En 2002, contre Le Pen, Claire avait voté Chirac. En 2017, elle n’est pas sûre de faire barrage
En 2002, contre Le Pen, Claire avait voté Chirac. En 2017, elle n’est pas sûre de faire barrage
Par Aline Leclerc (propos recueillis)
Mobilisée contre la présence du Front national au second tour de l’élection de 2002, Claire, 35 ans, professeure en collège, ne sait pas si cette année elle votera.
En 2002, la qualification surprise de Jean-Marie Le Pen lors du second tour de l’élection présidentielle avait fait descendre nombre de jeunes dans la rue. Parmi eux, Claire. F., 35 ans, aujourd’hui professeure en collège dans le Limousin. Elle témoigne de l’évolution de ses convictions politiques, quinze ans après.
« En 2002, je travaillais chez Quick le dimanche à côté de mes études de lettres, à Poitiers (Vienne). Le 21 avril, ce sont des clients qui m’apprennent que Jean-Marie Le Pen est au second tour. Au départ, je n’y croyais pas… Moi j’avais voté Besancenot (LCR).
J’ai participé à une grande manifestation. On a fait le tour de la ville jusqu’à la gare, le cortège était très fourni. C’était une expression sans revendication, nous voulions juste montrer un autre visage. Après une forme d’effroi, de colère, ça faisait du bien d’être ensemble.
Le lendemain, dans le bus pour aller à la fac, je me rappelle avoir regardé autour de moi, en me demandant lesquels de mes voisins avaient bien pu voter FN : lui ? Elle ? Un sur six avait mis un bulletin Front national dans l’urne ! Or, à cette époque, dans cette région, on était vraiment épargnés par le vote d’extrême droite. Aujourd’hui, même le Limousin, qui était très à gauche, est rattrapé ; c’était frappant aux dernières régionales.
On est à un moment-clé de l’histoire
A la veille de cette nouvelle élection, je crois qu’on est quand même à un moment-clé de l’histoire. Si on repense à la période des années 1930 et de la guerre, il y a quand même une responsabilité individuelle des uns et des autres.
Ce qui me pose le plus problème aujourd’hui, c’est l’abstention. J’ai beaucoup de gens autour de moi qui ne veulent pas voter du tout. Ils disent : “Elections piège à con”, etc.” Mais en attendant, ils laissent les autres décider à leur place. Sur le premier tour, il me semble quand même qu’on peut toujours trouver un cheval moins pire que les autres.
Au second tour… J’ai changé de position. J’avais voté presque sans réfléchir pour [Jacques] Chirac en 2002. Je ne regrette pas, mais aujourd’hui je ne ferai pas la même chose. Je n’irai pas voter pour quelqu’un moins à gauche que Benoît Hamon. Je ne validerai pas des projets que je trouve dangereux, qui créent des inégalités, de la misère, de la violence sociale et de la violence tout court.
Mais par contre il ne faut pas se contenter de s’abstenir car ça ne fait pas avancer les choses. Donc si on ne veut pas aller voter, il faut s’engager pour une autre offre politique. Il va falloir surtout reconstruire la gauche, un projet qui va demander beaucoup de force et d’énergie. Moi j’ai adhéré à Ensemble depuis un an (mouvement pour une alternative de gauche, écologiste et solidaire). La France insoumise, je soutiens sans aller m’y noyer.
On est toujours les mêmes
Après, je pense qu’il y a peu de chance, mais il faut accepter que Marine Le Pen puisse être élue. Malheureusement, je pense qu’il faut en arriver presque là pour qu’il y ait un sursaut citoyen. Car dans les réseaux militants on est toujours les mêmes, que ce soit au syndicat, au parti, dans les manifs…
La culture politique et les réseaux vont finir par s’émousser… Donc peut-être que si le pouvoir est bien à droite on va réveiller tout le monde et tout ce savoir-faire ne sera pas perdu. Alors que si on se laisse couler vers du pseudo PS, on va encore s’endormir pour dix ans.
Après, je dis ça maintenant, j’évoluerai peut-être d’ici le second tour. Mais voter pour [François] Fillon ou [Emmanuel] Macron serait quand même un chèque en blanc à des gens qui ne me conviennent pas du tout. »