Hollande dans son bureau de vote de Tulles, le 7 mai. | Laurence Geai pour "Le Monde"

Il est 20 heures, dans le jardin d’hiver de l’Elysée. Entouré de ses ministres, de ses conseillers et de leurs familles, François Hollande regarde la silhouette de son successeur se dessiner sur l’écran, avec son score : plus de 65 %. Applaudissements sous les ors de ce palais que tous auront quitté dans huit jours. « J’étais à côté de lui, j’ai senti son émotion, raconte un ministre. Il s’était préparé. Mais forcément, c’est dur. Ce soir, il sait qu’il n’est plus le président élu. »

Peu avant l’annonce des résultats, le chef de l’Etat a réuni sa garde rapprochée dans son bureau : le premier ministre, Bernard Cazeneuve, plusieurs ministres, dont Matthias Fekl, Michel Sapin, Myriam El Khomri, Stéphane Le Foll, Audrey Azoulay ou encore Marisol Touraine, ainsi qu’une poignée de conseillers, dont le secrétaire général, Jean-Pierre Jouyet. Le président a incité ceux qui étaient attendus sur les plateaux de télévision à « affirmer » leur « identité ». Persuadé que le PS pourra se reconstituer à la faveur des législatives, François Hollande veut éviter que le parti qu’il a dirigé pendant onze ans se laisse engloutir par la vague En marche !. « Il pense que les 6 % de Benoît Hamon ne reflètent pas le poids politique du PS », rapporte une ministre.

Après avoir pris connaissance des résultats, le chef de l’Etat a téléphoné à Emmanuel Macron. « Bravo », a-t-il lancé à son ancien conseiller, en souhaitant qu’il fasse « profiter le plus grand nombre de cette réussite ». Puis il est redescendu se mêler à ses invités réunis autour d’un buffet. « C’est un score flatteur pour la démocratie », a-t-il lancé à l’un d’eux. A un autre, il a glissé que c’était « mieux » que Macron ait gagné, plutôt qu’un autre. « Il vient de cette majorité, il vient de ce gouvernement, il vient de cette histoire », a-t-il observé en ajoutant qu’il préférait « laisser le pays » entre ces mains-là. « Nous sommes tous soulagés de la défaite de Marine Le Pen et satisfaits de la victoire d’Emmanuel », a-t-il résumé, avec des mots choisis.

Passé de conquêtes

Plus tôt, le chef de l’Etat a voté et passé une partie de la journée dans son ancien fief électoral de Corrèze. Après une tournée rituelle des bureaux de vote, il s’est arrêté à la mairie de Tulle, pour un « pèlerinage » dans son ancien bureau, désormais occupé par son successeur, Bernard Combes. Ce dernier lui a montré des photos de son ascension politique et exhumé une affiche de campagne qui avait servi pour sa déclaration de candidature, le 31 mars 2011. « Voilà une belle affiche ! », s’exclame le président, rasséréné par ce passé de conquêtes, à l’heure où il doit quitter le pouvoir.

Halte à la mairie de Laguenne, un QG les jours de vote, pour déguster une tête de veau. Avant d’aller déjeuner dans une brasserie de Tulle, avec des élus corréziens. Devant des convives hilares, François Hollande a raconté le soir de son second tour, le 6 mai 2012 : la télévision avait lâché au moment où il apparaissait à l’écran. « J’ai dû le voir en différé, je me suis dit que le quinquennat commençait bien !, plaisante le président. J’attends 20 heures, on ne sait jamais, mon visage va peut-être apparaître ce soir. »

Le chef de l’Etat transmettra les pouvoirs à Emmanuel Macron dimanche 14 mai. Les deux hommes seront côte à côte les 8 et 10 mai, lors des commémorations du 8 mai 1945 à l’Arc de triomphe, puis lors de la cérémonie consacrée à la mémoire de l’esclavage, dans les jardins du Sénat. Le président, qui dînera avec la chancelière allemande, Angela Merkel, le 8 mai à Berlin, ne devrait plus se déplacer sur le terrain avant dimanche. Il s’installera la semaine suivante dans ses nouveaux bureaux, rue de Rivoli, où doivent le rejoindre sept collaborateurs et deux agents de service, comme le prévoit un décret d’octobre 2016.

Dans le Falcon pour la Corrèze, dimanche matin, un membre de sa délégation l’a interrogé : « Votre humeur est-elle… crépusculaire ? » Non, a répondu le président, avant d’ajouter, plus doucement : « Mais elle n’est pas badine non plus. » Puis, comme s’il se parlait à lui-même : « C’est un drôle de moment… »