Intolérance, racisme et antisémitisme restent à un niveau bas dans la société française
Intolérance, racisme et antisémitisme restent à un niveau bas dans la société française
Par Cécile Chambraud
Selon l’indice annuel de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, les attaques terroristes ne provoquent pas un rejet de l’autre.
Les Français sont plus tolérants qu’il n’y paraît. Pour la troisième année d’affilée, en dépit des attentats et de la crise des réfugiés, l’indice de tolérance à l’altérité, mesuré par la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), est en hausse dans la société française, selon le rapport annuel de cette institution, publié jeudi 30 mars. En octobre 2016, il avait pratiquement rejoint son plus haut niveau enregistré en 2009. Depuis 2012, où il était retombé très bas après une glissade de quatre années, il a progressé de dix points, pour s’établir à 65 (sur 100).
Pour mesurer la perméabilité de la société aux opinions racistes, antisémites et xénophobes, l’autorité administrative indépendante, présidée par Christine Lazerges, a recours à une batterie de questions posées par sondage. Deux vagues de ce sondage ont été conduites en 2016, l’une en janvier, l’autre en octobre, soit après les attentats terroristes de juillet à Nice et contre le père Jacques Hamel à Saint-Etienne-du-Rouvray. A nouveau, il s’est confirmé à cette occasion que, comme le souligne la CNCDH, « les attaques terroristes ne produisent pas automatiquement une aggravation du rejet de l’autre ». En revanche, à trois semaines de l’élection présidentielle, les auteurs soulignent la « responsabilité » des « élites » dans « la prédominance des dispositions à la tolérance ou à l’intolérance qui coexistent en chacun de nous » et qui « dépend du contexte et de la manière dont les élites politiques, médiatiques et sociales parlent de l’immigration et de la diversité ».
Les préjugés sur les Roms persistent
Le rapport détaille minutieusement les facteurs qui contribuent à une plus ou moins grande tolérance aux différentes minorités. Parmi les plus explicatifs figurent le renouvellement des générations (chaque nouvelle cohorte étant plus tolérante que la précédente) et la hausse du niveau d’étude. Ces deux facteurs conduisent d’ailleurs la CNCDH à envisager une hausse structurelle, à l’avenir, de l’indice de tolérance. D’autres éléments influent cependant sur celui-ci, comme la vision plus ou moins autoritaire de la société et le positionnement politique des personnes interrogées.
Les préjugés sont cependant loin d’avoir disparu. Les plus nombreux concernent les Roms et les « gens du voyage », le groupe « qui est confronté au plus grand rejet de la part du reste de la population », même si la tolérance à leur endroit a elle aussi progressé. Les « vieux préjugés antisémites liant les juifs au pouvoir et à l’argent » persistent et s’accompagnent d’une « nouvelle judéophobie » structurée par « une image critique d’Israël ». Les musulmans demeurent substantiellement moins acceptés, même si, là encore, la part du rejet recule. Les personnes interrogées continuent d’ailleurs très largement (à 89 %) de percevoir le racisme comme répandu.
Le rejet du voile recule
Plusieurs données sont de nature à nourrir la réflexion sur certains thèmes de la campagne électorale. La part des Français jugeant qu’il « y a trop d’immigrés en France » (53 %) a baissé de 5 points par rapport à 2015 et de 21 points par rapport à décembre 2013. Une majorité (57 %) continue de penser que « de nombreux immigrés viennent en France uniquement pour profiter de la protection sociale », mais c’est le niveau le plus faible depuis 2000. Bien perçue par 74 % des sondés, la laïcité fait l’objet de deux lectures opposées. A gauche, elle correspond d’abord « à la possibilité pour des gens de convictions différentes de vivre ensemble » ; pour les sympathisants du Front national, elle est liée à « l’interdiction des signes et des manifestations religieuses dans l’espace public » et à la préservation « de l’identité française ».
Concernant les signes religieux, le rejet du voile porté par certaines musulmanes recule : la part des sondés considérant qu’il « peut poser un problème pour vivre en société » s’est réduite de 22 points en trois ans, à 58 %. Pour le port du burkini, elle est de 59 %. La perception des musulmans comme un groupe « à part » dans la société recule elle aussi fortement (38 %). Le rapport de la CNCDH analyse aussi un écart de perception entre, d’une part, l’islam comme religion, et, d’autre part, les musulmans, ces derniers bénéficiant d’une « perception nettement plus positive », 80 % des sondés les considérant comme « des Français comme les autres ».