Mondial de hockey-sur-glace : « La coopération franco-allemande a des hauts et des bas, mais pas en hockey »
Mondial de hockey-sur-glace : « La coopération franco-allemande a des hauts et des bas, mais pas en hockey »
Propos recueillis par Bruno Lesprit
Entretien avec le président québécois de la fédération française, à quelques heures de l’ouverture du championnat du monde coorganisé par Paris et Cologne.
Le président de la fédération française de hockey Luc Tardif, en 2014. | DR
Québécois originaire de Trois-Rivières, établi en France à la fin des années 1970 en se distinguant comme attaquant au sein des Chamois de Chamonix et des Dragons de Rouen, Luc Tardif, 64 ans, préside depuis 2006 la Fédération française de hockey sur glace (21 500 licenciés), qu’il a affranchie de la tutelle de celle des sports de glace. Réélu pour un troisième mandat de quatre ans en 2014, il s’apprête à vivre le couronnement de son action avec le championnat du monde que Paris accueille avec Cologne du 5 au 21 mai, compétition qui avait ignoré la France depuis 1951. A quelques heures du match d’ouverture, opposant à l’AccorHotel Arena de Bercy la Finlande à la Biélorussie, Luc Tardif s’est confié au Monde sur la préparation de l’événement.
Etes-vous fin prêt à recevoir l’élite mondiale du hockey ?
Au point de vue logistique, les sept équipes étrangères sont arrivées petit à petit [outre la Finlande et la Biélorussie, le Canada, la République tchèque, la Suisse, la Norvège et la Slovénie, toutes opposées à la France dans le groupe B]. La première phase de transfert et d’installation dans les hôtels s’est bien passée. La glace est impeccable, les techniciens ont bien travaillé car on va jouer trois matchs par jour. Et la patinoire d’entraînement à Bercy permet de tout centraliser.
Etes-vous confiant pour la fréquentation ?
En ce qui concerne le public, nous sommes dans notre tableau de bord. Nous attendons de 150 000 à 180 000 spectateurs, 100 000 environ venant des délégations étrangères. Trois d’entre elles se déplacent en masse, la finlandaise, la tchèque et la suisse. Et il y a le Canada, champion olympique et champion du monde, qui attire des spectateurs puisque ce pays est la première idée qui vient à l’esprit des gens quand on évoque le hockey. Nous savons aussi que 15 à 20 % des billets seront vendus pendant l’événement et qu’il y aura des vagues de supporteurs après la phase de poules [Paris accueillant deux quarts de finale le 18 mai]. La promotion a malheureusement été un peu noyée dans l’élection présidentielle. Et il y a l’impact des attentats, difficile à mesurer.
La planète hockey aura donc les yeux rivés sur Paris et Cologne ?
Il s’agit de la plus grosse manifestation sportive d’hiver, après les Jeux olympiques. Elle est suivie par un milliard de téléspectateurs, avec des images vues dans 150 pays. L’attractivité de ces championnats est forte car, sauf coup de théâtre, les joueurs de la NHL [La Ligue nord-américaine] ne participeront pas aux Jeux de Pyeongcheang, en Corée du Sud, en février 2018. Je craignais que les propriétaires des clubs refusent de les laisser venir à Paris et à Cologne. C’est une occasion unique de les voir en Europe.
Si le parcours des Bleus le permet, les téléspectateurs français auront-ils la possibilité de voir un match en clair, comme cela a été le cas pour les handballeurs en janvier ?
Les droits télé sont entièrement gérés par la fédération internationale. Canal + a obtenu une exclusivité [avec retransmission sur Canal+ Sport et Canal+ Décalé], donc, sauf négociation de dernier moment, je ne vois pas comment ce serait possible. Mais si vous me demandez si j’y suis favorable, bien sûr, car il y a tout lieu de souligner l’événement.
Etes-vous optimiste s’agissant des Bleus ?
Le succès de la compétition doit évidemment s’accompagner d’un résultat sportif pour l’équipe de France. Elle a pris possession de son vestiaire, la période de préparation s’est bien passée. On n’a eu à déplorer qu’un seul blessé [l’attaquant grenoblois Alexandre Texier] et nous disposons de la totalité de nos joueurs évoluant en Amérique du Nord. Il y a une forte motivation pour performer. Nous sommes contents d’avoir une équipe au complet, ce qui n’a pas toujours été le cas. Du coup, on n’a pas d’excuses.
Les matchs de préparation, en dents de scie, ne permettent pas de donner une idée de son niveau...
Nous en avons disputé un seul avec l’effectif au complet. On a gagné en Russie et en Lettonie, on a battu les Suisses et les Biélorusses. Pendant des années, on a fait des super matchs de préparation et on n’a pas été bons au championnat du monde. D’autres fois, c’était l’inverse. C’est un sport d’organisation du jeu, dans lequel il faut garder la tête froide. La poule est très forte, pour aller en quart il faut piquer une place aux quatre meilleures équipes, Canada, Finlande, République tchèque et Suisse.
Cette coorganisation avec Cologne permet au hockey de relancer le couple franco-allemand, si décrié pendant la campagne électorale…
La coopération franco-allemande a des hauts et des bas, mais pas chez nous ! On a travaillé ensemble pour emporter la décision. Deux nations, une seule organisation, avec un budget global de 25 millions d’euros – 14 millions pour Cologne, 11 millions pour Paris – et une billetterie commune. La maire de Cologne, Henriette Reker, est venue à Paris. Il y aura une rencontre entre des représentants du land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie et de la région Ile-de-France, dimanche 7 mai, à l’occasion du match France-Finlande.
Nous bénéficions de l’expérience des Allemands dans l’organisation des championnats du monde, puisqu’ils l’ont fait en 2010 [à Cologne et à Mannheim]. Il y a chez eux une culture du hockey qui rend logique que les demi-finales et la finale aient lieu à la Lanxess Arena. Trente matchs à domicile, cela nous demande déjà beaucoup de travail. On est arrivé à quelque chose d’équilibré entre les deux nations. Avec la rigueur allemande d’un côté, la fantaisie française de l’autre…
Vous n’avez pas peur des stéréotypes ! Et le choix de la mascotte, Astérix et Obélix, ne relève pas d’une grande fantaisie…
Figurez-vous que ce sont les Allemands qui l’ont proposée ! On a longtemps cherché ensemble, en regardant nos logos, le coq et l’aigle. En 2010, ils avaient utilisé un dragon de leurs légendes. Et puis un membre de leur équipe d’organisation a suggéré Astérix et Obélix, en nous apprenant qu’ils étaient populaires chez eux, comme en en République tchèque ou au Danemark. On n’aurait pas osé imposer le village gaulois, si je puis dire. On espérait seulement ne pas entendre de remarque en ce qui concerne la potion magique. Heureusement, il n’y en a eu aucune.