Mike Pompeo, patron de la plus célèbre agence de renseignement américaine, a estimé que le site de Julian Assange se comportait comme un « service de renseignement hostile ». | PABLO MARTINEZ MONSIVAIS / AP

Les autorités américaines ont toujours vertement critiqué WikiLeaks et les lanceurs d’alerte comme Edward Snowden. Le nouveau patron de la CIA, Mike Pompeo, vient cependant de franchir un palier dans ses accusations, en enchaînant les déclarations outrancières et sans preuves.

Le dirigeant de la plus célèbre agence de renseignement du monde, pour sa première prise de parole publique depuis sa nomination, le 23 janvier, s’en est violemment pris au site WikiLeaks, qu’il a accusé de se « comporte[r] et [de] s’exprime[r] comme un service de renseignement hostile » :

« Il est temps de dire ce que WikiLeaks est réellement : un service de renseignement non étatique hostile, souvent soutenu par des acteurs étatiques comme la Russie. »

S’exprimant dans le cadre d’une conférence organisée par le think tank américain Center for Strategic and International Studies, M. Pompeo a affirmé que WikiLeaks, « dépourvu de boussole morale », « ne poursuivait rien d’autre que [sa] propre célébrité ». Pis, Mike Pompeo voit dans WikiLeaks un exemple des « nouvelles menaces qui (…) a comme objectif la destruction de l’Amérique de la même manière que certains Etats ».

Mike Pompeo a également dénié au site WikiLeaks toute justification journalistique et comparé M. Assange et ses sympathisants à des « démons » :

« Nous devons reconnaître qu’on ne peut plus donner la possibilité à Assange et ses collègues d’utiliser les valeurs de la liberté d’expression contre nous. Leur donner de l’espace pour nous écraser avec des secrets volés est une perversion de notre grande Constitution. »

WikiLeaks est à l’origine de deux séries de publications ayant récemment déclenché la colère des autorités américaines : celle de certains outils de piratage de la CIA et les courriels de la campagne de Hillary Clinton.

Edward Snowden également visé

Les attaques du patron de la CIA ne visaient pas seulement l’Australien, fondateur de WikiLeaks, mais également Edward Snowden, le lanceur d’alerte de la NSA.

« Des individus comme Julian Assange ou Edward Snowden cherchent à se faire un nom. Ils n’ont que faire des vies qu’ils mettent en danger ou des dégâts qu’ils causent à notre sécurité nationale du moment qu’ils font sensation. »

Selon M. Pompeo, les révélations de Snowden, comme celles de WikiLeaks, ont constitué un danger pour l’Amérique. « Contrairement à ce qu’il prétend, [M. Snowden] n’est pas un lanceur d’alerte », a-t-il assuré :

« Quand [il] s’est réfugié dans les griffes confortables du renseignement russe, sa trahison a causé du tort à un grand nombre d’opérations militaires et de renseignement américaines. »

Selon M. Pompeo, sans le nommer, les révélations d’Edward Snowden ont permis « à plus de mille cibles étrangères, d’individus, de groupes et d’organisations » de changer leurs moyens de communiquer pour échapper aux grandes oreilles états-uniennes.

Un constat qui fait écho à celui que faisait, en décembre, la commission du renseignement de la Chambre des représentants dans son rapport sur l’affaire Snowden. Elle écrivait, non sans avoir préalablement caviardé toute précision ou preuve, que les révélations avaient causé d’« immenses dégâts pour la sécurité nationale ». Mais contrairement à M. Pompeo, les parlementaires s’étaient abstenus d’avancer de chiffre, fût-il imprécis.

Un palier a été franchi

Le ton des attaques de Mike Pompeo tranche avec celui de ses prédécesseurs, plus mesurés. John Brennan, son prédécesseur, avait déclaré en janvier que « Julian Assange n’[était] pas exactement un exemple de vérité et d’intégrité ». Un argument répété mot pour mot au mois de mars lors de la publication des outils de piratage appartenant à l’agence. Plus tôt dans l’histoire du site Internet, au plus fort du scandale du « Cablegate », lorsqu’il publiait les télégrammes diplomatiques des Etats-Unis, la ministre des affaires étrangères Hillary Clinton avait déclaré que la publication de WikiLeaks constituait « une attaque contre la communauté internationale », estimant qu’il n’y avait « rien de courageux à saboter les relations pacifiques entre nations ».

La violence des attaques du chef de la CIA tranche surtout avec le ton adopté par Donald Trump pendant la campagne : il avait déclaré « adorer » WikiLeaks et avait demandé au site de faire fuiter davantage de courriels d’Hillary Clinton. Un enthousiasme pour le site de Julian Assange alors partagé par de nombreux républicains, comme cet élu du Kansas, qui avait retweeté en juillet avec gourmandise les e-mails du Parti démocrate en estimant qu’Hillary Clinton était « foutue ». Un certain Mike Pompeo…