Des manifestants défendent la neutralité du Net, le 5 mai à Washington. | CHIP SOMODEVILLA / AFP

La bataille autour de la neutralité du Net est bien engagée. Après l’annonce du régulateur américain des télécoms, la Federal Communications Commission (FCC), fin avril, de vouloir revenir sur ce grand principe entériné sous l’administration Obama, les deux camps fourbissent leurs armes. Ces derniers jours, une grande offensive a été remarquée sur le site de la FCC : des dizaines de milliers de commentaires identiques, hostiles à la neutralité du Net, ont été postés, visiblement de façon automatique, rapportent mercredi 10 mai plusieurs médias américains.

La neutralité du Net est un principe garantissant à tous le même accès technique au réseau Internet, quel que soit l’utilisateur et quel que soit le service auquel il se connecte ou qu’il propose. Par exemple, la neutralité du Net interdit aux fournisseurs d’accès de faire payer davantage à leurs clients pour qu’ils bénéficient d’un meilleur débit sur YouTube ou Netflix – ou de faire payer YouTube ou Netflix pour permettre un meilleur débit à leurs utilisateurs.

Après la grande victoire en 2015 des défenseurs de la neutralité du Net aux Etats-Unis, le nouveau directeur de la FCC, Ajit Pai, nommé par Donald Trump, avait fait connaître son intention de revenir sur ce principe. Sa proposition, si elle est adoptée, imposera l’interdiction de revenir sur cette question à l’avenir. D’ici là, une consultation publique à ce sujet doit être ouverte.

L’accès au site perturbé

Le camp des défenseurs de la neutralité du Net, qui savaient à quoi se préparer avec l’élection de Donald Trump, se sont rapidement mobilisés, et ont posté des milliers de commentaires ces dernières semaines sur le site de la FCC, parfois identiques, grâce à des formulaires tout prêts comme celui de l’association Fight for the Future. En début de semaine, l’émission télévisée du très populaire John Oliver a elle aussi généré son lot de commentaires : le présentateur encourage les téléspectateurs à se mobiliser pour la neutralité du Net et à le faire savoir sur le site de la FCC. L’accès au site a été peu après perturbé, la FCC affirmant qu’elle était la cible d’attaques par déni de service (DDoS), qui consistent à rendre un site inaccessible en le saturant de connexions.

Mais c’est un tout autre phénomène qui est apparu ces derniers jours sur le site. Plus de 100 000 commentaires identiques, visiblement publiés automatiquement, ont inondé le site. Contrairement à la plupart des messages publiés auparavant, celui-ci s’oppose à la neutralité du Net :

« La régulation sans précédent imposée sur Internet par l’administration Obama étouffe l’innovation, nuit à l’économie américaine et entrave la création d’emplois. (…) Le projet de la FCC (…) est un pas en avant et favorisera un Internet libre et ouvert pour tous. »

Noms et e-mails usurpés

Ces messages, dont plusieurs ont été postés chaque seconde, même lorsque l’Amérique dormait, sont signés de personnes différentes, avec à chaque fois un e-mail unique. Mais après vérifications, il semblerait que ces identités aient été usurpées. Plusieurs sites spécialisés comme The Verge, ZDNet ou Gizmodo ont contacté des personnes ayant visiblement signé ces commentaires. A chaque fois, celles-ci ne semblaient pas au courant : elles démentaient les avoir publiés, assuraient n’avoir aucun lien avec les organisations anti-neutralité du Net et, dans certains cas, n’avaient même jamais entendu cette expression.

Le texte du commentaire est issu d’un message du Center for Individual Freedom, une organisation hostile à la neutralité du Net. Elle milite en faveur du projet de la FCC et, à l’instar des opposants, encourage les internautes à publier ce message sur le site du régulateur des télécoms, à l’aide d’un formulaire.

Mais dans un communiqué à Gizmodo, l’organisation dément catégoriquement être à l’origine de ce qui s’apparente à une campagne de spam sur le site de la FCC : « Le Center for Individual Freedom ne remplit pas de commentaires sous le nom d’individus sans leur consentement. (…) Si une personne extérieure détourne notre campagne pour publier des commentaires sous le nom d’autres personnes, bien sûr que nous allons réagir. »

L’origine de ces messages reste donc toujours mystérieuse, tout comme la façon dont la ou les personnes à l’origine de ces publications se sont procuré les noms et adresses e-mails sous lesquelles ces commentaires ont été publiés. Cette campagne de spam semble toutefois avoir pris fin mercredi.