Patrick Koller, le directeur général de Faurecia, lors de la présentation des résultats du groupe, le 9 février, à Paris. | ERIC PIERMONT / AFP

C’est ce qu’on appelle une affaire rondement menée. L’« idylle », nouée en janvier dernier, donnera des fruits à peine neuf mois après avoir débuté. En septembre prochain, lors du Salon automobile de Francfort, l’équipementier automobile français Faurecia et son alter ego allemand ZF Friedrichshafen présenteront les premiers produits issus du partenariat stratégique que les deux entreprises ont révélé ce jeudi 4 mai. Un record de vitesse dans l’industrie automobile.

L’alliance non capitalistique – mais exclusive et contractuelle – consiste à mettre leurs forces en commun afin de développer « des technologies de rupture pour l’habitacle et la sécurité des occupants dans le cadre de la conduite autonome », indique un communiqué des deux entreprises. Concrètement, le français et l’allemand proposeront des nouveaux systèmes sécurité (ceintures, airbags, et toute la technologie nécessaire à leur développement) dans un environnement où le conducteur peut être amené à temporairement ne plus conduire son véhicule.

C’est une première pour Faurecia, et un petit événement dans le monde peu connu des grands fournisseurs de l’industrie automobile. Les deux sociétés sont des poids lourds de ce secteur. Faurecia, premier équipementier français et huitième mondial avec 18,7 milliards d’euros de chiffre d’affaires, est en particulier un leader des sièges auto et des motorisations « propres ».

Penser l’habitacle du futur

ZF – vieux groupe allemand qui fabriquait les engrenages des zeppelins – est un champion planétaire des boîtes de vitesses et de la sécurité passive et active. Troisième équipementier automobile mondial derrière Bosch et le japonais Denso, la ZahnradFabrik, basée dans le Bade-Wurtenberg, affiche un chiffre d’affaires de 35,2 milliards d’euros, le double de son nouveau camarade français.

« C’est au Salon automobile de Detroit au début de l’année que ce partenariat a vu le jour, raconte Patrick Koller, le directeur général de Faurecia. Mon homologue de ZF, le Dr Stefan Sommer, et moi nous sommes rencontrés et avons immédiatement découvert que nous partagions la même vision du futur de l’habitacle pour le véhicule autonome. » L’idée force consiste à générer « un cocon de sécurité et de confort pour le conducteur de 2025 et les passagers des véhicules autonomes de niveau 4 ».

« Dans la voiture autonome, poursuit M. Koller, le siège pourra pivoter afin de créer un espace de conversation pendant le trajet. Il pourra aussi s’incliner, si l’occupant du véhicule souhaite lire ou se reposer. Cela implique de repenser complètement l’emplacement des airbags, la position des ceintures de sécurité qui seront beaucoup plus solidaires du siège qu’aujourd’hui. »

« Complémentarité »

Et c’est justement là que réside l’intérêt d’une alliance entre le roi du siège auto et le Kaiser des systèmes de sécurité active et passive. Chez Faurecia, on se dit ébahi par la fluidité, la facilité et la vitesse avec lesquelles le partenariat s’est mis en place. « La complémentarité est exemplaire, se réjouit Patrick Koller. Nos équipes sont revenues des premières réunions de travail enthousiasmées par le niveau des synergies potentielles avec les seules technologies existantes. »

Le futur véhicule autonome ne le sera que par intermittence – du moins dans un premier temps. Le chauffeur lâchera le volant sur l’autoroute, ou dans un embouteillage. Ce qui implique un retour à la conduite « classique » sûr et efficace. Là encore Faurecia et ZF comptent jouer un rôle de premier plan, en équipant l’habitacle de l’électronique prédictive qui facilitera ces transitions : capteurs biologiques pour repérer un individu en sommeil, environnement lumineux ou sonore pour faire passer d’un état à un autre confortablement et sans danger.

Cette opération d’envergure signe bien que le nouveau Faurecia est arrivé. Dans la voiture autonome, le groupe n’avait pas pris l’avance de l’autre grand équipementier automobile français, Valeo. « Compte tenu des marchés historiques de Faurecia, il y avait une certaine logique à cela », relativise un expert du secteur. Mais la vente de l’activité pare-chocs à Plastic Omnium il y a un an a changé l’optique de Faurecia (propriété à 46,6 % de PSA). Elle a fourni un trésor de guerre à l’entreprise pour lui permettre de se positionner sur ses axes stratégiques majeurs, au premier rang desquels figure le « cockpit du futur ».

Faurecia entasse donc les briques technologiques de l’automobile de demain. L’achat de la division automobile de Parrot, à l’automne dernier, a été une étape importante pour se doter d’outils performants dans le domaine de l’« infotainment » à bord. « Il nous manque encore des compétences dans le domaine des flux d’air qui, comme les éléments de sécurité, doivent être repensés pour la voiture du futur », ajoute M. Koller. En attendant, le partenariat avec ZF est présenté comme un pas stratégique « majeur ». Et pas seulement pour le secteur automobile. Un français et un allemand unis et complémentaires, voilà qui constitue une leçon qui va au-delà de l’économie.