Allemagne : Frauke Petry a une vision très solitaire du pouvoir
Allemagne : Frauke Petry a une vision très solitaire du pouvoir
Par Thomas Wieder (Berlin, correspondant)
La présidente du parti d’entrême droite (AfD) voit son autorité contestée au sein de son mouvement.
Frauke Petry, la présidente de l’AfD, à Berlin. | Wolfgang Rattay / REUTERS
Dans les articles qui lui ont été consacrés au cours des dernières semaines, un adjectif revient à de nombreuses reprises : « ironique ». Pour les observateurs de la vie politique allemande, ce qualificatif correspond à la situation dans laquelle se trouve Frauke Petry. Une sorte de renversement de rôle, par rapport à celui qui était le sien il y a seulement deux ans. En 2015, elle prenait la tête du parti Alternative pour l’Allemagne (AfD) en défendant des positions radicales, sur l’Islam notamment. Aujourd’hui, au contraire, son autorité sur le mouvement se voit contestée alors qu’elle défend une ligne modérée, visant à faire de l’AfD un parti de gouvernement, prêt à s’allier à d’autres forces politiques, ainsi qu’elle l’a expliqué dans la motion qu’elle entend défendre à Cologne, samedi 22 avril, lors du congrès de son parti.
Née en 1975 à Dresde, ville alors située en République démocratique allemande (RDA), Frauke Petry s’est fait connaître du grand public en 2015. L’AfD avait été fondée, deux ans auparavant, par quelques économistes, juristes et hauts fonctionnaires favorables à la sortie de l’euro et au retour du deutschemark, puisant dans les milieux conservateurs de l’ex-Allemagne de l’Ouest (RFA). Bernd Lucke, professeur de macroéconomie à Hambourg et ancien membre de l’Union chrétienne-démocrate (CDU), incarnait cette première AfD, dont il fut porte-parole pendant deux ans avant d’en claquer la porte en 2015.
« Ras-le-bol »
C’est au départ de celui-ci, auquel elle a activement contribué, que Frauke Petry, chimiste de formation, a pris la tête du parti, orientant celui-ci vers des positions de plus en plus clairement islamophobes. Sous sa direction, l’AfD a connu ses plus grands succès électoraux au cours de l’année 2016, profitant de la crise des réfugiés pour dénoncer le « chaos migratoire » et crier au « ras-le-bol » d’Angela Merkel avec des accents populistes dont Frauke Petry s’est fait la porte-voix, sillonnant l’Allemagne d’estrades en tréteaux, sans talent oratoire foudroyant, mais d’un air à la fois martial et souriant qui lui a valu une grande popularité, notamment dans les anciens Länder de l’Est, où l’AfD a réalisé ses meilleurs scores.
Cette série de victoires électorales, loin de conforter son autorité, a, en revanche, aiguisé les rivalités en interne. Accusée d’autoritarisme, Frauke Petry n’a pas réussi, malgré les bons résultats engrangés par son parti, à se défaire de son image sectaire, liée à sa façon très personnelle d’exercer le pouvoir, au risque de se voir accusée par ses rivaux de privatiser le parti à son profit et à celui de son compagnon, le député européen Marcus Pretzell. Beaucoup plus que son positionnement, c’est cet autoritarisme que risque aujourd’hui de payer Frauke Petry.