Des chauffeurs de VTC protestent contre les pratiques d’Uber, et réclament une hausse de leur salaire, Porte Maillot, à Paris, le 15 décembre 2016. | ALAIN JOCARD / AFP

Une nouvelle étape est franchie dans la guerre que mènent les associations et syndicats de chauffeurs VTC à Uber. Après les appels à la grève de décembre 2016, l’intersyndicale ACTIF VTC – UDCF – CFDT VTC/Loti a décidé mardi 4 avril d’appeler les clients à boycotter la plateforme américaine pour enfin faire avancer les négociations en cours depuis plus de six semaines. Si les syndicats en appellent au civisme des consommateurs, c’est que les chauffeurs ne peuvent pas faire grève sous peine de risquer de se faire déconnecter par la plateforme.

« Depuis plusieurs mois, nous avons l’impression qu’Uber nous mène en bateau. Malgré l’organisation de plusieurs réunions, nous n’avons toujours pas pu faire évoluer sa politique tarifaire, indique Fabian Tosolini, de la CFDT. Dans ces conditions, nous faisons appel à l’esprit civique des clients. Il n’est pas normal que les chauffeurs gagnent 1 700 euros bruts pour 60 heures de travail par semaine, soit moins de 7 euros nets de l’heure… »

Début février, Jacques Rapoport, le médiateur du secteur, avait conseillé les associations et syndicats de chauffeurs et les plateformes VTC de se mettre d’accord sur une série de sujets, dont la juste rémunération des chauffeurs. Si Uber s’est montré ouvert sur différents sujets comme la mise en place d’un dispositif d’urgence pour apporter une aide technique et financière aux conducteurs en difficulté, il n’a jamais souhaité remettre en cause sa politique tarifaire.

Et pour cause, les différentes associations et syndicats ne sont pas tous d’accord sur la méthode de fixation du prix des courses. Certains proposent que chaque chauffeur puisse fixer ses prix sur la plateforme, tandis que d’autres, dont la CFDT, soutiennent la mise en place d’un tarif minimum (8 euros, au lieu des 6 euros définis par Uber) tout en demandant qu’Uber baisse la marge appliquée sur chaque course. Le syndicat plaide également pour un relèvement des prix au kilomètre et à la minute, et pour la création d’une rémunération pour le temps d’attente.

Selon Uber, « tout cela revenait à augmenter de 50 % minimum le tarif de la course de base. Or, augmenter massivement les prix n’est pas une solution. Cela entraînera une perte significative et immédiate du nombre de clients et les chauffeurs en seraient les premiers perdants. »

Le mise en place d’un tarif minimum

Vendredi 31 mars, cependant, l’intersyndicale des chauffeurs VTC a fait constater par Alain Vidalies, le secrétaire d’Etat aux transports, l’« échec des négociations » et obtenu « le début de travaux pour la mise en place d’un tarif minimum » dans le secteur. « Ce n’est que le début du processus, précise-t-on dans l’entourage du ministre. Ce tarif ne pourra voir le jour qu’après les élections législatives. Ce sera au Parlement de fixer un tel principe. »

En attendant, Alain Vidalies devait rencontrer, mardi matin, Thibaud Simphal, le patron d’Uber pour l’Europe de l’Ouest, avant une nouvelle séance de négociations théoriquement prévue mercredi au sujet de la déconnexion des chauffeurs.

Une réunion d’ores et déjà compromise, car le temps n’est plus à la négociation, mais à la campagne électorale. L’intersyndicale des chauffeurs VTC, ainsi que l’UNSA SCP-VTC ont interpellé les candidats en leur demandant de s’engager sur la mise en place d’un tarif minimum afin de maintenir un « revenu décent pour les chauffeurs », selon Sayah Baaroun, de l’UNSA.

Ces nouvelles initiatives feront-elles bouger le groupe américain, sous le coup de plusieurs procédures en France ? Pas sûr, car le civisme des clients s’arrête souvent à leur porte-monnaie, comme le reconnaît un syndicaliste. « Nous avons de plus en plus de retours de chauffeurs au sujet d’une des offres d’Uber, Uberpool, qui propose une baisse du tarif, si le client partage la course avec un autre. Souvent, ces clients n’hésitent pas à menacer de noter une course une seule étoile s’il prend un autre passager… Or, une étoile équivaut souvent à une déconnexion de la plateforme pour le chauffeur ! »

Pour Fabian Tosolini, de la CFDT, « il faut mettre en place des règles claires pour éviter la dérive actuelle de l’économie de plateforme qui fait des petits dans plusieurs secteurs. Comme les chauffeurs VTC, les livreurs cyclistes ou d’autres professions sont aujourd’hui à leur merci. »

Peut-on vraiment gagner sa vie en étant chauffeur Uber ?
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