A Villepinte, Marine Le Pen reprend des passages entiers d’un discours de François Fillon
A Villepinte, Marine Le Pen reprend des passages entiers d’un discours de François Fillon
Par Olivier Faye
Dans son discours de Villepinte, lundi, la candidate Front national a répété mot pour mot des passages de celui prononcé par François Fillon au Puy-en-Velay le 15 avril.
Meeting de Marine Le Pen au Parc des expositions de Villepinte, le 1er mai. | Laurence Geai pour "Le Monde"
Le discours de François Fillon prononcé au Puy-en-Velay, le 15 avril, n’est vieux que de quinze jours, mais il est déjà en passe d’entrer dans la postérité. Non pas pour le fond du propos développé par l’ancien candidat du parti Les Républicains à l’élection présidentielle, mais parce que Marine Le Pen en a plagié des passages entiers lors de son meeting organisé au Parc des expositions de Villepinte, lundi 1er mai, comme l’a révélé le compte Twitter pro-Fillon Ridicule TV.
La candidate du Front national, qui va affronter lors du second tour du scrutin, le 7 mai, le candidat d’En marche ! Emmanuel Macron, a voulu démontrer lors de son discours l’importance qu’elle attache à la « culture française » et à la langue française, contrairement à son adversaire. Mais aussi à sa géographie.
- Sur les frontières
Lundi, Marine Le Pen s’émerveille devant les frontières françaises : « Avec ses trois façades maritimes, la Manche et la mer du Nord qui nous relie au monde anglo-saxon, et l’immensité septentrionale. La façade atlantique, qui nous projette vers le grand large, et nous parle d’aventure. La façade méditerranéenne, foyer des civilisations humaines parmi les plus vieilles et les plus riches de l’histoire.
Mais aussi ses trois frontières terrestres. Les Pyrénées d’abord, qui engagent la France vers cet immense ensemble qu’est le monde hispanique et latin. Nos Alpes, qui nous ouvrent vers l’Italie, notre sœur. Et au-delà l’Europe centrale, balkanique et orientale. Et puis, il y a la frontière du Rhin, la plus ouverte, le plus prometteuse aussi. Ce monde germanique avec lequel nous avons à construire tant de coopérations, pour peu que nous retrouvions le statut d’allié, et non d’inféodé, d’asservi ou de soumis. »
Le 15 avril, François Fillon déclarait peu ou prou la même chose : « Trois façades maritimes : la Manche et la Mer du Nord ouvertes sur le monde anglo-saxon et l’immensité septentrionale ; la façade atlantique, qui nous ouvre depuis des siècles le grand large et nous livre ses aventures ; la façade méditerranéenne, foyer de civilisations parmi les plus vieilles et les plus riches de l’Histoire. C’est déjà beaucoup, c’est déjà exceptionnel !
Mais c’est aussi trois frontières terrestres : les Pyrénées d’abord, qui engagent la France dans cet immense ensemble qu’est le monde hispanique et latin. Il y a la frontière des Alpes, vers l’Italie notre sœur, et au-delà l’Europe centrale, balkanique et orientale. Et puis il y a la frontière du Rhin, la plus ouverte, la plus dangereuse, la plus prometteuse aussi – ce monde germanique avec lequel nous eûmes tant de conflits et avec lequel nous avons encore à construire tant de coopérations. »
- Sur la voix de la France dans le monde
Lundi, Marine Le Pen a déclaré : « La France, c’est aussi un ensemble de valeurs et de principes transmis de générations en générations, comme des mots de passe. (…) Et puis c’est une voix, une voix extraordinaire, singulière, qui parle à tous les peuples de l’univers. »
Coïncidence ou non, François Fillon affirmait la même chose, le 15 avril. « La France, je l’ai dit, c’est une histoire, c’est une géographie, mais c’est aussi un ensemble de valeurs et de principes transmis de génération en génération comme des mots de passe. (…) C’est finalement une voix singulière adressée à tous les peuples de l’univers », estimait le député de Paris.
Marine Le Pen – aidée par le ou les auteurs de son discours – poursuit : « Nous savons que la simple évocation de la France a pour des millions d’hommes à travers le monde une résonance particulière. Sur tous les continents, en Afrique, en Asie, en Amérique latine, en Europe centrale, autour de la Méditerranée, le mot France ne désigne pas qu’un pays, c’est une lumière qui retient l’attention, c’est une direction vers laquelle les gens sensibles, cultivés, ou épris de liberté se tournent. »
François Fillon n’était pas en reste sur le sujet, il y a deux semaines : « Singulière, pourquoi ? Simplement parce que le mot France réveille aux oreilles de multiples hommes, à travers les continents, une petite musique particulière. En Amérique latine, en Afrique, en Asie, en Europe centrale, autour de la Méditerranée, il évoque bien autre chose qu’un pays situé au bout du cap européen. »
- Sur la langue française
Puis arrive un passage du discours de la députée européenne qui représente un simple copier-coller de celui de M. Fillon.
