Donald Trump, le 13 avril à West Palm Beach (Floride). | JIM WATSON / AFP

« Peu importe le nombre de choses que j’ai accomplies au cours de cette période “ridicule” des 100 jours – et j’en ai fait beaucoup –, de toute façon, les médias me descendront. » Fidèle à sa défiance envers les médias, Donald Trump a dénoncé cette échéance dans un Tweet rageur.

A l’heure du cap symbolique des 100 jours après son arrivée à la Maison Blanche, franchi samedi 29 avril, le président est confronté aux réalités du pouvoir. L’approbation de son action est des plus mitigées : 40 %, selon le baromètre Gallup publié lundi 24 avril. Son prédécesseur, Barack Obama, affichait une popularité à 69 %, quand Georges Bush fils était soutenu par 63 % de ses concitoyens.

Les débuts de la nouvelle présidence ont été marqués par une série de revers, sur les décrets anti-immigration comme sur la réforme de santé promise par les républicains depuis des années. Le président américain, qui revendique toujours une approche impulsive et imprévisible, n’est pourtant pas inerte. Conscient que son bilan est pour le moment assez maigre – seule la confirmation du juge conservateur Neil Gorsuch à la Cour suprême est une victoire indéniable –, il a engagé une vague de déréglementation économique et environnementale massive.

  • IMMIGRATION

Ses promesses

- Construction d’un « mur » sur la frontière avec le Mexique

Pendant sa campagne, M. Trump a mis en avant les questions d’immigration et de sécurité. La proposition la plus symbolique formulée par le magnat de l’immobilier était l’édification d’un mur de 1 600 km le long d’une partie de la frontière mexicaine pour stopper l’immigration illégale – en assurant que Mexico paierait la facture.

Le candidat républicain, qui n’a eu de cesse d’accuser le Mexique d’envoyer aux Etats-Unis des criminels, des « violeurs » et des « trafiquants de drogue », s’était engagé à expulser les 11 millions de sans-papiers vivant sur le sol américain, dont 5,7 millions sont mexicains.

- Décret anti-immigration

Candidat à l’investiture républicaine, Trump avait promis, en décembre 2015, de bloquer l’accès aux Etats-Unis à tous les musulmans, avant de limiter ce bannissement à des zones géographiques associées au terrorisme. M. Trump avait justifié sa proposition choc par la nécessité de garantir la sécurité des Etats-Unis en empêchant l’entrée d’extrémistes.

Ses actes

Concernant le « mur » sur la frontière avec le Mexique, le président s’est heurté aux contraintes de la réalisation d’un tel ouvrage, sans parler de son financement. Il n’est plus question, désormais, de faire payer le Mexique. M. Trump, qui exigeait que la loi budgétaire votée vendredi 28 avril par le Congrès alloue des crédits pour lancer le chantier, y a finalement renoncé, reportant l’échéance à septembre. « Le mur sera construit », a-t-il néanmoins assuré.

Selon l’Institut national de la migration mexicain, entre le 20 janvier, date de l’investiture du président américain, et le 9 avril, 33 934 clandestins originaires du Mexique ont été expulsés. En mars, la police des frontières a enregistré le plus faible nombre de tentatives de passages illégaux depuis dix-sept ans, ce dont s’est félicitée la nouvelle administration.

Les tentatives de restrictions d’entrée de ressortissants de certains pays musulmans ont toutes été bloquées par la justice jusqu’à présent.

Le 27 janvier, Donald Trump soulevait une vague d’indignation internationale en signant un décret intitulé « Protéger la nation contre l’entrée de terroristes étrangers aux Etats-Unis ». L’ordre présidentiel interdisait pendant quatre-vingt-dix jours toute entrée sur le territoire américain aux ressortissants de sept pays, tous à majorité musulmane : Irak, Iran, Libye, Somalie, Soudan, Syrie et Yémen. Les réfugiés syriens, eux, étaient définitivement interdits d’entrée, jusqu’à nouvel ordre.

Une semaine plus tard, son application était bloquée par un juge fédéral de Seattle, décision ensuite validée par une cour d’appel de San Francisco, le 9 février, poussant le président républicain à revoir sa copie.

Le 15 mars, Donald Trump subit un deuxième camouflet lorsqu’un juge de Hawaï suspend la deuxième version du décret signée dix jours plus tôt. Comme pour le premier texte, le juge fédéral Derrick K. Watson a estimé que le décret visait spécifiquement une confession : l’islam. Le président américain a promis d’aller jusque devant la Cour suprême pour faire passer le texte.

Dernier revers en matière d’immigration : un juge a suspendu le 25 avril l’application du décret visant à priver de financements fédéraux les « villes sanctuaires », qui ont choisi de protéger les immigrants en situation irrégulière.

