A Kinshasa, ceux qui ont les bons numéros de téléphone félicitent les « reconduits ». La radio-télévision nationale vient d’énumérer, mardi 9 mai, les cinquante-huit ministres du nouveau gouvernement, attendu depuis le 7 avril, date de la nomination par le président de la République, Joseph Kabila, du nouveau premier ministre, Bruno Tshibala. La grande majorité figurait déjà dans le gouvernement de son prédécesseur, Samy Badibanga, qui aura passé quatre mois aux affaires.

Au pouvoir depuis 2001, Joseph Kabila montre une fois de plus son contrôle de la situation politique alors que son deuxième et dernier mandat s’est officiellement terminé le 19 décembre 2016. Les ministères clés (intérieur, justice, affaires étrangères, défense, mines et pétrole, communication) restent aux mains de fidèles et de membres de la majorité parlementaire réunie autour de son parti, le Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD). Quant aux nouveaux ministres, il s’agit de frondeurs de l’opposition qui ont rallié le pouvoir. Tel Bruno Tshibala lui-même, ancien secrétaire général adjoint et porte-parole du principal parti d’opposition, l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS). Pour André-Alain Atundu, porte-parole de la majorité, « l’objectif de ce gouvernement reste le même : organiser les élections ».

Pourtant, l’espoir suscité par les scrutins présidentiel et législatif, initialement prévus en 2016, s’amenuise chaque semaine. Non financées, les élections pâtissent de la stagnation de l’accord signé le 31 décembre 2016 entre la majorité et l’opposition. Le texte prévoit le maintien du président au pouvoir jusqu’à l’organisation d’élections, censées se tenir en 2017, ainsi que la nomination d’un premier ministre proposé par l’opposition. Bruno Tshibala ayant été exclu de son parti et nommé directement par Joseph Kabila, l’UDPS accuse le président de violer l’accord et de se maintenir au pouvoir en retardant les élections.

Elections sans le Kasaï

Dans la même journée, les locaux de l’UDPS, situés à Limete, une commune populaire de Kinshasa, ont été encerclés par des policiers anti-émeutes. Des témoins ont vu sur place un véhicule et une tente de la police incendiés. La police a accusé des militants du parti d’avoir attaqué l’un de ses postes. Un « montage », selon l’UDPS, en difficulté sur un autre front. Le 1er février, son chef historique, Etienne Tshisekedi, est mort à Bruxelles après cinquante ans de vie politique. Les funérailles de l’ancien opposant principal de Joseph Kabila sont devenues un énième sujet de tension. Après trois mois d’annonces sans effets, l’UDPS a déclaré que sa dépouille, qui repose toujours en Belgique, reviendrait à Kinshasa le 12 mai et que l’inhumation aurait lieu dans la parcelle de l’UDPS. Les autorités, qui peuvent craindre une mobilisation populaire autour du cercueil de « l’opposant historique », ont signifié qu’elles s’y opposeraient, la loi congolaise prévoyant qu’on ne peut enterrer un mort dans un terrain privé. Le gouvernement s’est dit favorable à des obsèques nationales, refusées par l’UDPS, qui le juge « illégitime ». Mercredi, le parti a finalement déclaré que le retour du corps était reporté « sine die ».

L’annonce du gouvernement intervient alors que la situation sécuritaire et humanitaire se dégrade dans les provinces du Kasaï, fief d’Etienne Tshisekedi. Depuis plusieurs mois, des affrontements ont lieu entre les forces de sécurité et des miliciens se revendiquant du chef coutumier Kamwina Nsapu, tué au mois d’août 2016 par les forces de police.

Depuis, les massacres et exécutions se succèdent dans un contexte confus. Quarante fosses communes ont été répertoriées par les Nations unies, dont les deux experts envoyés sur place, Michael Sharp et Zaïda Catalan, ont été assassinés en mars dans des conditions qui restent mystérieuses. Pas moins de 1,27 million de personnes ont été déplacées par les violences, a indiqué le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies. Quelques jours avant l’annonce du nouveau gouvernement, le président de la Commission électorale évoquait l’idée d’organiser le scrutin sans les électeurs du Kasaï.