Sur le plateau du débat de BFM-TV et CNews, rassemblant les onze candidats à l’élection présidentielle à Aubervilliers, le 4 avril. | JEAN-CLAUDE COUTAUSSE/FRENCH-POLITICS POUR "LE MONDE"

Passer de la Ve à la VIe République. Le sujet divise largement les onze candidats à l’élection présidentielle. Le débat qui les a réunis, mardi 4 avril, sur BFM-TV et CNews, l’a montré lors de plusieurs échanges sur les institutions, et la Constitution, où chacun a pu marquer sa différence.

La vision de Jean-Luc Mélenchon est connue de longue date. Le candidat de La France insoumise plaide pour une « refondation » du pays autour d’une VIe République et d’une nouvelle Constitution, « plus démocratique », votée par une assemblée constituante élue au suffrage universel direct. Déjà présente dans son programme présidentiel de 2012, l’idée vise notamment à instaurer un contrôle populaire permanent avec « 2 %, 3 % ou 4 % du corps électoral pour obtenir un référendum révocatoire du plus modeste élu jusqu’au président de la République », a-t-il précisé sur le plateau.

Mélenchon et Hamon pour une VIe République

Benoît Hamon ne cache pas non plus son attrait pour un changement de texte, moins centré sur la figure présidentielle. « Nous ne pouvons plus avoir un régime qui fonctionne autour d’un seul et même homme ou femme », a déclaré le candidat du Parti socialiste (PS). Il s’appuie en partie sur l’une de ses mesures phares, le « 49.3 citoyen », visant à imposer au Parlement l’examen d’une proposition de loi, ou suspendre l’application d’une loi, par 1 % du corps électoral. L’ancien ministre de l’éducation dit vouloir répondre aux faiblesses de la Ve République qui lui paraît « immature par rapport aux exigences démocratiques de la société française ».

Un changement auquel aspire également Philippe Poutou (Nouveau Parti anticapitaliste, NPA). Le candidat, qui s’est particulièrement illustré lors du débat, souhaite surtout « un contrôle par le bas » grâce aux référendums locaux, pour débloquer certains conflits sociaux, comme le barrage de Sivens ou le projet de stockage de déchets radioactifs à Bure. La révocation « à tout moment » des députés en porte aussi la marque, comme chez Jean-Luc Mélenchon et Nathalie Arthaud.

La porte-parole de Lutte ouvrière ne voit pas dans l’avènement d’une VIe République un gage d’améliorations. Elle milite pour un « Etat travailleur » contre la « dictature de la classe capitaliste », auquel un « changement de numéro de Constitution ou de République ne changera strictement rien ». Selon elle, aucune Constitution n’a « jamais protégé d’un licenciement ».

Fillon : « Il n’y aura pas de grand soir »

Changer d’ère constitutionnelle n’est pas un sujet pour François Fillon, attaché à la Ve République et pour qui « l’urgence est aujourd’hui économique » et non institutionnelle. « Il n’y aura pas de grand soir. Vouloir changer sans arrêt d’institutions, c’est le signe des difficultés d’un pays à s’aimer et se construire », a-t-il même affirmé, se limitant à promettre une représentation paritaire au gouvernement et au Parlement, une diminution du nombre de députés et sénateurs, et l’utilisation du référendum pour « trancher les débats fondamentaux ». Le candidat LR a promis de ne pas revenir sur le non cumul des mandats, applicable dès les prochaines élections législatives de juin.

Le chef de file d’En marche ! tient davantage encore à cette mesure, partie intégrante de son programme porté vers le renouveau politique auquel il aspire. D’autres viennent la compléter : renouvellement du Parlement d’un tiers, réduction du temps de la fonction parlementaire à trois mandats consécutifs ou la création d’un nouveau temps parlementaire pour évaluer les lois les plus importantes. Pour Emmanuel Macron, aussi, il n’est pas nécessaire de changer ou réviser la Constitution de la Ve République.

Pour Cheminade, aucune rupture constitutionnelle

La majorité des prétendants à l’Élysée paraissent rétifs à l’émergence d’un nouveau texte constitutionnel. Mais pas à l’ajout de certaines dispositions, bien au contraire. Marine Le Pen prévoit ainsi de mettre en place, dès le début de son quinquennat, une révision constitutionnelle par référendum pour y inscrire des mesures comme la priorité nationale, la baisse du nombre de députés (de 577 à 300) et de sénateurs (de 350 à 200) ou « la défense et la promotion du patrimoine historique et culturel du pays ».

Pas de changement de régime prévu pour la présidente du parti d’extrême droite mais un « référendum d’initiative populaire », déclenché par plus de 500 000 citoyens. « Le peuple a le droit de s’exprimer sur tous les sujets qui le concernent », argumente-t-elle. L’idée fait également son effet chez François Asselineau (Union populaire républicaine), Jean Lassalle ou Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France), qui conditionnerait sa mise en œuvre par la signature d’un million d’électeurs. Ces trois candidats restent attachés aux institutions actuelles.

Reste Jacques Cheminade. Le candidat de Solidarité et Progrès n’exige aucune rupture à l’égard de la Constitution de la Ve République mais, au contraire, propose des modifications pour « la rendre plus efficace et plus juste en introduisant une participation citoyenne », comme le fait de noter un député de 1 à 20.