  • OBAMACARE

Des manifestants contre Donald Trump, à West Palm Beach (Floride), le 16 avril. | JIM WATSON / AFP

Ses promesses

C’était l’un des principaux engagements du candidat Trump : abroger l’Obamacare, la loi garantissant une couverture médicale abordable à tous les Américains, adoptée par son prédécesseur en 2010. Le candidat républicain disait vouloir la remplacer par un système qui serait à la fois « meilleur », qui concernerait « tout le monde » et qui coûterait moins cher.

Ses actes

Le 20 janvier, aussitôt après son arrivée à la Maison Blanche, le premier acte politique de Donald Trump a été la signature d’un décret symbolique visant à affaiblir l’Obamacare, qui ne pouvait être remplacée que par le Congrès. Un mois plus tard, le président avouait cependant avec candeur qu’il s’agissait d’« un sujet incroyablement complexe ».

Là encore, le 45e président des Etats-Unis a essuyé un revers cuisant. Le 24 mars, Donald Trump a dû se résigner à accéder à la requête du speaker républicain de la Chambre des représentants, Paul Ryan, de retirer le projet de texte qui devait remplacer la réforme de la santé de Barack Obama. M. Ryan ne disposait pas des 216 voix nécessaires pour faire avancer le texte jusqu’au Sénat.

L’aile droite républicaine, représentée par le Freedom Caucus, jugeait pour des raisons idéologiques le texte trop proche de l’Obamacare. M. Trump et M. Ryan avaient tenté de les faire fléchir en apportant des modifications au projet mais leurs marges de manœuvre étaient des plus limitées. Les électeurs républicains y étaient certes plus favorables, mais leur soutien n’était pas massif (41 %, contre 24 % qui y étaient opposés et 35 % sans opinion).

Le texte en discussion soulevait de nombreuses critiques. Un office d’évaluation du Congrès a ainsi estimé que sa version initiale entraînerait une forte augmentation du nombre de personnes non assurées – de l’ordre de 24 à 26 millions.

  • PROTECTIONNISME/EMPLOI

Le président américain, Donald Trump, a signé le 23 janvier une ordonnance retirant les Etats-Unis du traité transpacifique TPP. | SAUL LOEB / AFP

Ses promesses

Donald Trump s’était efforcé d’ancrer sa campagne dans le concept néo-mercantiliste d’« America first » (« L’Amérique d’abord »), l’un des thèmes qui l’ont porté à la présidence. Il s’agissait pour le milliardaire de « donner la priorité aux Américains », après des décennies gâchées, selon lui, à passer des accords de libre-échange qui ont favorisé la croissance des partenaires des Etats-Unis et les investissements à l’étranger.

Le candidat républicain s’est engagé à modifier en profondeur la politique commerciale des Etats-Unis et a notamment menacé d’imposer des droits de douane élevés sur les importations depuis la Chine et le Mexique.

Ses actes

Donald Trump a décidé de placer le protectionnisme au cœur de sa politique économique : menace de taxer les industriels qui délocalisent leur production ; retrait du traité transpacifique (TPP) que Barack Obama avait signé mais que le Congrès n’a jamais ratifié ; demande de renégociation de l’accord de libre-échange avec le Mexique et le Canada (Alena).

Le président espère ainsi changer les règles du jeu mondial pour défendre les emplois des travailleurs des anciennes régions industrielles (la Rust Belt) et réduire l’abyssal déficit extérieur des Etats-Unis.

Le 18 avril, Donald Trump a repris son antienne favorite : « Acheter américain, embaucher américain », en signant un décret visant notamment à réformer l’attribution des visas dits « H-1B » pour les salariés qualifiés. Le président veut ainsi mettre fin à la fraude des entreprises qui utilisent ce dispositif – attribuant chaque année un quota de 85 000 permis de travail à des scientifiques, ingénieurs et programmateurs informatiques – de façon abusive. La Maison Blanche estime que ce programme a été néfaste pour les travailleurs américains dans la mesure où il a, selon elle, entraîné l’arrivée d’une vague de travailleurs relativement peu qualifiés.

« Ensemble, nous allons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour nous assurer que plus de produits soient estampillés de ces mots merveilleux : “Made in the USA”. (…) Nous pensons que les emplois doivent être offerts d’abord à des travailleurs américains. »

Le texte signé par M. Trump a toutefois une portée limitée. Il s’agit d’un appel aux différents ministères concernés pour faire des propositions afin de rendre le dispositif plus vertueux. Mais c’est au Congrès qu’il reviendra d’entériner les changements.

Quant à l’Alena, un décret présidentiel y mettant fin était finalisé et prêt à signer, avant que finalement Trump ne change d’avis. « Il est de mon pouvoir de remettre le traité de l’Alena à jour, via la renégociation », a-t-il déclaré jeudi 27 avril, revenant sur sa menace. Mais la renégociation s’annonce ardue, le Mexique ayant fait savoir qu’il défendrait ses intérêts et adopterait des mesures de rétorsion envers toute nouvelle clause qui le lèserait.

