Jean-Luc Mélenchon en meeting à Dijon, le 18 avril. | BRUNO AMSELLEM / DIVERGENCE / « LE MONDE »

Il y tient comme « à la prunelle de (s)es yeux ». Jean-Luc Mélenchon a fait de la révocation des élus un des marqueurs politiques de L’Avenir en commun, son programme présidentiel. Il y indique, au point 3, vouloir créer « un droit de révoquer un élu en cours de mandat, par référendum, sur demande d’une partie du corps électoral. »

La mesure, symbole de la VIe République voulue par le candidat de La France insoumise, contribuerait à mettre en place « l’expression de la souveraineté populaire en toutes circonstances ». Pour évaluer son attractivité, le Parti de gauche, cofondé par Jean-Luc Mélenchon, avait organisé en 2014 une « votation citoyenne » où le oui avait recueilli 98 % des voix, soit plus de 180 000 bulletins.

Le référendum révocatoire d’initiative populaire consiste à mettre en cause la responsabilité politique d’un représentant, « même le conseiller général du coin » a précisé l’ex-socialiste, jeudi soir, dans l’émission politique « 15 minutes pour convaincre » sur France 2. Dans le système souhaité par M. Mélenchon, enclencher ce vote impliquerait de rassembler entre « 5 % et 15 % » du corps électoral mais pas au-delà, les initiateurs se refusant à établir un seuil « inaccessible ». Par exemple, appliqué à un président de la République, cela supposerait de réunir entre 2,3 et 6,8 millions de votants sur les 45,7 millions d’inscrits qui constituent le corps électoral national. Soit une fourchette assez vague.

« Retisser un lien entre élus et électeurs »

Le référendum révocatoire est pensé comme un moyen de contrôle des élus au cours de leur mandat. Aucune raison précise n’est néanmoins invoquée pour justifier d’une révocation.

« Quand les députés déposent une motion de censure à l’encontre du gouvernement, ils doivent développer un argumentaire. De la même manière, on peut imaginer que les auteurs d’un référendum révocatoire précisent leurs raisons », expose un membre de l’équipe chargée de rédiger le programme.

Un encadrement dans le temps a été envisagé. « On pourrait ne l’appliquer qu’une seule fois par élu et uniquement en seconde partie de mandat, ce qui lui permettrait de faire ses preuves. » Pour prévenir des risques d’abstention massive, les membres de l’équipe de Jean-Luc Mélenchon ont introduit l’idée d’une majorité qualifiée, nécessaire pour valider le scrutin. Les contours ne sont, là encore, pas figés mais deux hypothèses se dessinent : soit plus de 50 % des électeurs inscrits votent en faveur de la destitution de l’élu, soit le nombre de suffrages obtenus en faveur de la révocation est supérieur à celui recueilli par l’élu au moment de son élection. Si l’élu se fait déchoir de ses droits, une autre élection est organisée.

Dans les rangs du candidat de La France insoumise, ces conditions empêcheraient tout risque d’instabilité de régime, critique récurrente formulée par les détracteurs de la mesure. Cela permettrait, au contraire, d’impliquer les citoyens et de responsabiliser les élus. « Dans l’idéal, cette mesure n’est pas faite pour être appliquée, explique-t-on au sein de l’équipe de M. Mélenchon. C’est plutôt un processus incitatif. Le but est de retisser un lien entre les élus et leurs électeurs et non d’introduire de la suspicion. »

Pour Marie-Anne Cohendet, professeur de droit constitutionnel à Paris-1, « c’est tout à fait légitime dans une démocratie mais il faut un cadre général bien organisé pour éviter les risques de démagogie et de césarisme ». L’enseignante rappelle ainsi que la révocation des élus est « classique » à l’étranger, en témoigne son application au Venezuela, contre Hugo Chavez en 2004, et en Californie. La procédure de « recall », créée en 1908 au sein de l’Etat américain, avait permis à Arnold Schwarzenegger de devenir gouverneur en 2003 après la destitution de son prédécesseur.

Une VIe République sinon rien

Pourfendeur de ce qu’il nomme la « caste dorée », M. Mélenchon vise, par le référendum révocatoire, à répondre à « la crise démocratique et au discrédit du système politique ». « On a du mal à évaluer l’effet catastrophique du référendum de 2005 sur la Constitution européenne [deux ans après son rejet, le Traité de Lisbonne en reprend plusieurs dispositions]. C’est pourtant le symbole le plus manifeste du non-respect du choix souverain », explique un proche conseiller de Jean-Luc Mélenchon.

Pour certains constitutionnalistes, l’idée n’est pas aberrante. Professeur de droit public à Sciences Po Paris, Guillaume Tusseau estime que la mesure pourrait effectivement « redonner de l’intérêt à la participation populaire ». Il juge, en effet, le modèle de la Ve République « insuffisant » du fait principalement de l’article 27 de la Constitution qui dispose : « Tout mandat impératif est nul. »

Spécialiste de la Ve République, Marie-Anne Cohendet rejoint son collègue en précisant qu’il est « d’autant plus nécessaire de contrôler un organe qu’il est puissant », faisant référence à la fonction présidentielle. Elle tient à rappeler les termes de l’article 15 de la Déclaration des droits de l’homme : « La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration. »

Le conditionnel demeure pour évoquer le référendum révocatoire puisque sa mise en œuvre dépend de l’émergence d’une VIe République, dont la Constitution serait rédigée par une Assemblée constituante fraîchement élue et approuvée par référendum. Comme la règle verte ou le droit de vote à 16 ans, cette proposition suppose la mise en place d’un processus complexe et long pour aboutir. Le candidat Mélenchon a fixé la fin de ce chantier constitutionnel à deux ans, après son élection, en appelant à faire confiance à « l’intelligence collective ».