C’est un secteur bien particulier : celui des opérateurs de transport du secteur concurrentiel. Dans un univers – le transport public – où le monopole est plutôt de rigueur, des groupes se sont fait une spécialité de répondre aux appels d’offres du transport urbain, routier et ferroviaire dans le monde entier. Et la France, réputée rétive au libéralisme, possède de vrais champions dans ce domaine. RATP Dev (filiale de la RATP), Keolis (filiale de la SNCF) et Transdev (filiale du groupe Caisse des dépôts) sont présents sur les cinq continents.

Numéro un mondial devant le britannique FirstGroup et Keolis, Transdev a publié ses comptes 2016, mercredi 29 mars, fermant le bal des résultats annuels du secteur. Avec un chiffre d’affaires de 6,7 milliards d’euros, en légère hausse de 0,8 %, Transdev a enfin mis un terme à un cycle de décroissance. Le groupe est issu de la fusion, en 2011, entre la société Transdev originelle et l’activité transport de Veolia, géant de la gestion de l’eau et des déchets. Ce mariage avait conduit à une baisse de valeur de plus de 2 milliards d’euros pour les deux entreprises associées.

Compétition féroce

« Notre objectif stratégique, c’est la croissance, et une croissance rentable », affirme Thierry Mallet, PDG de Transdev, qui dit viser une progression de 5 % du chiffre d’affaires dans ses différents métiers en 2020. C’est bien là que réside la difficulté. Avec un résultat opérationnel courant de 124 millions d’euros en baisse de 21 millions (- 14 %) et un résultat net qui a fondu de 16 millions en un an, pour s’établir à 66 millions, la rentabilité du groupe a pour le moins souffert.

Les temps sont durs pour les opérateurs de transport public. Les collectivités locales et autres autorités organisatrices voient leurs ressources baisser. L’argent public se fait rare, les subventions reculent, en particulier dans les pays développés très endettés. Conséquence : la compétition sur les appels d’offres est féroce et les prix offerts aux opérateurs en recul.

Qui plus est, la concurrence des nouveaux modes de transport liés à des plateformes numériques déstabilise l’activité traditionnelle. Les acteurs du VTC – Uber, Lyft, Chauffeur privé –, les nouveaux opérateurs de cars longue distance, comme Flixbus en Europe, l’activité de partage de véhicules, le covoiturage sont de nouveaux compétiteurs avec lesquels il faut compter.

Faible rentabilité

D’ailleurs, la baisse de rentabilité de Transdev se concentre sur les marchés du transport à la demande lié à des plateformes numériques. La société affirme avoir perdu 25 millions d’euros dans ces batailles. Transdev souffre particulièrement dans le transport routier longue distance en France, depuis la création des « cars Macron », et dans ses activités de taxi et de « super-Shuttle » aux Etats-Unis.

Cette période est aussi un peu ardue pour son grand rival français, Keolis. La situation est apparemment inverse : le chiffre d’affaires publié le 14 mars, quasi stable à 5,1 milliards d’euros en 2016, met fin à une période de croissance continue, qui a conduit à un quasi-triplement du chiffre d’affaires en dix ans. Mais la rentabilité reste faible à 6 %, équivalente à celle de Transdev (5,9 %). « On sait très bien que nos marges sont serrées », a commenté le président de Keolis, Jean-Pierre Farandou, lors de la présentation des résultats.

RATP Dev, qui ne publie pas ses comptes, ne fait pas exception. La contribution aux résultats du groupe n’est pas encore tout à fait à la hauteur de ce qu’attend la maison mère. Sans compter que la baisse de la livre a fortement affecté le chiffre d’affaires de 1,1 milliard d’euros. Cet effet de change concerne tout le monde, du fait de la forte présence de groupes français au Royaume-Uni, eldorado du transport public libéralisé.

Travail de fourmi sur les marges

Il faut donc travailler sur la performance. « Les gagnants des appels d’offres seront ceux qui seront capables d’offrir le même service qu’avant pour moins cher ou un meilleur service au même prix », résume M. Mallet. Les uns et les autres s’attellent à un travail de fourmi sur les marges. Tous les coûts sont passés au peigne fin, l’absentéisme combattu. L’augmentation des recettes par la hausse de la fréquentation des usagers est aussi un levier. Keolis affichait ainsi, en 2016, 3,9 % de hausse de ses recettes commerciales (dont 7 % à Bordeaux et 6,5 % à Lille). Transdev chiffre à 25 millions d’euros au total les gains réalisés l’an dernier grâce à l’amélioration de la performance.

La diversification dans des activités comme le parking permet aussi de redonner un peu d’air. EFFIA, la filiale parking de Keolis, a connu une croissance record en 2016 (+ 20 % de places de parking gérées par rapport à 2015). Transdev s’est aussi lancé dans cette activité avec l’acquisition d’Urbis Park, quatrième réseau de stationnement en France.

Quant à l’innovation, elle s’avère à double tranchant. Dans un premier temps, elle réduit évidemment la rentabilité. Transdev chiffre à 23 millions d’euros ses pertes liées aux nouveaux projets. Mais, en plus de préparer l’avenir, elle peut permettre un retour rapide sur investissement. Exemple : en transformant à Vitrolles (Bouches-du-Rhône) une ligne de bus classique en service de navettes à la demande, Transdev a augmenté la fréquentation de 42 % tout en réduisant les kilomètres parcourus de 82 %.