Faut-il laisser les partenaires sociaux aux commandes de l’assurance-chômage ? C’est l’un des enjeux de la réforme engagée par le gouvernement. Durant la campagne présidentielle, Emmanuel Macron avait laissé entendre que l’Etat reprendrait en main le dispositif. Puis il avait infléchi son discours et suggéré l’hypothèse d’une gestion tripartite – par les pouvoirs publics, le patronat et les syndicats. Dans une note rendue publique mercredi 18 octobre, la fondation Terra Nova propose deux scénarios de transformation, qui laissent plus ou moins de latitude aux organisations d’employeurs et de salariés, tout en écartant la piste de l’étatisation.

L’assurance-chômage est l’un des rares compartiments de notre Etat-providence où le patronat et les syndicats détiennent des capacités de décision très importantes. Ce sont eux, par exemple, qui définissent les règles d’indemnisation des demandeurs d’emplois, à travers des « conventions » négociées tous les deux ou trois ans. Le système est coiffé par une association paritaire, l’Unédic, dont la présidence revient alternativement à un représentant des employeurs et des salariés. L’Etat, de son côté, joue un rôle significatif : il donne, de facto, force exécutoire aux « conventions », par le biais d’un agrément.

Cette architecture est régulièrement mise en cause, au motif que les organisations qui tiennent les manettes de l’Unédic seraient peu représentatives. Elles feraient, de surcroît, preuve d’une incapacité à prendre les mesures qui s’imposent alors que le régime, dans le rouge depuis plusieurs années, ploie sous une dette estimée à 30 milliards d’euros, fin 2016.

De telles critiques évacuent « les réussites du système actuel », considèrent, pour leur part, les deux signataires de l’étude – Thomas Audigé et Pierre Ramain, qui furent respectivement directeur adjoint du cabinet de François Rebsamen, quand celui-ci était ministre du travail (2014-2015), et conseiller emploi à Matignon (2014-2017). D’après eux, les partenaires sociaux ont su « surmonter leurs désaccords pour aboutir à des décisions comportant des mesures d’économies substantielles ». L’Unédic a également prouvé qu’elle avait une « vision stratégique [de ses] missions » : choix d’un système qui « est l’un des plus protecteurs d’Europe », amorce d’une réflexion sur « la responsabilisation des employeurs » (ceux, en particulier, qui abusent des CDD), etc.

Mais il existe des marges de progression, notamment parce que l’« efficacité » du régime s’avère « plus controversée quant à son effet sur l’emploi » : le fait, par exemple, que l’assurance-chômage couvre « des situations d’alternance entre période de chômage et d’emploi court (…) a contribué à l’essor exceptionnel du recours aux contrats de très courte durée ».

« Un tripartisme équilibré »

Pour améliorer le fonctionnement du dispositif, une première option consisterait à « maintenir le rôle des partenaires sociaux dans la définition des règles » de prise en charge des demandeurs d’emploi. L’Etat, de son côté, cadrerait, au préalable, la négociation, en définissant les buts « ou les grands principes » ; il serait, à cette fin, assisté d’un « comité d’experts », qui veillerait au respect des objectifs.

L’autre schéma, esquissé par Terra Nova, accorde plus de prérogatives aux pouvoirs publics. Il s’agit d’instituer « un tripartisme équilibré », où l’Etat, le patronat et les syndicats détermineraient plusieurs choses : le financement du système, les dispositions sur l’indemnisation des demandeurs d’emploi et l’allocation de solidarité (versée aux chômeurs en fin de droit), le contrôle de la recherche d’une activité par les bénéficiaires… Dans cette hypothèse, l’Unédic disparaîtrait au profit d’une « commission » présidée par le ministre de l’emploi et une « règle d’or » serait instituée afin d’obliger « les gestionnaires à respecter un équilibre financier de long terme ».

« Aucune des deux options (…) n’est parfaite », écrivent les auteurs de la note, qui ne penchent en faveur ni de l’une ni de l’autre. Ils plaident au passage pour que la réforme à venir soit l’occasion de « renforcer encore la capacité » de l’assurance-chômage à répondre aux modifications du marché du travail (parcours professionnels de plus en plus discontinus, augmentation du nombre de travailleurs « ubérisés »…).