Nigeria : les ONG s’inquiètent du sort des déplacés
Nigeria : les ONG s’inquiètent du sort des déplacés
Par Camille Laffont
Médecins sans frontières alerte sur la saturation des infrastructures d’accueil et dénonce les rapatriements forcés de population.
En trois mois, la population de Pulka a augmenté de plus d’un tiers. Depuis janvier, plus de 11 300 réfugiés se sont installés dans cette petite localité de 30 000 habitants, située à l’extrême nord-est du Nigeria, près de la frontière avec le Cameroun. Un afflux qui « augmente encore la pression sur les rares ressources disponibles », alerte l’ONG Médecins sans frontières (MSF) dans un communiqué, mercredi 19 avril. La région de Borno est le théâtre d’une guerre féroce entre l’armée nigériane et la secte Boko Haram. Attaques-suicides, embuscades, enlèvements, opérations militaires : l’insécurité chronique pousse de nombreux habitants à se réfugier dans les centres urbains.
Sources cartographie : http ://www.globaldtm.info/nigeria/- http://nigeriawatch.org/index.php?urlaction=evtListe
« Le gouvernement nigérian considère que la guerre est finie, mais l’armée n’est présente que dans les villes », assure Laurent Suri, responsable des urgences à MSF-France, tout juste de retour du Borno. En dehors des capitales des zones de gouvernement local (sous-régions administratives), « la majorité des déplacements de populations se fait par hélicoptère ou sous escorte armée ». Les convois militaires et civils sont régulièrement attaqués.
Renvoyés de force au Nigeria
Pulka est l’un de ces refuges précaires. « Entre 150 et 250 déplacés y arrivent chaque jour » depuis deux mois, estime Laurent Suri. Les plus chanceux « s’installent dans les maisons vides », la plupart des habitants originels ayant fui vers Maïduguri, la capitale régionale. Les nouveaux occupants n’ont pas le droit de sortir du périmètre protégé par l’armée. Faute de pouvoir cultiver les terres en périphérie de l’agglomération, ils dépendent de l’assistance alimentaire fournie par les ONG.
Une assistance « très compliquée à maintenir » d’après Laurent Suri. Les rations mettent quinze jours pour arriver à destination, mais l’imprévisibilité des attaques et des déplacements de population empêche souvent de réunir les quantités suffisantes.
En février, les Nations unies ont alerté sur les risques de famine liés aux difficultés d’acheminement de l’aide humanitaire dans ce contexte de forte insécurité. Le Programme alimentaire mondial (PMA), principal acteur des distributions, n’a pas toujours pas bouclé son budget annuel, et craint de ne plus pouvoir subvenir aux besoins des populations.
Déjà saturées, les infrastructures d’accueil doivent désormais soutenir un nouvel afflux : celui des Nigérians qui avaient cherché refuge au Cameroun voisin renvoyés dans leur pays par l’armée camerounaise. Selon MSF, des résidents de longue date sont aussi concernés. « Nous vivions à Kolofata, au Cameroun, depuis plus d’un an, et un jour, ils ont décidé de renvoyer les gens au Nigeria sans explication. Nous n’avions pas le choix », témoigne ainsi un réfugié nigérian auprès de MSF. « Avec ces rapatriements forcés, on augmente encore la dépendance des populations, s’inquiète Laurent Suri. Cela risque d’être catastrophique. »