Argentine : Kirchner encore mise en examen
Argentine : Kirchner encore mise en examen
Par Christine Legrand (Buenos Aires, correspondante)
L’ancienne présidente péroniste est soupçonnée de blanchiment d’argent.
Cristina Kirchner, ancienne présidente de l’Argentine, au palais présidentiel, à Buenos Aires, en décembre 2015. | Ricardo Mazalan / AP
Cristina Fernandez de Kirchner sera-t-elle jugée et condamnée en Argentine pour corruption ? C’est la question que l’on se pose à Buenos Aires après la troisième mise en examen, depuis novembre 2016, de l’ancienne présidente péroniste (2007-2015). Mme Kirchner, 64 ans, a attribué, mardi 4 avril, cette mesure judiciaire à une manœuvre du président de centre droit, Mauricio Macri, visant à occulter ce qu’elle considère comme « le désastre économique et social du gouvernement ».
Cristina Kirchner ne bénéficie, pour l’instant, d’aucune immunité depuis qu’elle a quitté le pouvoir en décembre 2015, après deux mandats consécutifs. Elle devra prochainement affronter son premier procès. Elle est accusée d’avoir porté préjudice à l’Etat par des irrégularités dans les ventes de dollars par la Banque centrale sur les marchés à terme, dans les derniers mois de son mandat, peu de temps avant l’élection de M. Macri, le 10 décembre 2015. Aucune date n’a encore été fixée pour le procès. Depuis l’arrivée au pouvoir de M. Macri, l’étau judiciaire s’est resserré autour de l’ex-présidente. Mais la justice argentine est lente. Seule une détention ou une condamnation avant le 24 juin, date de clôture des candidatures aux législatives du 22 octobre, pourrait la rendre inéligible.
Immunité parlementaire en jeu
Ses partisans l’encouragent à mener la liste du Front pour la victoire (FPV), le mouvement politique créé par les Kirchner dans la province de Buenos Aires, berceau du péronisme, qui rassemble près de 40 % de l’électorat. Mais elle garde le silence, alimentant les divisions au sein du parti péroniste, entre ceux qui la soutiennent et ceux qui souhaitent tourner la page. Sans elle, le FPV ne dépasse pas les 20 % d’intentions de vote, d’après les enquêtes d’opinion ; mais si elle se présente, sa formation fait plus de 30 % dans certaines circonscriptions. En cas de victoire, elle pourrait devenir le principal leader de l’opposition et gagner du même coup l’immunité parlementaire.
Le 4 avril, Mme Kirchner a été inculpée, par le juge Claudio Bonadio, « pour association illicite et blanchiment d’argent » dans le dossier Los Sauces, une société immobilière familiale dans la province de Santa Cruz, fief des Kirchner en Patagonie. Elle est également visée par une interdiction de sortie d’Argentine et par un gel de ses biens à hauteur de 7,5 millions d’euros. Ses enfants – Maximo, député, et Florencia, associés de Los Sauces – ont aussi été mis en examen. Tout comme les riches hommes d’affaires Cristobal Lopez, propriétaire de casinos, et Lazaro Baez, entrepreneur de travaux publics et présumé homme de paille de la famille Kirchner.
Ce dernier est en prison, inculpé de blanchiment d’argent et d’enrichissement illicite. Les noms de ces amis de Cristina Kirchner et de son époux, l’ex-président Nestor Kirchner (2003-2007), décédé en octobre 2010, réapparaissent dans toutes les autres enquêtes, qui se recoupent et forment un volumineux dossier rebaptisé « la route de l’argent K [pour Kirchner] ».
Recluse en Patagonie
De nombreux anciens hauts fonctionnaires des gouvernements Kirchner sont également dans le collimateur de la justice. Mais seuls deux sont en prison : Ricardo Jaime, ex-secrétaire d’Etat aux transports, pour enrichissement illicite, et José Lopez, ancien secrétaire d’Etat aux travaux publics, qui avait été arrêté de façon rocambolesque, le 14 juin 2016, alors qu’il tentait de cacher un butin de 8,2 millions d’euros dans un couvent.
Recluse dans sa demeure d’El Calafate, en Patagonie, Cristina Kirchner fait de son compte Twitter un média d’opposition, écrivant quotidiennement de durs commentaires contre le gouvernement, attaquant Mauricio Macri pour son implication dans les « Panama papers » ou encourageant les syndicats à faire grève. Quand elle se rend à Buenos Aires pour répondre aux convocations judiciaires, elle transforme ses comparutions devant les juges en plate-forme politique, haranguant les militants venus la soutenir aux portes du tribunal.