La première déclare, à Villepinte : « Si l’on apprend notre langue, quelquefois à grand prix, en Argentine ou en Pologne, s’il existe des listes d’attente pour s’inscrire à l’Alliance française de Shanghaï, de Tokyo, de Mexico, ou bien au lycée français de Rabat ou de Rome, si Paris est la première destination touristique mondiale, c’est que la France est autre chose et bien plus que la puissance industrielle, agricole ou militaire qu’elle peut et doit redevenir. »
Le second lançait, au Puy-en-Velay : « Si l’on apprend notre langue, quelquefois à grand prix, en Argentine ou en Pologne, s’il existe des listes d’attente pour s’inscrire à l’Alliance française de Shanghaï, de Tokyo, de Mexico, ou bien au lycée français de Rabat ou de Rome, si Paris est la première destination touristique mondiale, c’est que la France est autre chose et bien plus qu’une puissance industrielle, agricole ou militaire. »
Et les deux responsables d’utiliser la même référence à Georges Clemenceau, à ce moment-là de leurs discours : « Jadis soldat de Dieu, aujourd’hui soldat de la liberté, la France sera toujours le soldat de l’idéal. »
La phrase d’un autre homme illustre, André Malraux, citée dans le discours de François Fillon, le 15 avril, est elle aussi reprise par Marine Le Pen, le 1er mai : « La France n’est la France que si elle porte une part de l’espérance du monde. »
- Sur l’« univers tourmenté »
La candidate d’extrême droite s’inquiète, ensuite, du monde qui nous entoure. « Si on regarde cet univers tourmenté, et c’est la clé pour comprendre le monde, nous voyons que deux idéologies totalitaires cherchent à se mettre en place autour de nous, avance-t-elle. D’un côté le mondialisme, qui conçoit le monde comme un grand marché où l’homme n’est plus qu’un consommateur ou un producteur. (…) De l’autre, l’idéologie islamiste, qui cherche à asservir le monde par la terreur et par une vision religieuse nihiliste et obscurantiste. »
Une petite innovation s’est glissée par rapport au discours de François Fillon. Ce dernier désignait en plus le « nazisme et le stalinisme » au moment de parler du totalitarisme.
« Si nous regardons cet univers tourmenté, il apparaît très clairement qu’il se divise dangereusement entre deux conceptions de l’homme et de la vie : d’un côté ceux pour qui tout se règle à la fin des fins selon des critères matériels, estimait l’ancien premier ministre. En face de lui, s’est dressée une religion aveugle et aveuglante qui est, comme je l’ai écrit, un totalitarisme pur. Avant, il y eut le nazisme, le stalinisme… »
Malgré cette légère divergence, Marine Le Pen trace plus ou moins la même voie que son ancien adversaire pour sortir de ce cruel affrontement.
« Entre le tout économique et le tout religieux, nous ouvrons et nous traçons une voie alternative, assure-t-elle. Une voie qui procède de notre héritage culturel. Une voie qui est seule conforme à nos valeurs de civilisation, c’est-à-dire soucieuse de l’humanité de l’homme, et qui nous recommande de faire confiance à la raison et au libre arbitre. Cette voie c’est celle de la culture. C’est aussi celle du doute, de la discussion, du compromis, c’est la voie de l’équilibre, de la liberté des individus et des peuples. (…) Je crois sincèrement que cette réponse, et cette réponse-là seulement, est profondément française. »
François Fillon ne disait pas autre chose, il y a deux semaines : « Eh bien il y a heureusement entre les deux, une troisième voie est proposée à ce siècle : la voie française, soucieuse de l’humanité, de l’homme, du libre arbitre, de la raison, la voie de la culture, du doute, de la discussion, du compromis, du dialogue, la voie de l’équilibre, de la liberté des individus et des peuples. Je crois sincèrement que cette voie-là, la voie française, reste un espoir pour le monde du XXIe siècle. »
Contacté par Le Monde, lundi soir, David Rachline, le directeur de campagne de Marine Le Pen, a d’abord assuré ne pas être au courant de ce plagiat, ni savoir qui est l’auteur du discours de la candidate. Il nous a assuré par la suite que ce choix représente « un clin d’œil assumé à un bref passage touchant d’un discours sur la France, d’une candidate de rassemblement qui montre qu’elle n’est pas sectaire ». Une explication répétée mot pour mot à l’Agence France-presse (AFP) par Florian Philippot, vice-président du FN, qui a assuré qu’il s’agissait en fait d’un « clin d’oeil assumé à un bref passage touchant d’un discours sur la France » de la part « d’une candidate de rassemblement qui montre qu’elle n’est pas sectaire ». Mais cette fois-ci, impossible de savoir qui a copié l’autre.
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