Donald Trump à la une d’un magazine chinois avant sa rencontre avec le président chinois, jeudi 6 avril en Floride. | GREG BAKER / AFP

Il n’y aura pas de partie de golf pour le président chinois Xi Jinping, reçu jeudi 6 avril par Donald Trump dans son club de luxe de Mar-a-Lago, en Floride. Le président américain y avait déjà reçu le premier ministre japonais Shinzo Abe, en février. Le séjour de M. Xi, qui a prévu de descendre dans un autre hôtel, sera plus court : vingt-quatre heures, au lieu d’un week-end ponctué par une partie de golf pour le visiteur japonais. Mais dans la Chine de Xi le vertueux, les clubs sont considérés comme des terreaux de corruption et la pratique du golf a été interdite aux membres du Parti communiste chinois fin 2015.

Ce premier rendez-vous est très attendu. La Chine fait partie des pays que Donald Trump a le plus critiqués durant sa campagne, mais aussi après son élection. En cause : le comportement de Pékin en matière commerciale, jugé déloyal, ainsi que son manque d’engagement face à la provocation militaire grandissante de la Corée du Nord.

Comme en prélude à la rencontre, Pyongyang a d’ailleurs tiré mardi son cinquième missile depuis le début de l’année, dans un geste de défiance vis-à-vis des sanctions internationales qui visent ses programmes nucléaire et balistique. Des manœuvres militaires ont débuté lundi entre Séoul, Tokyo et Washington pour contrer la menace représentée par des missiles stratégiques tirés par les sous-marins nord-coréens.

« L’option militaire » du dossier nord-coréen

Les demandes américaines, qui pressent Pékin d’user de l’influence qui lui est prêtée auprès de Kim Jong-un, placent la Chine dans une situation délicate. Le régime avait eu un rôle clé dans le durcissement des sanctions de l’ONU contre la Corée du Nord après le quatrième essai nucléaire de janvier 2016. Mais la montée des tensions avec les Etats-Unis en mer de Chine du Sud et le projet de Séoul d’adopter le système antibalistique américain Thaad ont rendu Pékin plus conciliant vis-à-vis de Pyongyang, au point de sanctionner la Corée du Sud par un boycottage larvé de ses exportations.

En outre, un rapport récent des Nations unies sur l’application des sanctions démontre que la Chine a fermé les yeux sur un certain nombre d’activités nord-coréennes sur son territoire. L’arrêt des achats de charbon nord-coréen par la Chine en février – après des importations massives l’année précédente – n’a pas suffi à convaincre de la détermination de Pékin.

Dans un entretien au Financial Times, lundi, M. Trump s’est dit capable de faire face à Pyongyang sans le truchement de Pékin. « Si la Chine ne résout pas le dossier nord-coréen, nous le ferons. C’est tout ce que j’ai à dire », a-t-il assuré. Ce volontarisme n’est peut-être que de façade. Le secrétaire d’Etat, Rex Tillerson, a déclaré à Séoul, fin mars, lors d’une tournée en Asie, que « la politique de patience stratégique est terminée », en référence à plus de vingt ans d’échecs, et que « l’option militaire est sur la table ». Il a ensuite fait part à Pékin de la volonté américaine de « travailler ensemble pour voir si nous ne pourrions pas amener le gouvernement de Pyongyang à changer de position ».

De la pédagogie de la part de Pékin

Mais avant l’escalade nord-coréenne, c’est le déficit commercial des Etats-Unis avec la Chine qui a alimenté les critiques les plus fortes de M. Trump vis-à-vis de Pékin. Ce dernier a d’ailleurs repris pendant la campagne les attaques de manipulation de sa monnaie, que rien ne vient pourtant étayer, qu’il adressait il y a trente ans contre le Japon.

M. Trump a pourtant baissé d’un ton depuis son arrivée à la Maison Blanche. Il n’agite plus la menace de tarifs douaniers prohibitifs, qui ne seraient pas sans conséquences pour les entreprises américaines. En quête de résultats, le président américain devrait demander à son homologue que soient mises en place les bases d’échanges équilibrés et fondés sur la réciprocité. « Donald Trump a lâché du lest, mais il pourrait obtenir des ouvertures par rapport à un marché chinois très protectionniste », estime Philippe Le Corre, spécialiste de la Chine à la Brookings Institution.

De son côté, Pékin fait assaut de pédagogie. Les médias chinois répètent à satiété les positions du pays sur le caractère « mutuellement bénéfique » des interactions économiques entre les deux puissances. Les Etats-Unis sont « réticents à exporter leurs technologies de pointe à la Chine, ce qui a considérablement affaibli les avantages qu’ils pourraient tirer [de ces exportations] », insiste l’auteur d’une tribune du Global Times datée du 1er avril sur la complémentarité des échanges entre les deux pays.

Le quotidien rappelle aussi que des centaines de milliers de jeunes Chinois vont chaque année étudier aux Etats-Unis. Vendredi, lors du point de presse du ministère des affaires étrangères chinois, le porte-parole a rappelé que si la Chine enregistrait un excédent commercial pour les marchandises, les Etats-Unis affichaient un solde positif pour les échanges de services. Et que 40 % du « surplus commercial chinois [de marchandises] était généré par des entreprises américaines installées en Chine ».

Des contextes assez comparables

Pékin semble également vouloir mettre en avant son intérêt pour le grand plan d’infrastructures de Donald Trump, en évoquant des investissements chinois. Cette hypothèse avait notamment été émise publiquement, en janvier, par Ding Xuedong, le président d’un fonds souverain chinois, le China Investment Corporation (CIC), lors d’un forum financier à Hongkong. M. Ding a toutefois démissionné de son poste en février dans le cadre des remaniements en cours à la tête des grands organismes économiques et financiers chinois.

Les deux présidents se trouvent en fait dans une situation assez comparable. M. Trump a besoin d’asseoir sa crédibilité par rapport à un pays présenté comme une menace pour les intérêts américains. Pour sa part, à quelques mois d’un congrès stratégique du Parti communiste, M. Xi doit nouer une relation avec la nouvelle administration sans donner l’impression de trop céder.

Dans ce rapport de force, M. Trump ne part cependant pas avec les meilleures cartes. Son équipe n’est pas encore totalement en place, comme le souligne Philippe Le Corre, et il a surtout perdu une première manche en remettant en cause brièvement la politique d’« une seule Chine » après un échange téléphonique sans précédent, en décembre 2016, avec la présidente de Taïwan, Tsai Ing-wen. Une « grosse erreur » selon l’expert de la Brookings Institution, qui avait contraint M. Trump à faire rapidement marche arrière.