Lundi, le porte-hélicoptères « Izumo », fleuron des forces maritimes d’autodéfense, a escorté un bâtiment de ravitaillement américain au large de la côte Pacifique de l’Archipel. | STR / AFP

C’est dans une atmosphère de fortes tensions régionales et d’incertitudes sur la politique étrangère américaine que le Japon a célébré, mercredi 3 mai, le 70e anniversaire de sa Constitution, et plus spécifiquement, de l’article 9 proclamant son renoncement à la guerre.

D’après un sondage de l’agence de presse Kyodo publié le même jour, 49 % des Japonais estiment que cet article doit être revu, contre 47 % qui s’y opposent. Pour la première fois, les partisans d’une modification dépassent les opposants. Ce changement découle de la situation en Asie de l’Est. En mars, trois missiles nord-coréens s’étaient abîmés dans la zone économique exclusive du Japon, entre 300 km et 350 km de l’île principale d’Honshu.

L’inquiétude est exacerbée par une couverture intense des questions nord-coréennes par les médias nippons et des décisions anxiogènes du gouvernement. Le 29 avril, peu de temps après l’annonce du dernier tir de missile nord-coréen, la circulation des métros a été interrompue à Tokyo sur ordre, semble-t-il, de la ministre de la défense. Le gouvernement a par ailleurs largement diffusé des informations sur l’attitude à adopter en cas d’attaque de missile et établi un plan d’évacuation des 60 000 ressortissants japonais de Corée du Sud.

Inconstance américaine

Ces mesures coïncident avec l’annonce, lundi, par le premier ministre, Shinzo Abe, connu pour ses positions nationalistes et son rejet du pacifisme de l’après-guerre, de sa volonté de profiter de l’anniversaire de la Constitution pour lancer sa réforme. « Le temps est venu », a déclaré le chef de gouvernement. « J’ai l’impression que Shinzo Abe joue de la crise actuelle », analyse Tetsuo Maeda, un spécialiste des questions de défense proche de l’opposition japonaise.

Lundi, le porte-hélicoptères Izumo, fleuron des forces maritimes d’autodéfense, a escorté un bâtiment de ravitaillement américain au large de la côte Pacifique de l’Archipel, une opération présentée par Tokyo comme une preuve de la solidité de l’alliance militaire nippo-américaine. Il s’agissait d’une première pour les forces nippones depuis l’entrée en vigueur en mars 2016 d’une législation sécuritaire les autorisant à intervenir pour aider un allié agressé. « Le Japon pourrait multiplier ces missions de protection des navires américains en profitant des tensions autour de la Corée du Nord », analyse le quotidien de centre gauche Mainichi.

L’inconstance de l’allié américain lui facilite la tâche, renforçant l’idée que le Japon doit développer sa propre défense. Après avoir brandi la menace de frappes préventives contre Pyongyang, envoyé ce qu’il a appelé une « armada » au large de la péninsule coréenne et accéléré le déploiement en Corée du Sud du système antimissile Thaad, le président américain, Donald Trump, s’est dit prêt, lundi, à discuter avec le dirigeant Kim Jong-un, « si c’est approprié de le voir ».

« Clairement, les conditions ne le permettent pas aujourd’hui », a dû tempérer le porte-parole de la Maison Blanche, Sean Spicer. Quatre jours plus tôt, M. Trump s’inquiétait du risque d’un « conflit majeur » avec la Corée du Nord, tandis que s’achevaient les importantes manœuvres conjointes américano-sud-coréennes organisées chaque année pendant deux mois et considérées comme un acte d’agression par la Corée du Nord. Pyongyang les exploite pour justifier ses tirs de missile et ses essais nucléaires.

Fermeté

Lors d’une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU consacrée à la Corée du Nord le 28 avril, la Chine et la Russie ont de nouveau proposé que Pyongyang cesse ses tirs de missiles et essais nucléaires en échange de la suspension de ces exercices militaires, ce qui pourrait être le point de départ de négociations. Le secrétaire d’Etat américain, Rex Tillerson, a préféré appeler à l’application stricte des sanctions onusiennes, voire à leur renforcement. Il a reçu l’appui notamment de la Corée du Sud et du Japon, lequel semble donc camper sur une position de fermeté.

Au terme d’un entretien le 27 avril à Moscou avec le président russe Vladimir Poutine, M. Abe avait exclu une reprise des pourparlers à six (Etats-Unis, Corées, Chine, Japon, Russie) sur le programme nucléaire de la République populaire et démocratique de Corée, arguant que « le dialogue pour le dialogue ne sert à rien ».