  • RÉFORME FISCALE

Ses promesses

Sur le plan fiscal, le candidat républicain avait promis pendant sa campagne de remettre à plat le complexe code des impôts, dont il a lui-même été accusé de profiter pour alléger sa facture fiscale de promoteur immobilier pendant des décennies.

Il avait notamment indiqué vouloir faire passer la tranche maximale de l’impôt sur le revenu de 39,6 % à 33 %, et réduire l’impôt sur les sociétés à 15 %, contre 35 % actuellement. Le but ? Inciter les grandes entreprises américaines à rapatrier leurs bénéfices domiciliés à l’étranger, comme en Irlande, qui mène une politique fiscale agressive. Pour ce faire, M. Trump proposait d’abaisser la taxation à 10 %, pour ainsi faire rentrer plus de 200 milliards de dollars dans les caisses de l’Etat.

Ses actes

Donald Trump a dévoilé, mercredi 26 avril, les grandes lignes de sa réforme fiscale. Jugée comme la plus ambitieuse depuis 1986 par ses promoteurs, elle contient trois mesures phares :

- une baisse de l’impôt sur les sociétés de 35 % à 15 % ;

- une réduction de 7 à 3 du nombre de tranches de l’impôt sur le revenu des particuliers, de 10 % à 35 %, contre 39,6 % au maximum actuelllement ;

- et une suppression de presque toutes les possibilités de déductions fiscales, dans le but d’une simplification extrême.

Selon les premières évaluations du think tank Tax Policy Center, la réforme fiscale – qui devra encore passer l’obstacle du Congrès – amputerait les recettes de l’Etat de 6 200 milliards de dollars sur les dix prochaines années. La question est de savoir comment serait compensé ce manque à gagner, alors que la majorité républicaine est hostile à l’idée d’augmenter le déficit public.

  • ENVIRONNEMENT

Ses promesses

Durant sa campagne, Donald Trump a promis d’annuler l’accord de Paris sur le climat, qui engage les Etats-Unis à réduire considérablement leurs émissions de gaz à effet de serre (baisse de 26 % à 28 % d’ici à 2025, par rapport à 2005). Selon lui, les règles visant à limiter le réchauffement climatique menacent de « tuer l’emploi et le commerce ».

Dans le même temps, le candidat républicain faisait miroiter des emplois aux régions minières sinistrées, répétant en outre sa volonté de relancer l’exploitation du « magnifique charbon propre ».

Ses actes

La nomination de Scott Pruitt, climatosceptique assumé à la tête de l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA), a confirmé le revirement des Etats-Unis sur les questions environnementales. M. Pruitt a récemment affirmé que les émissions de CO2 n’étaient pas une des causes majeures du réchauffement climatique en cours et a réitéré ses critiques sur l’accord de Paris sur le climat :

« Nous nous sommes pénalisés avec des pertes d’emplois alors que la Chine et l’Inde n’ont pas pris de mesures pour faire face au problème. Pour moi, Paris a tout simplement été un mauvais accord. »

Scott Pruitt, patron de l’Agence de l’environnement américaine, doute de l’impact du CO2 sur l’environnement
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Le président américain et son équipe sont toutefois divisés sur l’opportunité de sortir de l’accord conclu lors de la COP21. L’influente première fille de M. Trump, Ivanka, et le secrétaire d’Etat, Rex Tillerson, ancien responsable du géant pétrolier Exxon Mobil, compteraient parmi les opposants à une telle décision. Les Etats-Unis doivent rester dans l’accord de Paris, mais en renégocier les termes, a de son côté déclaré le secrétaire à l’énergie, Rick Perry. M. Trump a fait savoir qu’il prendrait position « d’ici à la fin du mois de mai ».

Le 28 mars, le président américain a donné une impulsion décisive à sa contre-révolution énergétique en signant un décret remettant en cause l’essentiel de la réglementation mise en place par son prédécesseur pour lutter contre le réchauffement climatique. Le décret vise directement la mesure phare de M. Obama sur le climat, le Clean Power Plan, qui impose aux centrales thermiques des réductions de leurs émissions de CO2. M. Trump a ainsi annoncé « la fin de la guerre contre le charbon ».

Les mesures prises fin mars s’ajoutent à la suppression de contraintes au niveau fédéral pour l’exploitation d’énergies fossiles. Dans cette optique, la Maison Blanche a accordé fin mars le permis de construire à l’opérateur canadien TransCanada du pipeline Keystone XL, qui avait essuyé le veto de M. Obama.

Ces mesures s’inscrivent dans un contexte général de faible intérêt pour la recherche scientifique de la nouvelle ­administration. A la mi-mars, ont été annoncées des coupes budgétaires sans précédent dans les budgets de l’EPA (− 31 %), des Instituts nationaux de la santé (NIH, − 18 %) et du département de l’énergie (− 17 %).

Trump : les cent premiers jours d’un président « imprévisible »
Durée : 05:26