Voie sur berge fermée à Paris : la pollution a diminué sur les quais mais s’est aggravée ailleurs
Voie sur berge fermée à Paris : la pollution a diminué sur les quais mais s’est aggravée ailleurs
Par Rémi Barroux, Patricia Jolly
Airparif a publié, vendredi 31 mars, ses premières mesures depuis la décision controversée de la mairie de fermer la voie Georges-Pompidou.
La voie Georges-Pompidou fermée au trafic motorisé, à Paris, le 25 septembre 2016. | PHILIPPE LOPEZ / AFP
La fermeture de la voie sur berge Georges-Pompidou, dans Paris, longue de 3,3 kilomètres sur la rive droite de la Seine, a entraîné une nette amélioration de la qualité de l’air sur l’ensemble de ce parcours, quai haut et quai bas. En revanche, une dégradation est perceptible à la fin de la zone piétonne, en direction de l’Est parisien, notamment à partir du quai Henri-IV, et en face des Tuileries sur le quai Anatole-France, rive gauche. L’air est aussi plus pollué sur les itinéraires où le trafic motorisé s’est reporté, comme le boulevard Saint-Germain, le boulevard périphérique ou encore les carrefours dont la congestion s’est accrue.
Tel est le bilan dressé par Airparif, l’organisme technique indépendant chargé de la surveillance de la qualité de l’air en Ile-de-France. Les résultats de sa « première campagne de suivi de la fermeture des voies sur berge » – réalisée entre le 15 novembre et le 13 décembre 2016 grâce à 80 points de mesure – ont été rendus publics vendredi 31 mars par la mairie de Paris. Pour la municipalité, l’opération condamnant la partie basse des quais, mise en place par Anne Hidalgo le 21 octobre 2016, juste après l’été et l’opération Paris-Plage, se traduit par une baisse des niveaux de pollution « jusqu’à moins 25 % ». « Ces chiffres sont d’autant plus encourageants qu’ils correspondent à des relevés effectués pendant l’hiver, la période de l’année où le trafic automobile est le plus dense », s’est félicitée la maire de Paris.
« La pollution s’est déplacée »
La dégradation de la qualité de l’air, dans des secteurs périphériques à la zone piétonnisée, se manifeste par une hausse de 5 à 15 % selon les lieux. Surtout, indique Airparif, l’impact est plus important « à l’heure de pointe du matin, de façon quasi continue à partir de l’hôtel de ville, et sur davantage d’axes, principalement au nord de la Seine ». Le soir, l’air est moins pollué, grâce à une circulation plus étalée que le matin et à « des conditions météorologiques plus propices à la dispersion des polluants ».
Anne Hidalgo reconnaît cette augmentation de la pollution dans certaines zones, mais assure que « ces hausses très localisées sont nettement inférieures à la baisse générale constatée sur la rive droite ». La mairie de Paris (PS), qui n’entend pas revenir sur sa décision de piétonnisation des voies sur berge, tire donc un bilan positif des chiffres livrés par Airparif aux différents comités de suivi de l’expérimentation (région, ville, métropole et préfecture).
La région Ile-de-France, présidée par Valérie Pécresse (LR), en fait une interprétation sensiblement différente. « Les données d’Airparif montrent que la pollution s’est déplacée de quelques kilomètres vers l’est, ce qui ne résout rien, a réagi, vendredi matin, son entourage. Il faut prendre le problème dans sa globalité, ne pas se focaliser sur la voie sur berge et avoir une vision générale qui associe toute l’Ile-de-France. » Airparif rappelle que les voies sur berges ne représentent que 0,16 % du kilométrage annuel francilien, « soit 122 millions de kilomètres parcourus contre 77,7 milliards à l’échelle de la région ».
Scénarios alternatifs
La région insiste aussi sur la nécessité de fluidifier le trafic dans le centre de la capitale, en mettant en place six « carrefours intelligents » – avec des feux qui s’adaptent à la vitesse et aux conditions de circulation – sur les quais hauts et le boulevard Saint-Germain, afin de diminuer la pollution en augmentation dans ces zones. Cette proposition, émise le 14 mars lors de la présentation par Valérie Pécresse des scénarios alternatifs à la fermeture de la voie sur berge, fait consensus avec l’équipe d’Anne Hidalgo. « La ville de Paris entend travailler à améliorer la fluidité des intersections, en lien avec la Préfecture de police. Le conseil régional d’Ile-de-France a d’ailleurs proposé de financer l’installation de feux intelligents. C’est une proposition que nous accueillons très favorablement », confirme Christophe Najdovski, adjoint à la maire chargé des transports et de la voirie.
Au titre des mesures compensatoires, la région propose la création d’un bus électrique à haut niveau de service (BHNS) – fréquence élevée, grande amplitude horaire… – sur les quais hauts, la création de places de parking à tarif attractif pour les usagers des transports en commun et les adeptes du covoiturage, des mesures de protections phoniques pour les riverains et les commerçants des quais de Seine et sur les itinéraires de report. Elle se dit prête à cofinancer ces mesures.
Au-delà des effets de la piétonnisation des voies sur berges sur la qualité de l’air se pose, plus largement, la question des niveaux de pollution au dioxyde d’azote (NO2) en Ile-de-France. Les mesures effectuées par Airparif révèlent qu’1,5 million de personnes riveraines des grands axes parisiens et de la petite couronne sont exposées à des niveaux bien supérieurs au plafond de 40 μg/m3 (moyenne annuelle) fixé par les directives européennes et recommandé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour protéger le public de ses effets sur la santé.
Carences soulignées par l’Europe
La France est d’ailleurs poursuivie par la Cour de justice européenne pour non-respect des directives en la matière. Par ailleurs, la Commission européenne a pointé l’insuffisance des plans d’action français sur la qualité de l’air. Le troisième plan de protection de l’atmosphère d’Ile-de-France, actuellement en cours d’élaboration au cabinet du préfet de région, devra corriger ces carences soulignées par l’Europe.
Le préfet, qui n’avait pas encore réagi vendredi soir aux données publiées par Airparif, devrait attendre la prochaine réunion du comité technique chargé du suivi de l’expérience parisienne, dans la deuxième quinzaine d’avril. Il pourrait alors annoncer la prolongation de la période d’observation (qui doit s’achever le 21 avril) durant trois mois, soit jusqu’à l’été et au redémarrage de l’opération Paris-Plage. Airparif a annoncé, par ailleurs, une nouvelle campagne de mesures de la qualité de l’air, du 15 mai au 15 juin. Un bilan conjoint des deux campagnes est attendu en septembre.