A Lille, « on ne veut pas de cette folle au pouvoir »
A Lille, « on ne veut pas de cette folle au pouvoir »
Par Laurie Moniez (Lille, correspondance)
Dans un quartier populaire, rares étaient les électeurs à avoir voté pour Emmanuel Macron avec entrain au second tour de la présidentielle qui l’oppose à Marine Le Pen.
A Lille, le 23 avril 2017, pour le premier tour de la présidentielle. | Olivier Touron pour Le Monde
Au bureau 607 de Lille, Jean-Luc Mélenchon a recueilli 51,2 % des suffrages au premier tour. Dans le quartier populaire de Moulins, limitrophe de Wazemmes, rares étaient les électeurs à avoir voté pour Emmanuel Macron avec entrain ce dimanche 7 mai au matin. « J’avais voté Poutou car il avait ouvert sa gueule, mais là, pas le choix, je vais voter Macron », lâche Laura Cornaert, 23 ans, chef de cuisine. Elle avait hésité à aller voter mais le débat de l’entre-deux-tours l’a motivée. « On ne veut pas de cette folle au pouvoir. »
Son amie Jessie Lebtahi, 29 ans, chef de projet traduction, se souvient des larmes de sa mère le soir du 21 avril 2002. « Elle me fait tellement peur Marine Le Pen que j’ai voté, par calcul, pour Macron aux deux tours. J’ai eu mal au ventre car ce n’était pas mon vote de conviction. » Ce soir, les deux amies ont rendez-vous avec leurs potes à une soirée d’anniversaire : « Le pauvre, quelle soirée d’anniversaire ! On va allumer la télé pour suivre les résultats. On se méfie tellement... »
Steeve Buchet, gardien d’immeuble de 39 ans, sera lui aussi devant la télé. Ce grand gaillard, queue de cheval et look rock’n’roll, a beaucoup hésité avant d’aller voter Macron. « C’est ma conscience personnelle qui m’a amené à voter pour lui : pour faire barrage au FN. Mais c’était dur, très dur. » Comme ses amis, il s’est engagé du côté des « insoumis » de Mélenchon mais lui est allé voter. « Les autres hésitent. Et ils en ont marre d’entendre la phrase ’ce sera de ta faute si Le Pen passe.’ Mes amis ne veulent pas que Macron passe avec plus de 60 %. »
« Défendre notre République »
Rappelons qu’à Lille Jean-Luc-Mélenchon est arrivé en tête du premier tour avec 29,9 % (suivi de Macron à 25 %, Fillon à 14,4 % et Le Pen à 13,8 %). Hamon n’a décroché que 10,9 % des voix. Martine Aubry a fait diffuser mercredi un courrier dans toutes les boîtes aux lettres des Lillois qui a mis fin à un début de polémique. Certains lui ont reproché de ne pas avoir de consigne claire par rapport à Macron. La maire de Lille a remis les points sur les « i » en écrivant : « Voter Macron, c’est défendre l’essentiel, notre République et la place de la France dans une autre Europe. »
Tout le monde se souvient des déclarations de la socialiste concernant le ministre de l’époque de François Hollande : « Macron, comment dire ? Ras-le-bol ! » Depuis, face au FN, elle n’a pas hésité une seconde et a tenu à l’écrire : « Le 7 mai, votons Emmanuel Macron pour faire barrage au Front national ! » Un message adressé à ceux qui penchaient pour le « ni-ni » aujourd’hui.
Dans le quartier de Moulins, Delphine, sage-femme, a elle aussi essayé de convaincre son entourage. « C’est dur de voter Macron mais l’enjeu est ultra important. Quand on réfléchit deux secondes aux conséquences, ça devrait motiver les électeurs, non ? Quand j’entends dire qu’on hésite entre la peste et le choléra : non ! C’est entre la peste et la varicelle. » Ce soir, Delphine viendra dépouiller dans le bureau 607. « Ça me fera passer le temps : je suis un peu stressée. »