Argentine : un demi-million de foulards blancs contre l’impunité d’un tortionnaire de la dictature
Argentine : un demi-million de foulards blancs contre l’impunité d’un tortionnaire de la dictature
Le Monde.fr avec AFP
La Cour suprême a accepté de raccourcir la peine d’un ex-agent paramilitaire, Luis Muina, condamné à treize ans de prison pour enlèvement et torture d’opposants.
Des manifestants brandissent leur foulard blanc, mercredi 10 mai, à Buenos Aires. | Victor R. Caivano / AP
Des centaines de milliers d’Argentins brandissant les symboliques foulards blancs des Mères et grands-mères de la place de mai ont défilé mercredi soir 10 mai à Buenos Aires contre la décision de la Cour suprême d’alléger la peine d’un ancien tortionnaire de la dictature (1976-1983).
Mercredi 3 mai, la plus haute juridiction du pays avait accepté de raccourcir la peine d’un ex-agent paramilitaire, Luis Muina, condamné à treize ans de prison pour enlèvement et torture d’opposants sous le régime militaire.
Il avait profité d’une loi connue comme « Deux pour un », en vigueur de 1994 à 2001, permettant de compter comme double chaque jour passé en détention provisoire au moment d’appliquer la peine prononcée en jugement.
La loi visait à réduire la surpopulation carcérale et aucune limite n’était prévue, pouvant ainsi s’appliquer aux délits de droit commun comme aux crimes contre l’humanité. Luis Muina, le premier à en bénéficier, avait passé plus de neuf ans en prison avant d’être jugé.
« 30 000 détenus-disparus »
Mardi, un tribunal fédéral a déclaré la décision « inconstitutionnelle » tandis que deux autres anciens bourreaux se sont empressés de demander à bénéficier de la même mesure, provoquant un tollé dans ce pays, profondément marqué par cette page noire de son histoire.
Signe de l’émotion, les députés, puis les sénateurs ont adopté en urgence, dans la journée de mercredi et à l’unanimité, une loi limitant la portée de la décision de la Cour Suprême. Les auteurs de crimes contre l’humanité ne pourront plus bénéficier de réductions de peines.
A Buenos Aires, les figures des Mères et grands-mères de la place de Mai, dont Estela de Carlotto, Lita Boitano et Taty Almeida qui depuis quarante ans réclament la vérité sur le sort de leurs enfants disparus, ont harangué la foule avec leur slogan. « Messieurs les juges : plus jamais aucun auteur de génocide en liberté. 30 000 détenus-disparus. Présents ! », ont-elles scandé, accompagnées de chanteurs, d’acteurs, de footballeurs et d’hommes politiques de tous bords.
Des marches similaires ont eu lieu dans d’autres villes d’Argentine, telles que Neuquen, Cordoba et Rio Negro.