Le PDG de LVMH, Bernard Arnault, le 25 avril, à Paris. | GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP

LVMH revient sur la Toile. Le groupe présidé par Bernard Arnault a annoncé, mercredi 10 mai, le lancement de 24Sevres.com, site de vente en ligne de marques de luxe. Du nom de l’adresse du Bon Marché, grand magasin parisien que le groupe détient depuis 1984, ce site marchand accessible en français et en anglais à partir du 6 juin sera consacré à la vente de seize des soixante-dix marques du groupe LVMH. Parmi elles, figurent Louis Vuitton, Dior, Kenzo ou Céline.

En complément, 24 Sèvres vendra plus d’une centaine d’autres marques, dont des concurrents historiques (Gucci) et des figures de la mode made in France (Petit Bateau, APC…).

En sus, le groupe a imaginé une collection de séries limitées de 70 pièces issues de 70 marques différentes, réalisées en collaboration avec des « artistes français », fait-il valoir. Les clients – le site ne sera ouvert qu’à 70 pays pour commencer – seront livrés sous vingt-quatre heures par l’opérateur DHL.

8 % des achats de produits de luxe effectués sur le Net

Ce n’est pas la première initiative du groupe pour vendre en ligne ses marques sous une seule adresse. En 2000, le numéro un mondial du luxe avait lancé eLuxury.com, en y référençant plus de 2 000 produits issus de ses collections et de marques concurrentes. Le site a fermé ses portes en 2009. LVMH expliquait alors vouloir doter la plupart de ses marques de leur propre site de vente en ligne.

Depuis, Bernard Arnault a enrichi sa culture numérique. Cet ancien promoteur – il a construit le groupe de luxe en bâtissant un réseau de magasins aux meilleures adresses dans toutes les villes du monde – a écouté son entourage, rapporte un spécialiste de l’industrie de la mode.

Sa fille, Delphine Arnault, d’une part, entrée au conseil d’administration de LVMH en 2003, et aujourd’hui directrice générale adjointe. Son deuxième fils, d’autre part, Alexandre Arnault, ingénieur, fan de high-tech, qu’il a nommé à la tête de la marque allemande Rimowa, lors de son rachat en 2016. Tous deux auraient incité leur père à revoir la stratégie numérique du groupe. Les performances du marché auraient fini par convaincre le patron de LVMH. Internet procurerait désormais au groupe 2 milliards de ses 37,6 milliards d’euros de chiffre d’affaires.

Le Web ne cesse de prendre du poids dans les achats de mode, de maroquinerie et de bijoux haut de gamme. Selon le cabinet de conseil Bain & Company, ce marché de la distribution en ligne s’est hissé au troisième rang mondial du luxe en 2016, juste derrière les ventes aux Etats-Unis et au Japon. Quelque 8 % des achats de produits de luxe s’effectuent aujourd’hui sur la Toile. Chez Kering, concurrent de LVMH, l’e-commerce a bondi de 16 % en 2016 (19 % rien que chez Gucci) par rapport à 2015.

« Une incidence sur l’ensemble des activités »

Cette montée en puissance a incité Bernard Arnault à débaucher Ian Rogers, une pointure de chez Apple, pour donner un nouvel élan au sein du groupe. Il l’a investi, il y a dix-huit mois, au poste de directeur général chargé du numérique nouvellement créé au sein du comité exécutif.

Depuis, l’ancien responsable d’Apple Music a investi un étage du 22, avenue Montaigne, siège social du groupe, à Paris, et a pour mission d’évangéliser tous les cadres de la maison. Ceux-là même qui pourraient s’inquiéter de l’incidence de l’e-commerce sur les ventes physiques des 3 948 magasins du groupe. « Le numérique a un impact sur l’ensemble des activités, depuis la distribution en boutique jusqu’à la vente auprès des grands magasins, en passant par la relation à la clientèle », explique-t-il au Monde.

Pour le lancement de 24Sevres, l’homme dit avoir travaillé comme pour une « start-up ». Son équipe – une soixantaine de personnes – a bénéficié de moyens techniques importants pour offrir un temps de téléchargement rapide aux clients en ligne et enrichir le catalogue de vidéos et de photos haute définition.

« Une expérience bien plus riche »

Autant d’attentions nécessaires. « Ceux qui consomment des produits de luxe en ligne exigent que les sites soient très au point », juge Christophe Favresse, directeur commercial chez FACT-Finder, développeur allemand d’algorithmes pour l’industrie numérique. D’autant que LVMH a été devancé par d’autres plates-formes de vente en ligne de produits de luxe.

En 2012, PPR (devenu Kering) a créé une société commune avec Yoox, une start-up milanaise, qui, depuis 2000, expédie robes et escarpins en quarante-huit heures. Net-a-porter, pionnier de l’e-commerce haut de gamme multimarque, a rejoint son giron en 2015. Le suisse Richemont, maison mère de ce site lancé par la journaliste Natalie Massenet, en détient toujours 50 %. Depuis, sa fondatrice a rejoint le portugais Farfetch, étoile montante de la vente en ligne dont l’activité progresse de 70 % par an depuis sa création en 2007.

« C’est le bon moment pour entrer sur le marché. Notre site propose une expérience bien plus riche que celle de nos concurrents », assure M. Rogers. Sa différence résiderait, par exemple, dans le soin apporté à la livraison : une boîte signée des initiales du commanditaire et agrémentée d’un papier plié en forme de tour Eiffel.