François Fillon lors de la dernière émission télévisée rassemblant les onze candidats à la présidentielle, le 20 avril. | POOL / REUTERS

Distancé dans les sondages par Emmanuel Macron (En marche !) et Marine Le Pen (Front national), François Fillon (Les Républicains) a tenté de capitaliser sur l’attaque survenue près d’une heure avant sa prise de parole dans l’émission réunissant les onze candidats, jeudi 20 avril, sur France 2. Le candidat de la droite a consacré l’essentiel de son intervention – soit 9 minutes sur 15 – à la thématique de lutte contre le terrorisme. Cet enjeu doit être « la priorité absolue du prochain président de la République ». « Ce sera ma priorité absolue », a-t-il insisté.

A priori défavorisé de passer en dernier lors de l’ultime raout télévisé regroupant les onze prétendants à l’Elysée, l’ancien premier ministre a finalement bénéficié d’une place de choix pour avoir le temps d’intégrer des informations suffisamment recoupées sur la fusillade, avant d’ajuster sa réaction.

A la surprise générale, il a demandé l’interruption de la campagne, à trois jours du premier tour de la présidentielle. « Il n’y a pas lieu de poursuivre (…) Nous devons montrer notre solidarité avec les policiers (…) et une population française de plus en plus inquiète face aux actes terroristes », a-t-il déclaré, en précisant avoir décidé d’« annuler » son dernier déplacement avant le scrutin, qui était initialement prévu à Chamonix (Haute-Savoie). « J’aurai l’occasion de m’exprimer dans la journée » de vendredi, a-t-il ajouté, avec une voix volontairement basse, presque émue, pour coller à l’ambiance tragique de la soirée.

Lors de son intervention, M. Fillon a tenté de se présenter comme un homme protecteur, qui saura défendre les Français de la menace djihadiste. Avec l’idée d’apparaître comme un chef des armées crédible, qui disposerait d’une stature présidentielle supérieure à son principal rival, Emmanuel Macron. Le Sarthois, qui a toujours fait de ses réformes économiques la pierre angulaire de son projet, a adapté son message au contexte : il a longuement exposé son plan de bataille pour lutter contre ce qu’il qualifie de « terrorisme islamique ».

Riposte globale

Cela passe, selon lui, par une stratégie de riposte globale. Aussi bien sur le plan international qu’intérieur. Le député de Paris a rappelé sa ligne diplomatique de rapprochement avec Moscou. Il a de nouveau jugé nécessaire de former « une coalition mondiale pour éradiquer » les groupes djihadistes, en acceptant de « s’allier » notamment « avec les Russes et les Iraniens ».

Même orientation pour régler le conflit syrien : « Discuter avec les Russes est la priorité (…) On ne pourra pas mettre le régime de Bachar Al-Assad dehors sans la Russie puisqu’elle assure la sécurité de ce régime. » Une position vivement dénoncée par M. Macron et le socialiste Benoît Hamon, parmi ses adversaires à la présidentielle, ainsi que par Alain Juppé au sein même de son parti.

Sur le plan intérieur, M. Fillon a exposé son arsenal antiterroriste, qui se veut musclé : outre le retrait de la nationalité aux Français qui seraient partis faire le djihad, il a réitéré sa volonté d’« interdire les mouvements qui se réclament du salafisme et des Frères musulmans ». Surtout, il a plaidé pour l’arrestation préventive d’une partie des « fichés S ».

« Il faut que tous ceux qui représentent une dangerosité évidente soient interpellés, qu’il y ait une enquête et qu’ils soient jugés pour intelligence avec l’ennemi si on établit la preuve qu’ils ont des rapports avec l’Etat islamique. »

Il a érigé comme autre priorité la lutte contre « la montée de l’intégrisme qui grandit à l’intérieur de la communauté musulmane » en France. « On ne peut pas continuer à vivre dans cette crainte et cette terreur », a-t-il conclu.

« Jeu égal »

Dans l’entourage de M. Macron, on veut croire que l’attaque sur les Champs-Elysées ne bouleversera pas la fin de la campagne d’avant le premier tour. « Les Français ont depuis longtemps intégré la menace », explique un proche de l’ancien ministre de l’économie.

L’ancien banquier s’estime également suffisamment crédible sur les questions de sécurité et de lutte contre le terrorisme pour ne pas craindre un rebond de M. Fillon à ses dépens d’ici à dimanche. Dans les sondages, il « fait jeu égal » avec l’ancien chef du gouvernement sur ces thématiques, note ainsi un membre de sa garde rapprochée.