La mise au point de robots humanoïdes au Laboratoire d’analyse et d’architecture des systèmes (CNRS), le 1er février 2017, à Toulouse. | REMY GABALDA / AFP

Grand absent de la campagne présidentielle, le numérique était enfin à l’honneur mardi 28 mars au théâtre des Variétés, à Paris. Quatre associations ou syndicats professionnels représentants start-up et investisseurs (Syntec Numérique, France Digitale, l’Acsel et Croissance Plus) avaient invité les cinq principaux candidats à venir présenter leurs propositions. Au final, seul Emmanuel Macron a fait le déplacement, les autres grands partis ayant préféré dépêcher l’un de leur représentant. « Le numérique, ce n’est pas un secteur, car il transforme la société démocratique », a lancé le fondateur d’En Marche devant un public qu’il s’était employé à choyer quand il était ministre de l’économie.

Si tous sont d’accord pour dire que le numérique dépasse le cadre stricto sensu de l’économie, les débats ont beaucoup tourné autour de la fiscalité, du droit du travail ou du financement, premiers sujets de préoccupation des centaines d’entrepreneurs et d’investisseurs présents dans la salle. « Il faut transformer l’ISF pour ne garder que la partie non productive », a lancé M. Macron sous un tonnerre d’applaudissement, avant d’égrener d’autres mesures fiscales, comme la suppression de la « taxation sur les plus-values » si ces dernières sont réinvesties « immédiatement ».

Le projet de « choc fiscal » du candidat LR

Au FN, la surenchère était de mise. Philippe Murer, conseiller économique de Marine Le Pen, a ainsi promis de flécher « 2 % de l’assurance-vie, soit 32 milliards d’euros, le même niveau qu’aux Etats-Unis, vers les start-up », avant de proposer « une exonération sur les plus-values de cession après 7 ans », et une augmentation de 30 % des dépenses de recherche publique à 1 % du PIB. Hervé Novelli, qui représentait François Fillon, s’est attelé à exposer le projet de « choc fiscal » de son candidat qui se traduirait par 25 milliards de baisse supplémentaire de charges sociales. Il a aussi rappelé que l’ancien premier ministre avait permis de créer « le statut d’auto-entrepreneur » et celui des VTC, utilisé par les chauffeurs Uber.

A rebours de ces propositions, Enora Naour, une étudiante représentant Jean-Luc Mélenchon, a fustigé les « business angels » et les fonds, qui guident les start-up « dans une logique de rentabilité » plutôt que d’innovation. Et de proposer un renforcement des financements publics, via Bpifrance, afin de sélectionner des start-up en fonction de critères sociaux ou écologiques.

Nicolas Hazard a tenté pour sa part de convaincre que le candidat PS n’était pas l’ennemi des start-up. « Benoît Hamon dit : l’entreprise j’y crois, mais je laisse la place aux entrepreneurs. C’est celui qui réfléchit le plus aux transformations du monde de demain », a martelé le diplômé d’HEC.

Et d’expliquer le bien fondé de ses propositions, comme le revenu universel ou la taxe sur les robots. « Comment fait-on face aux inégalités grandissantes ? Nous avons la responsabilité de construire le monde de demain », a poursuivi l’entrepreneur, qui, tente lui-même de réconcilier finance et solidarité. Selon ce dernier, la question de la « révolution schumpétérienne », où les emplois détruits étaient naturellement remplacés par des emplois nouveaux, doit être posée, tandis que « la taxe sur les robots est soutenue par Bill Gates ».

Contrecarrer la prédominance des Gafa

Les conséquences du numérique sur l’emploi sont dans tous les esprits. « Dans l’industrie, il faut conserver les robots, mais faut-il déshumaniser les services ? », s’est interrogé le représentant du FN, visiblement prêt à interdire les caisses automatiques des supermarchés. Pour Enora Naour, le numérique est ainsi un « moyen de soulager le travailleur en allant plus loin dans la baisse du temps de travail ».

L’ombre des géants américains a également plané au-dessus des débats. Pour lutter contre la prédominance de la Silicon Valley, Emmanuel Macron souhaite la création d’un « marché unique du numérique », déjà à l’étude à Bruxelles, et capable de contrecarrer la prédominance des Gafa (Google, Amazon, Facebook, Apple). « Je ne serai jamais le président du Google français, mais d’un Google européen, car c’est là la bonne taille du marché », a-t-il lancé.

Le représentant du FN a préféré fustiger une nouvelle fois la Commission européenne, qui avance à la « vitesse d’une limace » contre Google, et se montre « servile » envers les entreprises américaines. Enora Naour a de son côté appelé à « dépasser l’uberisation » en créant des Scop afin de permettre aux « travailleurs » des plate-formes de reprendre le pouvoir.