Syrie : l’UE cherche à faire partie de l’équation diplomatique
Syrie : l’UE cherche à faire partie de l’équation diplomatique
Par Marc Semo (Bruxelles, envoyé spécial)
L’Union européenne et l’ONU coprésident une conférence internationale sur la reconstruction de la Syrie.
Federica Mogherini, la chef de la diplomatie européenne, ainsi que les représentants de 70 pays et organisations internationales observent, le 5 avril à Bruxelles, une minute de silence en mémoire des victimes de l’attaque chimique sur Khan Cheikhoun (Syrie). | JOHN THYS / AFP
L’attaque à l’arme chimique sur Khan Cheikhoun est un dur rappel aux réalités pour la conférence internationale sur la reconstruction de la Syrie coprésidée par l’Union européenne et l’ONU. « Nous devons déjà préparer l’après-guerre et gagner la paix même si en ce jour cela peut apparaître encore très loin », a reconnu, mercredi 5 avril, la chef de la diplomatie européenne Federica Mogherini. La veille, elle avait eu des mots très durs pour Damas affirmant que « la principale responsabilité repose sur le régime, tout d’abord parce qu’il a la responsabilité principale de protéger son peuple et non de l’attaquer ». Quelque 70 pays et organisations internationales étaient représentés par leurs ministres des affaires étrangères ou leurs premiers ministres. Il y avait néanmoins quelques absents de très grand poids, comme le secrétaire d’Etat américain Rex Tillerson et son homologue russe, Sergueï Lavrov.
Cette nouvelle évidence de la « barbarie » du régime, selon les mots du ministre français des affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault, a dissipé toute ambiguïté. Certaines capitales européennes, à commencer par Prague et Budapest, ou plus discrètement Rome et Madrid, évoquaient à demi-mot ces dernières semaines la nécessité de renouer avec Damas au nom du pragmatisme. « Aucune coopération n’est possible avec ceux qui sont coupables de tels crimes », a décrété le ministre allemand des affaires étrangères, Sigmar Gabriel. Son homologue britannique Boris Johnson, lui, a affirmé que « la reconstruction ne peut commencer avant que la transition ne soit réellement lancée ». Une position défendue avec encore plus de vigueur par Paris : « Sans transition politique en Syrie il y a aura toujours plus de chaos, de terrorisme, de violences et de réfugiés. »
Le communiqué final de la conférence condamne le bombardement de Khan Cheikhoun – sans en accuser quiconque – et tout emploi des armes chimiques. Il soutient les initiatives diplomatiques en cours, notamment Genève, et insiste sur le fait que « seule une véritable transition politique sans exclusive permettra de mettre fin au conflit ». Il souligne l’« importance de maintenir un pays souverain, indépendant, unitaire et territorialement intègre où tous les Syriens pourront vivre en paix et en sécurité ».
Besoin de soutiens humanitaires
Mais la conférence, la cinquième depuis 2013, visait avant tout à mobiliser les donateurs alors que la moitié des quelque 12 millions de Syriens vivant encore dans le pays ont besoin de soutiens humanitaires, mais aussi les pays voisins qui accueillent la plupart des 5 millions de réfugiés. « Nous avons récolté une promesse collective de 6 milliards de dollars rien que pour cette année », a précisé le commissaire européen à l’aide humanitaire, Christos Stylianides, en clôturant la réunion et l’UE, à elle seule s’engage pour 1,3 milliard de dollars en 2017.
Avec cette initiative, Federica Mogherini veut faire entrer dans l’équation diplomatique autour de la Syrie une Union européenne jusqu’ici largement absente, sinon pour l’humanitaire. « C’est une politique du pied dans la porte », résume Marc Pierini, chercheur au Carnegie et ancien ambassadeur de l’UE à Damas, soulignant que « l’UE dispose d’un véritable savoir-faire en matière de sortie de conflit où il ne s’agit pas simplement de reconstruire les infrastructures mais aussi les institutions et les gens ». Et surtout elle dispose de moyens – surtout avec le soutien des monarchies du Golfe – alors que les coûts de la reconstruction sont estimés à au moins 200 milliards d’euros. Face à une Russie maîtresse du jeu sur le terrain mais économiquement faible avec un PIB à peine égal à celui de l’Italie, les Européens disposent d’un levier pour peser sur l’avenir de la Syrie. C’est même le seul qui leur reste.