmanuel Macron (En Marche !) - « l’enfant de Hollande et de Sarkozy, fiancé à Bayrou » -, Benoît Hamon (Parti socialiste) et Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise), qui se déplaçait le même jour à Rennes.

« Encore plus qu’il y a cent ans, il y a les moyens »

La représentante de LO a reproché à Jean-Luc Mélenchon de « [tenir] sur l’immigration des propos plus qu’ambigus » : « Il justifie l’expulsion de’ceux qui n’ont ni de papier ni de contrat de travail’, car, dit-il, ’c’est la loi’. » Dans la salle des Docks, une banderole pour illustrer la position de Nathalie Arthaud au sujet des migrants : « Liberté de circulation et d’installation por tous. » Sur les étals, un peu de lecture aussi. A côté des livres d’Arlette Laguiller, « Les leçons d’Octobre », de Léon Trotski.

Lutte ouvrière, qui revendique toujours 8 000 adhérents, commémorera cette année les cent ans de la révolution bolchevique. En attendant, en France, ses militants assurent garder espoir : « Oui, encore plus qu’il y a cent ans, il y a les moyens pour satisfaire tous les besoins de l’humanité. Encore plus qu’il y a cent ans, on pourrait changer le monde, changer la société pour établir le communisme », considère Cyril Marconi, 34 ans, maître de conférences en histoire du droit à la faculté de Pau.

Cécile, 28 ans, vient de Rennes. Elle se définit tour à tour comme « autoentrepreneuse, graphiste, vacataire pour des animations dans le périscolaire ». Et elle aussi considère appartenir, au sens large, à l’électorat de LO : « Faut pas se mentir, au départ plein de gens butent sur le terme d’’ouvrier’. Mais au-delà des ouvriers, beaucoup de travailleurs n’ont que leur travail, pas de fortune, pas d’héritage. Les travailleurs, ça englobe la majorité de la société. » « Travailleuses, travailleurs », ainsi que l’ont répété Arlette Laguiller puis Nathalie Arthaud, selon la formule désormais consacrée.