Les chiffres clés pour comprendre la situation en Guyane
Les chiffres clés pour comprendre la situation en Guyane
Par Eléa Pommiers
Un appel à la grève générale a été lancé dans le département d’outre-mer où les habitants réclament des investissements pour répondre aux défis socio-économiques.
Chômage record, insécurité chronique, accès aux soins limité… La tension en Guyane, département ultramarin de 250 000 habitants, a conduit le principal syndicat local, l’Union des travailleurs guyanais (UTG), à lancer un appel à la grève générale à compter du lundi 27 mars. Tour d’horizon de la situation économique et sociale.
Une population plus jeune et plus pauvre qu’en métropole
Avec 3 habitants au kilomètre carré, la Guyane a la densité de population la plus faible de France après Mayotte. Mais la population y augmente beaucoup plus vite qu’en métropole : 2,8 % par an depuis 2006, contre 0,5 % dans l’Hexagone. Les Guyanais sont ainsi deux fois plus nombreux qu’en 1990.
Conséquence du nombre élevé de naissances (plus de 3,5 enfants par femmes contre 1,98 en métropole), les moins de 20 ans représentent 43 % de la population (24 % en métropole). Ils sont aussi les plus touchés par la précarité économique : 40 % des 15-24 ans sont au chômage. Pour ces jeunes, les grévistes réclament des mesures en faveur de l’accès à l’éducation : la moitié seulement des 15-24 ans est scolarisée (60 % en métropole), seuls 12 % d’entre eux ont le baccalauréat et ils sont plus d’un quart à présenter de graves difficultés de lecture (4 % en métropole).
La population guyanaise se caractérise également par sa précarité, supérieure à celle observée en métropole. Selon l’Office de l’eau en Guyane, 46 000 personnes n’ont pas d’accès direct à un service d’eau potable. Le taux de chômage global est de 22,3 %, soit plus de deux fois plus que sur le territoire métropolitain. Le revenu annuel moyen du département d’outre-mer est inférieur de plus de 44 % à celui de l’Hexagone et on compte près de quatre fois plus de bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) et de la couverture maladie universelle (CMU) complémentaire. Cette dernière permet un remboursement intégral des dépenses de santé pour les foyers disposant, par exemple, de moins de 2 000 euros mensuels pour 5 personnes.
Un coût de la vie plus élevé que dans l’Hexagone
Outre des mesures pour lutter contre cette précarité, les Guyanais manifestent contre le coût élevé de la vie. D’après un rapport de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) publié en 2015, les prix à la consommation y sont supérieurs de près de 12 % à ceux de la métropole. Cet écart s’est réduit depuis 2010 mais il reste considérable sur les produits alimentaires (45 % plus chers en Guyane qu’en France métropolitaine) et sur les logements (20 % plus chers).
Pour les biens de consommation, ce « surcoût » s’explique principalement par deux facteurs : un marché local peu développé et une taxation importante des produits importés. Ces derniers sont notamment soumis à la taxe de « l’octroi de mer », qui vise à protéger le marché local contre la concurrence des productions extérieures mais renchérit le coût de la vie.
Deux fois moins de médecins qu’en métropole
Sur le plan social, les Guyanais réclament une amélioration de l’offre de soins. L’espérance de vie dans le département est de deux ans inférieure à celui de la métropole et certaines causes de décès y sont surreprésentées, comme la mortalité infantile et la mortalité liée au VIH. Par ailleurs, le département ultramarin est très touché par la dengue, le chikungunya et le Zika, qui nécessitent une prise en charge médicale importante.
Or, la Guyane compte moitié moins de médecins généralistes que la métropole ; près de 4 fois moins pour les médecins spécialistes. Le département dispose de deux centres hospitaliers et de deux maternités, mais les disparités sont fortes. Un cinquième de la population est à plus de 30 minutes d’un service d’urgence. Un rapport de l’Insee de 2014 soulignait que certaines femmes étaient à plus de 400 kilomètres d’une maternité, et devaient parfois s’y rendre en pirogue. En effet, les inégalités sont amplifiées par le mauvais état de nombreuses infrastructures routières : 7 communes sur 22 sont inaccessibles par la route et leurs habitants ne peuvent se rendre aux urgences que par hélicoptère.
Des taux de délinquance importants
La Guyane est l’un des départements français les plus touchés par l’insécurité. Les chiffres témoignent notamment d’une violence plus importante qu’en métropole : en 2016, le ministère de l‘intérieur y a recensé près de 3 fois plus de violences volontaires, 4 fois plus de vols violents sans arme et 13,5 fois plus de vols avec arme. En janvier, le procureur de Cayenne, Eric Vaillant, estimait qu’avec 42 homicides en 2016 pour une population de 250 000 habitants, la Guyane était le « département le plus meurtrier de France en valeur relative », c’est-à-dire rapporté au nombre d’habitants.
En octobre 2016, Bernard Cazeneuve, alors ministre de l’intérieur, avait promis de renforcer les effectifs de police et gendarmerie pour tenter d’endiguer la délinquance et la criminalité.
Une situation migratoire difficile
La situation migratoire s’ajoute à ces difficultés. La Guyane est le seul DOM-COM français habité à ne pas être une île, et le seul territoire de la France et de l’Union européenne à avoir une frontière terrestre avec des pays d’Amérique latine. Elle exerce ainsi une forte attractivité économique et sociale, notamment pour les Haïtiens, les Brésiliens et les Surinamais.
En conséquence, le département a enregistré plus de 40 % des demandes d’asile reçues par la France dans l’outre-mer en 2013. La population de nationalité étrangère représente 35 % de la population totale. C’est moins qu’à Mayotte (40 %) mais beaucoup plus qu’en métropole (6,4 %). Parmi eux, le ministère de l’intérieur estimait le nombre d’étrangers en situation irrégulière sur le territoire entre 30 000 et 60 000 en 2012. La présidente du Front national, Marine Le Pen, a soutenu le 26 mars que « l’immigration massive » en Guyane était à l’origine de la criminalité, argument simpliste que rien ne permet de confirmer.
Si plus de la moitié des détenus en Guyane était de nationalité étrangère en 2012, le bilan statistique du ministère de l’intérieur pour 2016 souligne que 88 % des mis en cause (personnes auditionnées par la police et signalées aux autorités judiciaires car des indices graves ou concordants indiquent qu’elles ont pu participer à la commission d’un crime ou d’un délit) en Martinique, Guadeloupe et Guyane sont français. Par ailleurs, l’Insee relevait en 2013 que le solde migratoire pour le département, positif durant des décennies, était négatif depuis 2007.